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Madagascar : Mamy Ravatomanga, l’homme qui survit aux crises. Pourquoi ?

Mamy Ravatomanga

Ma conviction est faite depuis des décennies : je ne connais pas ailleurs mais, à Madagascar, les signes extérieurs de richesse sont devenus un standard de vie pour une minorité. Or, à bien y voir, ce sont les arrivistes et les peigne-culs qui démontrent, au milieu d’un océan de pauvreté monétaire, leur niveau intellectuel à moins zéro de l’anormal -ce qui est extrêmement plus bas que la normale-. Cela, à travers une course effrénée pour la possession de tout bien matériel dernier cri, mais totalement inutile pour le développement du pays.

Si les arrivistes dépensent sans compter, c’est parce qu’ils n’ont aucune vision à long terme de leur propre avenir. Depuis le président Philibert Tsiranana à nos jours, j’ai tenté de compter le nombre de Malgaches qui ont tenu des postes à très haute responsabilité. Cela se chiffre bien à des dizaines de milliers d’individus. Parole. Or, qu’ont-ils laissé de concret pour le pays ? Néant, nib, rien. Le vide total. Au moment de leur fin du monde, seul un titre rappelle qu’ils ont été « quelqu’un », à la rubrique nécrologique. A quoi et à qui, dès lors, a servi une tranche de vie à rouler en 4X4, à habiter dans une villa plus que luxueuse, à fréquenter les endroits les plus huppés des grandes villes, à sillonner quelques capitales du monde, bref à vivre au-dessus de ses moyens réels, si c’était pour retomber dans un total anonymat ?

Aucun ministre, aucun directeur général, aucun chef de service de l’administration, n’a fait avancer Madagascar vers un développement spectaculaire. Tout était et est encore à refaire, à chaque changement de régime. Et les successeurs font pire que leurs prédécesseurs dans cette course au « m’as-tu vu » qui ne laissera aucune trace. Sauf des factures impayées mais libellées au nom du « Fanjakana ». Il y a quelques jours, je suis allé faire un tour dans des grands magasins tenus par des étrangers. J’ai été effaré lorsque j’ai appris que certains dignitaires de la transition actuelle -pas tous hein !- avaient la possibilité de se servir à tour de bras avec remise sinon avec crédit. Comme au bon temps de Dadabe Tsiranana quoi. La nomenklatura n’a jamais cessé d’exister chez nous. Mais qui paiera leur facture une fois la transition terminée ? Incroyable n’existe pas dans la Grande île de l’Océan Indien…

En attendant le jugement des hommes et le jugement dernier pour ces tristes sires, je me suis tourné vers le secteur privé. Ici, c’est plus discret et très « familial ». Toutefois, la réussite contribue au développement de la Nation. Hélas, les dirigeants qui sont passés entre 1975 et 2006 ont tout fait pour saborder le tissu économique national, avec le concours des bailleurs de fonds et leurs mesures d’ajustement structurel qui ne bénéficieront jamais qu’à eux-mêmes. L’entrée dans la SADC -le 18 août 2005- a grandement fragilisé certaines sociétés qui faisaient la fierté de Madagascar, au seul bénéfice de la société Tiko devenu un empire étatico-économique (tiens, çà sonne bien). De grands noms essaient tant bien que mal de survivre en attendant on-ne-sait-plus quoi : Andriantsitohaina, Ramanandraibe, Ramaroson. Puis, dans cette transition, surgit un nom : Mamy Ravatomanga. Qui est-il ? D’où sort-il ?

En 1986, j’ai vécu à Mahajanga et j’avais été surpris d’apprendre que l’Hôtel de France, là-bas, appartenait à un Malgache. Cet hôtel n’a rien à voir avec l’Hôtel de France d’Antananarivo tenu par des « vazaha »…

En moins d’un quart de siècle, Mamy Ravatomanga est devenu un homme considéré comme milliardaire par excellence. Du coup, toutes les suspicions fondent sur lui, en matière de marchés et de passe-droits… C’est dire qu’à Madagascar, on n’a pas du tout l’habitude de voir la réussite d’un Malgache à travers une gestion drastique des affaires. Et qui a procédé par étape pour parvenir là où il est, c’est-à-dire un P-Dg d’une société toujours en expansion. Mais son omniprésence auprès de l’actuel président de la transition, Andry Rajoelina, attise tous les démons de l’interprétation à toutes les sauces. Au point que le journal « La Nation » du 13 novembre 2012 a écrit : « A travers ces différents faits, on peut se demander si ce patron multimilliardaire n’est pas celui qui manipule savamment le régime de Transition ».

