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Madagascar: quid de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice?

Schéma global d'une démocratie moderne. A Madagascar a été ajouté le Sénat

L’affaire (car ç’en est devenue une) du second retour loupé de l’ancien président démissionnaire, Marc Ravalomanana, a fait couler énormément d’encre. En fait, encore une tempête dans un verre car tous ces bavards ont oublié -sciemment ou délibérément- la notion de séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. Allons leur rafraîchir la mémoire.

"Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution". (Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789)

"Il n'est pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales pour la donner aux objets particuliers". (Jean-Jacques Rousseau, « Du Contrat social », livre III, chapître IV).

La séparation des pouvoirs est un principe, une théorie -ayant vu le jour en Grande-Bretagne-, qui préconise que les trois grandes fonctions de l’Etat soient, chacune, exercée par un organe ou une instance différente :

- le pouvoir législatif, dévolu aux assemblées représentatives, édicte les règles. Ici, les parlementaires font  des lois pour un temps (ou pour toujours, une utopie à Madagascar), les corrigent et/ou  les abrogent ;

- le pouvoir exécutif, détenu par le gouvernement, exécute les règles. Ici, les membres du gouvernement exécutent ces lois promulguées, comme faire la paix (ou la guerre) ; envoyer ou recevoir des ambassadeurs, établir les textes sur la sécurité publique…

- le pouvoir judiciaire, assuré par les juridictions, règle les litiges. Ici, les magistrats punissent les crimes et jugent les différends entre citoyens.

Le contrôle que chacun des trois pouvoirs exerce sur les autres est censé préserver les citoyens des atteintes à ses droits fondamentaux.

La séparation des pouvoirs est appliquée dans la plupart des états démocratiques modernes. Elle est plus ou moins souple car une trop stricte séparation des différents pouvoirs peut conduire à la paralysie des institutions. En France, par exemple, ce fut le cas en France sous le Directoire (1795-1799) et sous la IIe République (1848-1852), débouchant sur un coup d’état. De ce fait, de nombreuses constitutions  privilégient le principe de la collaboration des différents pouvoirs en leur attribuant des moyens d'action les uns sur les autres. Cependant, dans la pratique, le pouvoir exécutif va souvent au-delà de son rôle en s'assurant la mainmise sur les autres pouvoirs (nomination des juges, possibilité de légiférer). Comme c’est souvent le cas à Madagascar…

A partir ce principe, tout pouvoir judiciaire est donc censé être indépendant des autres pouvoirs et peut faire appliquer la loi après tout jugement et… indépendamment.

Mais bien évidemment, l'équilibre entre les pouvoirs est assuré par la capacité que doit avoir chacun d'eux d'agir et d'empêcher, ce qui les contraint à la collaboration et au contrôle mutuel, réduisant ainsi le risque d’abus de part et d'autre.

De l’Indépendance de la justice

Nous sommes actuellement dans une période de transition d’une IIIe république vers une IVe. Ceux qui persistent à croire autre chose, sont des ignares ou des inconscients. La Constitution de cette dernière a été votée le 17 septembre 2010 et n’attend plus que ses dirigeants élus au suffrage universel. Mais en attendant (quand ? Que les poules auront des dents ?), voici  ce qu’il faut savoir sur la fameuse indépendance de la justice.

L’indépendance de la justice par rapport au pouvoir législatif
Elle résulte d’une double interdiction : celle faite aux juges de se substituer au législateur en rendant des décisions générales et impersonnelles (les arrêts de règlement), et celle faite au législateur d’intervenir (sauf impérieux motif d’intérêt général) dans une affaire judiciaire en cours en édictant une loi rétroactive.

L’indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif
Elle est garantie par la séparation des fonctions administratives et judiciaires, ainsi que par les diverses règles statutaires existantes.

Cela réglé, voyons, à présent ce qui s’est passé le samedi 21 janvier 2012. Pour appliquer une décision de justice, il faut aussi des exécutants. Concernant le mandat d’arrêt de Marc Ravalomanana (qui a été condamné par contumace en 2009), il n’a jamais été rendu caduc car il est accusé de crimes de sang pour le carnage du 7 février 2009. Lorsque certains politiciens hurlent que la juridiction qui l’a jugé est incompétente, c’est aller trop vite en besogne. Mais qui n’a pas mis en place la Haute cour de justice, en 7 ans de pouvoir ? Celle-ci n’existait pas non plus lorsque le régime Ravalomanana a condamné pour 10 ans, l’Amiral Didier Ratsiraka. Et voilà que Maître Hanitra Razafimanantsoa (devenue Rakotomavo) crie au loup. Mais que sait-elle de l'Histoire des mouvements populaires malgaches avant celui qu'elle vénère pour ce qu'il a et non ce qu'il est ? Et d’inventer tout un arsenal de termes pseudo-juridiques pour mieux se tromper elle-même. A croire que le culte de l’impunité vient des magistrats malgaches eux-mêmes… Ah oui : c'est une avocate "d'affaires".

