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OIT-JIF 2012. L’égalité entre les sexes en milieu rural: Un défi de tous les jours

Cette année, la Journée internationale de la Femme – sous le thème: Rendons les femmes rurales autonomes, éliminon la pauvreté et la faim – met l’accent sur la nécessité de s’attaquer aux inégalités entre hommes et femmes dans le secteur rural. Les femmes qui vivent et travaillent en milieu rural sont souvent perçues et traitées comme des citoyennes de seconde classe. Malgré le peu de reconnaissance accordée à leur travail, elles apportent une immense contribution socio-économique au bien-être de leur foyer et de leur communauté. Dans cet entretien, la Directrice du Bureau pour l’égalité entre hommes et femmes de l’OIT, Jane Hodges (en bas à droite sur la photo ci-dessus), aborde les nombreuses facettes du sort des femmes rurales.

1. Quelle est la situation en matière d’égalité entre les sexes dans le secteur rural?

Environ 70% des pauvres dans le monde vivent dans des communautés rurales. Ces communautés dépendent de l’agriculture, de la foresterie, de la pêche et de l’élevage pour gagner leur vie. Parmi eux, les plus pauvres d’entre les pauvres sont souvent des femmes et des jeunes filles: privées d’emploi décent et régulier, elles sont confrontées à la faim et/ou à la malnutrition et n’ont guère accès à la santé, à l’éducation et aux biens productifs. Bien que les inégalités entre hommes et femmes varient considérablement selon les régions et les secteurs, il est clair qu’à l’échelle mondiale les femmes en milieu rural sont souvent désavantagées par rapport aux hommes, qu’il s’agisse d’emploi salarié ou indépendant.

2. Pourquoi dans les zones rurales les femmes sont-elles généralement plus pauvres et confrontées à de pires conditions de vie que les hommes?

Les raisons sont multiples. Lorsqu’elles débutent, les femmes sont sur-représentées dans les emplois de mauvaise qualité, notamment des emplois dans lesquels leurs droits ne sont pas convenablement respectés et leur protection sociale limitée. Une autre raison liée à cela est que les femmes sont habituellement moins bien rémunérées que les hommes (environ 25% de moins). Cela ne veut pas dire qu’elles travaillent moins, bien au contraire. Le problème est que l’essentiel du travail qu’elles accomplissent n’est pas valorisé ni rémunéré à juste titre. En fait, la plupart des femmes en milieu rural sont des membres de famille non rémunérés. Non seulement cela affecte leur revenu du travail mais cela peut aussi accroître leur stress et leur fatigue.

3. Quelles sont les causes de cette position désavantageuse pour les femmes?

Dans l’emploi rural, les inégalités liées au sexe existent et persistent en raison d’une série de facteurs sociaux, économiques et politiques, tous liés entre eux. Cependant, un facteur pèse plus que tous les autres: le rôle invisible mais puissant des institutions sociales qui dépossèdent un sexe au profit de l’autre. Parmi ces institutions se trouvent les traditions, les coutumes et les normes sociales qui régissent le fonctionnement complexe des sociétés rurales, qui agissent comme une contrainte sur l’activité des femmes et restreignent leur aptitude à œuvrer sur un pied d’égalité avec les hommes. Nous ne voulons pas dire que les femmes citadines ne sont pas en butte à la pauvreté … mais le contexte des communautés rurales ajoute une contrainte supplémentaire à l’égalité des chances.

4. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ces traditions et coutumes?

Oui. Voici un exemple qui va sembler authentique à quiconque a vécu ou travaillé dans une zone rurale isolée: la perception communément admise selon laquelle la femme a l’obligation de travailler à la maison, de cuisiner, nettoyer, et de s’occuper des enfants, des malades et des personnes âgées. En voici une autre: la croyance selon laquelle les femmes n’auraient pas la même aptitude à gérer les biens. L’idée que les femmes doivent obtenir une permission de leur mari ou de leur tuteur pour sortir de la maison. Il existe même des restrictions sociales – et parfois juridiques – qui empêchent les femmes d’accéder à la propriété ou à l’héritage.

Ces pratiques sont extrêmement difficiles à éradiquer et nuisent à la capacité des femmes à s’épanouir en tant que membres productifs de la société; elles asphyxient l’autonomie économique des femmes.

