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Mialy Rajoelina à cœur ouvert

L’épouse du Président de la Transition n’a pas son temps à elle, pour constater de visu les réalités qui prévalent au sein des écoles publiques de la Capitale. Néanmoins, elle a bien voulu se prêter à notre série de questions, étant donné que la désinformation fait rage à l’heure actuelle. Pour y pallier, quoi de mieux que la source même de tous les fantasmes de blogueurs qui ne savent vraiment pas quoi faire de leur vie.

Bon, je vous connais un peu, vous êtes une ancienne de l’ESCA, vous avez le même âge que mes filles. De nature discrète, vous avez été découverte au public lorsque votre mari s’est présenté à la mairie d’Antananarivo. Mais, pour les lecteurs de madagate.com, qui êtes-vous exactement ?

Je suis née Razakandisa et aînée de trois filles. De mon mariage avec Andry Rajoelina j’ai hérité de son nom et nous avons trois enfants qui constituent mes rayons de soleil. Depuis que mon mari est entré, par la force des choses, dans l’arène politique, nous allons d’épreuves en épreuves. Malgré mon courage, cela m’a fragilisé mais, paradoxalement, endurci à la fois. L’important est de ne jamais se laisser abattre et de ne jamais croiser les bras. Ainsi, pour garder un bon équilibre, je poursuis mes actions sociales et j’ai fondé l’association « FITIA » dont le slogan -que je tiens à mettre en pratique- est : « Ny soa atao hilevenam-bola » que je traduis pas : le bien que l’on fait à autrui constitue un trésor de richesses. Non pas d’espèces sonnantes et trébuchantes, mais des richesses spirituelles surtout. En plus de mes actions caritatives, je fais du sport et adore le chocolat qui est un excellent stimulant.

Revenons un peu à l’année dernière (2009). Les jours, semaines et mois n’ont sûrement pas été rigolos…

Effectivement, 2009 a été une année sombre, non seulement pour moi mais également pour toute ma famille… Pour des raisons de sécurité, j’ai du vivre loin de mes enfants des mois durant. Nous avons du les envoyer en France pour les protéger. J’ai vécu assez péniblement cette séparation mais c’était nécessaire. En effet, mon mari et moi étions en danger réel permanent. Notre environnement quotidien la peur et l’angoisse. Ajouté à cela la grave maladie de ma maman qui a du être évacuée à l’extérieur.

A propos de vos parents, justement, ils semblent se tenir loin de l’actualité. Seraient-ils à l’extérieur par hasard ?

Non, maman va mieux et elle est ici, à Madagascar. Tout comme mon père. Vous connaissez l’adage : « Pour vivre heureux, vivons cachés » ? Ils en ont fait leur manière de vivre. Vous aurez constaté qu’ils ont toujours su être discrets. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne nous soutiennent pas. A leur manière. Vous savez, nous sommes une famille très unie. Leur soutien n’est pas ressentie par l’opinion publique pour la simple raison que l’empathie n’est pas quelque chose de quantifiable. C’est une valeur inestimable. Ma famille, qui représente tout pour moi, demeure toujours à mes côtés dans mes engagements sociaux.

Heu, les lecteurs sont friands d’anecdotes véridiques. Etre discrète c’est bien mais informer au moment opportun, c‘est mieux. C’est le moment : racontez-nous un peu quelques situations réelles vécues

Une fois mon mari élu maire, ses relations avec l’ancien président sont devenues houleuses au fil du temps. Un jour, je me suis aperçu que j’étais suivie toute la journée. C’est déjà tendue qu’au cours du dîner chez l’Ambassadeur de Russie, qui nous avez invités, je reçois un coup de téléphone m’informant que mon mari faisait l’objet d’un mandat d’arrêt et qu’il allait être arrêté dans les heures qui suivent. Ny Hasina Andriamanjato, assis à côté de moi, reçoit la même information, quelques minutes après, et en avise le maire. Ce fut le début d’une partie de cache-cache rocambolesque : en pleine nuit, nous avons déplacé les enfants chez mes parents ; mon mari a convoqué à la maison tous ses collaborateurs de la Commune ainsi que les membres de la presse, afin de dénoncer ce mandat d’arrêt. Ensuite, nous avons vécu de nomades, changeant de refuge de connaissances en connaissances. Ici, je tiens à remercier tous ceux qui ont bien voulu nous héberger durant ces moments pénibles. En effet, je suis parfaitement consciente qu’ils avaient pris des risques énormes. Durant cette période, nous étions pratiquement tous les jours en mouvement ; nous changions fréquemment de véhicule, nous nous déguisions, et nous ne dormions jamais au même endroit deux nuits de suite. C’est facile à raconter à présent. Mais sur le coup, ce n’était pas marrant du tout.