Revenons à nos moutons. L’application du mandat d’arrêt sur Ravalomanana a été prise en charge par le Général Richard Ravalomanana. Ce, depuis septembre 2011. En stratège militaire, il n’a pas à dévoiler sa… stratégie. Et, selon le principe de la séparation des pouvoirs, il n’était pas obligé d’en référer aux pouvoirs législatif et exécutif. D’où les déclarations du ministre de la communication, d’abord, du Premier ministre ensuite, de ne pas avoir été au courant de ce Notam («Notice for Air Men»). (CLIQUEZ ICI POUR L’EXPLICATION EN VIDEO SELON UN PILOTE D’AIR MADAGASCAR).

En fait, il s’agissait d’instructions données au pilote d’Air Link pour qu’il se pose, non pas sur le tarmac d’Ivato, mais sur l’aéroport de Morondava, doté de toutes les infrastructures d’accueil, compris le fuelling. (CLIQUEZ ICI POUR L’EXPLICATION). Une stratégie tout à fait militaire pour stopper l’impunité qui fait encore trop de ravages dans nos contrées. Rappelons aussi la règle universelle : TOUTE REGLE A UNE EXCEPTION. Ravalomanana n’est pas un héros mais un vulgaire opportuniste dont le seul pouvoir ne reposait que sur la mystification et la croyance que l’argent peut tout acheter. Mais ce n’est pas une ressource inépuisable… Et contumace ou pas, il a été condamné pour meurtre, à la suite du carnage du 7 février 2009, devant le palais d’Ambohitsorohitra. J’y étais : les gardes du palais ont tiré sur nous sans sommation. Un vrai coup dans le tas… Vous voulez encore des photos ? Allez dans nos archives ou CLIQUEZ ICI.

Par ailleurs, à Madagascar, depuis l’après 13 mai 1972,  l’art de compliquer les choses et la théorie de la conspiration sont devenus une façon de vivre, un « way of life » même. Comme dit le proverbe: «Une maladie courante est la diarrhée verbale et la constipation cérébrale  ». (Anonyme). Mais surtout : « Quand le chariot est brisé, beaucoup de gens vous diront par où il ne fallait pas passer ». (Proverbe turc). Ainsi, au nom de Ravalomanana,  l’homme qui n’a plus rien à perdre, une poignée de politicards qui ne l’ont même pas fait roi en 2002, relayés par des médias de la haine, racontent ce qui leur passe par la tête, dans l’unique but de recevoir, ultérieurement, une rétribution à partir de deniers publics volés par le laitier d’Imerikasinina. 750 millions de dollars américains. C’est le montant connu de ce qu’il a pu emmener avec lui lors de sa fuite, le 17 mars 2009, en piétinant sans vergogne la constitution malgache (transmettre son pouvoir à un Directoire militaire alors que la loi fondamentale stipule que c’est le Président du Sénat qui succède provisoirement au président de la république, en cas de vacance de celui-ci), et sans que personne ne soit allé l’accompagner pour lui dire au revoir. Il a fui comme un rat, un point c’est tout. Y en a marre aussi de tous ces gens qui ont la mémoire très courte.

Et la cour d’ici et d’ailleurs du Roivalomanana arrive tellement à tromper son monde -plus illettré qu’analphabète- que, du coup, les membres de la Troïka de la Sadc se sont senti le devoir de monter au créneau. Et, en ce moment même, une énième réunion à propos de Madagascar, se tient à Pretoria en Afrique du Sud. Mais je parie tout ce que vous voulez : il n’en sortira rien de bon pour la population malgache qui commence sérieusement à en avoir ras-le-bol. Après un mois à écouter, lire et entendre les pires âneries que vont débiter Bébé Cadum Rakotoarivelo et consorts, grâce au manque flagrant d’anticipation du pouvoir de transition, une seule issue : pour cette année 2012, organiser les élections législatives. Je vous expliquerai pourquoi dans un prochain dossier. Pour clore ce dossier, une dernière sentence qui relève des… extra-terrestres : "Pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir". (L'Esprit des lois, 1748).

Enfin, pour les politicards bavards de Madagascar, un rappel de cette notion d’indépendance de la justice. Le monde entier a vu, lu et entendu que le titre de Directeur général du Fonds monétaire international de DSK ne l’a pas empêché d’être traduit devant la justice américaine. Même s’il a été relaxé APRES. Et il ne s’est pas accroché à ce titre actuellement porté par Christine Lagarde.


Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – 24 janvier 2012 (déjà !)

Mis à jour ( Mercredi, 25 Janvier 2012 06:40 )  
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