Mamy Ravatomanga, a été l’homme du mois de décembre 2012 de la « Revue de l’Océan Indien » (R.O.I. n° 344). Notre consœur Noro Razafimandimby y relate une heure et demie d’interview de cet homme discret depuis toujours, mais qui a décidé que le moment était venu de parler. Je ne vais pas faire, ici, du copié-collé. Procurez-vous un exemplaire de ce n°344 de R.O.I. Je vais aborder plutôt l’aspect psychologique qui règne dans le milieu politico-économique malgache depuis des décennies. En premier lieu, après avoir vécu sous tous les régimes, de Philibert Tsiranana à Andry Rajoelina, et dans le cadre de mes 27 ans de journalisme, je n’ai vu nulle part le nom de Mamy Ravatomanga affilié à aucun parti politique au pouvoir : PSD, AREMA, UNDD, TIM, TGV. Mais attention ! Il y a Ravatomanga et Ravatomanga. Comme Roland Ravatomanga, pro-Ravalomanana donc forcément TIM.

Le pouvoir amène-t-il la richesse ou la richesse entraîne-t-elle le pouvoir ? J’opterai pour la seconde hypothèse. Ayant débuté dans les affaires, dans la moitié des années 1980, Mamy Ravatomanga est donc présent depuis le régime « révolutionnaire » de Didier Ratsiraka. Comment a-t-il survécu à toutes les crises ? Tout simplement parce que les arrivistes du pouvoir, qui n’ont rien dans la tête et rien dans les mains, craignent les battants. Contrairement aux apparences et aux a priori donc, ce n’est pas Mamy Ravatomanga qui est allé leur caresser le poil mais ce sont ces arrivistes qui n’ont pas voulu en faire un ennemi. Au risque de perdre quelques ariary de plus pour assouvir leurs désirs personnels. En fait, l’actuel P-Dg du groupe Sodiat était -et reste- un conseiller avisé au plus haut niveau, sans distinction de couleur politique. « C’est un mercenaire économique, alors ! », hurleront ceux qui ont l’habitude de parler plus vite qu’ils ne pensent. Mais non. Il a toujours su garder son indépendance, justement en ne mangeant pas dans le râtelier de l’argent facilement gagné -et vite dépensé- raison d’être de ces arrivistes. Quelle preuve vais-je avancer ?

Si Mamy Ravatomanga était ce que certains jaloux pensent, on n’aurait plus jamais entendu parler de lui depuis belle lurette. Réfléchissez un peu. Ils sont nombreux ceux qui ont brillé le temps d’un régime à Madagascar. Pourquoi ? Parce que leur réussite en apparence était toujours tributaire du régime en place. Un exemple ? Jeannot Andrianjafy alias Jeannot Le Quartz. Il est toujours là mais ses déboires ont commencé avec l’arrivée au pouvoir de Marc Ravalomanana. Juste en passant, voilà que Patrick Raharimanana, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, annonce que ce sera Patricia, fille de Jeannot Le Quartz, qui sera son Premier ministre. Du n’importe quoi ! D’abord, ce sont les parlementaires qui éliront le PM, ensuite, cela va amener à une vengeance si jamais, l’invraisemblable se produit. Mais là, je suis sûr à 1000% que ce Patrick n’a aucune chance. Comme les ¾ de la vingtaine -au minimum- de candidats qui pensent dur comme fer qu’ils l’emporteront. Comme s’ils jouaient au PMU quoi ! La méthode Coué a encore de beaux jours devant elle.

La force de Mamy Ravatomanga c’est aussi d’avoir débuté en province. S’il l’avait fait à Antananarivo, il aurait été englouti par l’« amitié » malsaine et intéressée de ces « tsalo malama loha » (ce n’est pas du racisme, je viens bel et bien d’Antananarivo) dont la raison de vivre semble être : comment gruger mon prochain avec de belles paroles ? Beaucoup ont tenté de lui barrer le chemin de la réussite mais n’y sont pas parvenu, pour les raisons et le raisonnement développés plus haut : « il est riche, il a donc du pouvoir, une influence auprès des dirigeants. S’attaquer à lui, c’est s’attaquer au pouvoir. Mieux vaut composer avec lui ». Quel roman, hein ?

Or, c’est la réalité psychologique vraie. Seulement, ce qu’ils ignorent -étant des profanes, pour ne pas dire plus, en matière de gestion-, c’est qu’étant depuis bientôt un quart de siècle dans le monde des affaires -qui est un monde de requins affamés-, Mamy Ravatomanga est resté fidèle à lui-même : atteindre un objectif sans rien demander à personne. Et c’est cela que les Malgaches ne peuvent pas comprendre. En fait, si j’écris ce dossier, c’est parce qu’on est fait du même bois. Nous n’avons pas un besoin urgent des dirigeants qui ne feront jamais que passer mais, en tant que techniciens, tous les dirigeants ont et auront besoin de notre savoir-faire et de notre faire-savoir. Voici deux exemples concrets.