Je me souviens encore de cette nuit où l’émetteur de Viva radio a été démonté à Ambohimitsimbina. Nous étions au studio d’Ambodivona jusqu’à 3 heures du matin et croyez-moi, j’ai eu la peur de ma vie car c’était bien la première fois que j’entendais des coups de feu. Ici, je tiens à remercier tous les « andrimasom-pokonolona » qui ont veillé avec nous cette nuit-là. Je loue sincèrement leur élan de solidarité spontanée qui nous a été d’un très grand soutien tout au long de la crise. Durant cette époque pénible, je prends conscience de l’importance de la communication et de l’information. Chaque jour, des coups de fils nous prévenaient du départ des éléments motorisés chargés de nous appréhender. Car même si, hélas, des taupes sévissaient chez nous, nous avions tout de même des informateurs au sein même des missions chargées de nous arrêter. Une fois, comme nous ne savions plus où aller le soir et nous avons décidés de rester à la maison. Vers 2 heures du matin, nos informateurs nous appellent pour nous informer qu’ils étaient en route pour venir nous chercher. Nous avions dû quitter la maison dare-dare et sans direction exacte, avec les garde-du-corps. Moi en pyjama, le chauffeur conduisant pieds nus car il n’avait plus eu le temps d’enfiler ses chaussures. Nous avons réussi à trouver une planque à l’intérieur même de la résidence, parce que nous ne pouvions en sortir, les « informateurs » étant partout. C’est pourquoi, jusqu’à maintenant, je suis sursaute à chaque fois que sonne le téléphone ZTE que nous avions utilisé à l’époque. Du traumatisme à l’état pur.

Mais je n’oublierai jamais le jour où je suis allée chercher mes enfants en France, après l’installation officielle de mon mari. Des individus m’ont jeté de la farine à la figure, à l’aéroport de Roissy. Si leur objectif a été de m’humilier, je peux dire qu’ils ont vraiment réussi. En prime, j’ai été traitée de tous les maux, ils sont même allés jusqu’à me traiter de diable personnifié. Ma famille a aussi été insultée et ma mère a été accusée d’avoir donné de l’argent aux militaires du CAPSAT, alors qu’elle était sur son lit d’hôpital. Mais le pire était que ces attaques ne venaient pas seulement des gens de l’autre camp, hélas. Dans notre propre entourage, il y en a eu qui m’ont reproché mes va-et-vient pour voir mes enfants et ma mère à l’extérieur, arguant que j’abandonnais mon mari au moment fort de la crise. Voilà bien des blessures profondes qui resteront ancrées en moi car que c’était la première fois que j’ai vraiment découvert ce que c’était la haine signifie. En tout cas, j’ai reçu une leçon de toutes ces épreuves : on reconnaît ses véritables amis dans les moments les plus difficiles. Certains avaient, en fait, d’autres objectifs dans la tête…

Dans le domaine du travail, quels sont vos rapports avec vos collaborateurs ?

Je fais en sorte qu’ils soient à l’aise et j’aime travailler dans une ambiance détendue. Mais je suis paradoxalement très carrée et je suis rigoureuse. Il parait que je suis maniaque au travail. En tout cas, j’exige de mes collaborateurs le sens de la responsabilité et de l’initiative, et je fais en sorte que la communication soit la plus fluide.

Quelle est votre influence sur Andry Rajoelina, époux mais aussi Président de la Transition ?