5. En quoi les inégalités hommes-femmes dans l’emploi rural sont-elles importantes?

Avant tout parce que ne pas donner l’égalité des chances aux femmes constitue une violation de leurs droits humains. Deuxièmement, parce que nous n’éradiquerons pas l’extrême pauvreté (un des objectifs du Millénaire pour le développement) tant que nous ne reconnaîtrons pas que les femmes représentent une fraction disproportionnée des plus pauvres dans les zones rurales. Troisièmement, et c’est quelque chose qui ne s’applique pas seulement aux zones rurales, l’égalité entre hommes et femmes est un choix judicieux sur le plan économique. Il est clairement établi qu’éduquer les femmes et leur offrir la possibilité d’accéder à un emploi qualifié rémunéré bénéficie à leur famille et à leur communauté de plusieurs façons: chute de la mortalité infantile, baisse du taux de fertilité, amélioration de la santé et de la nutrition des enfants et du niveau d’éducation. Enfin, la lutte contre le travail des enfants sera un combat perdu d’avance si les parents (pères et mères) ne produisent ni ne gagnent suffisamment pour garantir des moyens de subsistance à leur famille.

6. La crise économique mondiale a-t-elle un impact particulier sur les femmes dans l’emploi rural?

La crise financière s’est produite à un moment où de nombreuses personnes des pays en développement étaient déjà confrontées à des difficultés liées à la crise des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Il est difficile de quantifier l’impact de la crise actuelle en termes d’égalité hommes-femmes, mais certaines tendances peuvent être esquissées. Par exemple, il est plausible d’anticiper que, dans la plupart des pays, on attend des femmes qu’elles assument en premier lieu la responsabilité d’agir comme des filets de sécurité de dernier recours et de veiller à la survie de leur famille. Dans le même temps, le poids du travail non rémunéré des femmes rurales risque de s’intensifier encore, en particulier chez les ménages à bas revenus et surtout lorsque les équipements publics (y compris les rares qui sont implantés en zones rurales) sont supprimés dans le cadre des mesures d’austérité. En outre, il est possible que les femmes en milieu rural soient davantage contraintes que les hommes à accepter des emplois précaires aux perspectives limitées et que la santé de leurs enfants et la leur se détériorent. Au Mexique par exemple, pendant la crise de 1995, les taux de mortalité infantile ont crû davantage là où le taux d’activité des femmes avait augmenté, les filles étant les plus touchées.

7. Que fait l’OIT pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes en zone rurale?

Beaucoup de choses! Les femmes subissent des inégalités dans tous les aspects du travail: normes et droits au travail, création d’emplois, protection sociale et dialogue social. C’est pour cela que l’OIT considère l’égalité hommes-femmes comme une question transversale.

L’OIT a mis en œuvre un certain nombre de projets qui favorisent l’égalité entre les sexes dans les zones rurales. L’un d’entre eux est CoopAfrica qui encourage le développement des coopératives sur l’ensemble du continent. Récemment, l’OIT a organisé un atelier participatif au Cooperative college du Kenya pour débattre des stratégies encourageant la participation des femmes aux conseils d’administration des coopératives. Le Programme pour le développement de l’entrepreneuriat féminin et l’égalité des sexes (WEDGE en anglais) en est à sa troisième et dernière phase. Le but de ce projet est d’accroître les débouchés économiques pour les femmes en menant des actions positives pour soutenir celles qui démarrent, formalisent ou développent leur entreprise et en intégrant les questions d’égalité des sexes dans l’action de l’OIT en faveur de la création d’entreprises. Au Timor-Leste, l’OIT aide l’Institut d’aide au développement des entreprises (IADE) et la Direction nationale du développement rural (DNDR) du ministère de l’Economie et du Développement à stimuler le développement économique local, à améliorer la qualité des services publics et à créer des emplois de qualité dans les zones rurales en développant l’accès des micro et petites entreprises aux marchés, en renforçant le rôle des acteurs économiques locaux et en valorisant la prestation de services de développement des entreprises./.

(Source : Antananarivo-Bureau de pays de l'OIT pour Madagascar, les Comores, Djibouti, Maurice et les Seychelles)

Mis à jour ( Dimanche, 04 Mars 2012 10:20 )  
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