Du 26 Août au 4 Septembre 2002, a eu lieu le Sommet pour le Développement durable à Johannesburg, en Afrique du Sud. C’était, alors, l'occasion de la première sortie officielle de Marc Ravalomanana, en tant que président. J’ai été le seul journaliste qui faisait partie de la délégation officielle. Cela prouve-t-il que j’ai été membre du TIM ? Du 20 au 22 juin 2012, dix ans après, je faisais partie de la délégation officielle dirigée par Andry Rajoelina, président de la transition, pour le sommet Rio+20 au Brésil. Cela veut-il aussi dire que je suis membre du TGV ? La seule différence entre Mamy Ravatomanga et moi et que si mon domaine demeure -et demeurera- le journalisme et l’information/communication-, lui, il œuvre dans le secteur économique et fait vivre des milliers de Malgaches.

Mamy Ravatomanga n’est pas un parvenu, sinon il y a longtemps qu’on n'aurait plus entendu parler de lui, je le répète. Le propre de l’arriviste et du parvenu est de scintiller le temps d’un régime, puis de s’éteindre pour s’enfoncer dans un oubli assourdissant. Seule sa mort le rappellera au souvenir des gens : Machin, ancien ceci ou cela du temps du président Truc. « Jeannot, tu cherches à protéger Mamy Ravatomanga ! Il t’a donné de l’argent ! ». C’est une réaction qui ne va pas tarder à surgir dans les forums des illustres anonymes. Aussi bizarre qu’étrange alors que je vais toujours à pieds et roule toujours en bus et je vis, depuis 13 ans, dans un quartier qui est une zone rouge de la pauvreté urbaine : Tsiadana. Tout le monde me connaît. Il est évident qu’on me traite de fou quelque part. Fou de ne pas « profiter » de cette transition.

A présent, voyons ceux qui attaquent Mamy Ravatomanga et pourquoi ? En premier lieu, le président météore, Zafy Albert, qui n’en finit plus d’être littéralement submergé par ses déballages (« Ampamoaka ») qui n’ont abouti à rien depuis qu’il a été empêché, en 1996. Ensuite, avec des propos virulents dépassant tout entendement, les animateurs de radio Free Fm, Lalatiana Rakotondrazafy et Fidèle Razara Piera, qui n’ont apporté aucune preuve concrète de l’implication du P-dg de Sodiat dans les trafics de bois de rose mais qui se sont basé sur les propos du ministre de l’Environnement, Joseph Randriamiarisoa, limogé depuis et jamais remplacé jusqu’à présent. Enfin, le « tangalamena » Patrick Zakariasy qui a repris le « dossier » de Zafy Albert, mais qui a atterri en prison. Libéré provisoirement, il attend son jugement. Personne n’a trouvé bizarre que ces politiciens fassent tous partie de la mouvance Zafy Albert. Comme le Premier ministre Omer Beriziky d’ailleurs, qui fait office de ministre de l’Environnement par intérim. Un provisoire durable…

« Oui mais, Mamy Ravatomanga a acheté les juges, la justice ». Ah bon ? Ben alors, il aura acheté tous les juges depuis Didier Ratsiraka alors ! Il doit être plus riche que Ravalomanana dans ce cas. Pourquoi alors ne s’est-il pas lancé dans la politique, étant donné le principe que tout homme « riche » à Madagascar, crée un support médiatique pour sa propagande personnelle ? Réponse au micro de Noro Razafimandimby : « J’ignore tout de la politique, je n’ai pas la fibre d’un politicien. Dans les années 90, j’avais déjà la radio Feon’Itasy et M3Tv à Mahajanga, donc si j’avais une ambition politique, je me serais déjà présenté à la députation, par exemple ». (Chute de l’interview dans R.O.I. n°344, décembre 2012, page 29).

Qui ne fait pas de politique (tirée de l’origine du mot : gestion de la ville, de la nation par extension) ? Mais entre politique politicienne et politique économique, il y a un gouffre d’appétit qui vient en mangeant pour tous les arrivistes, opportunistes et parvenus du monde entier. Mamy Ravatomanga est un homme qui dérange pour la seule raison qu’il n’est pas corruptible. Or, on a besoin de ses lumières en matière d’économie. D’où sa présence parmi les proches d’Andry Rajoelina, un jeune opérateur qui a réussi comme lui. Cela, en tant que « conseiller » mais ne faisant pas partie de l’organigramme de la présidence de la transition. Ce genre de réussite ne plaît pas à tout le monde, particulièrement à certains Malgaches qui n’ont qu’un seul souci : que Mamy Ravatomanga se casse la figure. Ben, ils vont devoir attendre longtemps. Car la vie continue. Je vous donne rendez-vous dans un an. Nous ferons alors le point sur cet homme qui a survécu à toutes les crises.

Dossier : Jeannot RAMAMBAZAFY – 27 janvier 2013

Mis à jour ( Lundi, 28 Janvier 2013 14:12 )  
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