Mon mari a toujours su ce qu’il voulait dans la vie ; il a toujours persévéré pour atteindre ses objectifs et, croyez-moi, c’est quelqu’un qui est loin d’être influençable. Pour ma part, je garde mon rôle d’épouse qui est de le soutenir et de l’accompagner, quelles que soient ses décisions. Et puis, comme je le dis souvent, lorsqu’on est mariée à un « TGV », il faut suivre....

Certaines personnes partagent-elles "l'humour" de l'ancien président Didier Ratsiraka. Qu'en pensez-vouz ?

Effectivement, à entendre l’ancien Président Didier Ratsiraka, qui l'a dit à Maputo, je devrais être à la tête de la Transition… Ecoutez, l’idée n’a même pas traversé l’esprit.

Revenons à vos actions sociales, c’est tout nouveau ou ?...

Je dois mes actions à l’éducation que j’ai reçue, axée sur le diction « mamafaza voa fa aza mba malaina.» (Ndlr : semer à tout vent des graines, sans croiser les bras). C’est, pour ainsi dire, depuis toujours que j’effectue des actions sociales. Seulement, étant la Première Dame, mes actions ne sont plus anonymes mais font l’objet de l’actualité même. Mais, d’un autre point de vue, être Première Dame constitue pour moi une opportunité de pouvoir continuer à donner encore aux autres avec plus d’ampleur, plus de sérieux. Cela me fait toujours chaud au cœur de voir dans les yeux des gens le reflet d’un peu de bonheur, bien que sachant pertinemment que ce qu’on leur apporte est symbolique. Certains pensent aussi que je fais de la propagande avant l'heure. Je répondrais : oui, j'en fais. Mais pour le bien-être des couches vulnérables.

Actions sociales, propagande. Où se situent les limites ?

Dans un certain sens, je fais de la propagande. Cela, dans le cadre du bien-être des couches les plus vulnérables de la population, ces nombreux compatriotes qui ont toujours été les grands oubliés. Plus j’avance dans mes actions sociales, plus je réalise qu’il y a énormément à faire pour eux pour soulager leur misère. A présent, si l’on se place dans le contexte de la politique, je ne connais rien à ce domaine. C’est un monde que je ne maîtrise pas et dans lequel je ne m’imprègne pas du tout. Et c’’est d’ailleurs pour garder une certaine distance avec la politique et pour éviter les amalgames et autres interprétations toutes aussi fantaisistes les unes que les autres que j’ai créé l’association « FITIA » qui a donc fait l’objet d’un de vos reportages.

FITIA signifie amour. Le journaliste Vincent Hervouët, de LCI, n’a pas manqué de parler de cette rumeur de relations entre votre mari et Sarah Ravalomanana. Vos réactions ?

Contrairement à tout ce que le monde pourrait penser, je vous affirme que c’est une bonne chose. En effet, il était temps d’éclairer l’opinion sur ce genre de désinformation qui remonte depuis la campagne pour les élections municipales de 2007. En fait, on n’a rien trouvé de mieux pour déstabiliser les électeurs qui étaient en faveur de mon mari. Personnellement, je vous assure que Madame Sarah Radavidra n’a jamais représenté une menace pour mon couple. J’ai eu l’occasion de faire sa connaissance en 2001, alors que j’étais enceinte de mon fils aîné. A l’époque, son père, Marc Ravalomanana était candidat aux élections présidentielles. Elle et son futur mari venaient souvent chez Injet pour y suivre les travaux concernant sa campagne d’affichage. Elle s’est même montrée très aimable et généreuse à mon égard. Elle m’apportait même des produits « Tiko ».

Pour conclure…

Je suis, à présent, consciente que la vie, parfois se déroule comme un match sportif. Il arrive que, face à divers obstacles, on trébuche. Mais comme le répète sans cesse mon mari : dans de pareils moments, la pire des erreurs est de tout abandonner. Par conséquent, il faut toujours garder le réflexe de se ressaisir et s’armer de courage. Ce faisant, on en devient plus meilleure encore vis-à-vis des autres et de soi-même. J’essaie toujours de tirer des leçons des diverses épreuves que je traverse et surtout que je dois surmonter. Cela forge l'esprit.

Propos recueillis par Jeannot RAMAMBAZAFY – 12 février 2010

Mis à jour ( Mardi, 16 Février 2010 16:55 )  
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