Mon jeune collègue, Lambo Tahiri (L.T.), je ne sais pas trop pourquoi, saute l’Histoire récente de Madagascar, pour tenter de brouiller les cartes du futur paysage politique de la Grande île de l’océan Indien. Lu dans « La Gazette de la Grande île » de ce 30 octobre 2013
« (…) Tellement l’entourage d’Andry Rajoelina et de Hery Rajaonarimampianina ont humilié les Hajo Andrianainarivelo, Camille Vital et Edgar Razafindravahy que ces derniers sont très réticents à l’idée de soutenir le poulain du président de la Transition au second tour. D’ailleurs, ils seront illogiques avec eux-mêmes… Comment en effet rétablir une alliance avec leur bourreau ? L’électorat ne comprendra pas. L’électorat d’Hajo Andrianainarivelo, de même que ceux de Camille Vital et d’Edgar Razafindravahy ont voté en leurs faveurs pour leurs personnalités et non pour leur appartenance à la mouvance Rajoelina. Andry Rajoelina a donc échoué sur toutes les lignes ».
Il faut remettre les pendules à l'heure et revoir la chronologie des vrais faits qui ont abouti à la révolution orange et à l’apparition sur la scène politique des personnalités dont les noms paraissent dans l’article. Hajo Andrianainarivelo, Camille Vital et Edgar Razafindravahy seraient des illustres inconnus du grand public si le peuple ne s’était pas levé, en 2009, face aux dérives de Marc Ravalomanana. En parlant de bourreau, c’est plutôt Marc Ravalomanana qui en a été un. Camille Vital a interdit de mandat électif à Toliara et bloqué dans son avancement sur la grille des forces armées et Edgard Razafindravahy a vu sa société Kobama éradiqué, au profit de Mana, minoterie familiale construite en plein dans le port de Toamasina. Quant à Hajo Andrianarivelo, il a été choisi sur la place du 13-Mai. Ajoutons, en passant Roland Ratsiraka, maire de la ville de Toamasina, qui a été emprisonné par Ravalomanana pour on-ne-sait-plus quelle raison. L.T. est-il devenu amnésique ?
Voilà pour la chronologie historique. Par la suite, le pouvoir rendant certains cinglés, Hajo Andrianainarivelo a préféré jouer cavalier seul, en se détachant de celui qui lui avait permis de faire copain-copain avec plein d’élus locaux, grâce à son titre de ministre puis vice-Premier ministre de l’aménagement du territoire. Et il s’est aligné comme un grand à la course pour la présidentielle avec un pactole venu on sait bien d’où. Vous ne connaissez pas l'affaire Filatex ? La zizanie, car c’en fut une, vient plutôt des membres du parti Tgv qui ne connaissent rien ni en géopolitique ni en politique tout court. Sans vouloir défendre à tout prix Andry Rajoelina, celui-ci n’avait pas à s’immiscer dans cette histoire de candidature, même s’il est le fondateur du parti Tgv. Qu’est-ce qu’on n’aurait pas lu et entendu si jamais le Président de l’actuelle transition était devenu fou au point de soutenir Hery Vaovao comme l’a fait le couple Ravalomanana avec le candidat Jean Louis Robinson, lors de la campagne électorale ! Il faudrait savoir, hein ! Quant aux fameux "harcèlements", il faut prouver d'où ils viennent réellement...
Edgard candidat choisi par le parti Tgv, Vital (pressenti) n’avait pas d’autres alternatives que de se présenter. J’aurai fait la même chose à sa place. Ainsi, il est certain que Hajo va monnayer ses voix. Pour lui, l’appétit étant venu en se présentant tout seul (pas sûr), comme un grand. Mais les autres ? Parce qu’Andry Rajoelina est leur « bourreau », ils vont donc permettre le retour de Ravalomanana sur un plateau d’argent (c’est le cas de le dire) ? Certes, en politique tout est possible à Madagascar, même l’impossible. Mais c’est avec eux-mêmes qu’ils sont confrontés, avant toute chose. Car dire que « l’électorat ne comprendra pas » est très tendancieux. Le vrai problème, la vraie question est : les candidats qui n’ont pas franchi le cap du second tour, qui ont été acteurs -de près ou de loin-, dans révolution orange, veulent-ils le retour de Marc Ravalomanana, à travers Jean Louis Robinson ? Etre faiseur d’opinion, c’est louable, mais prendre les lecteurs pour des idiots, c’est méprisable (du verbe se méprendre). Car voilà que tout le monde à tendance à oublier le mal que le président fuyard a fait au pays et à son peuple en l’espace de trois ans seulement (2002-2005). Vous croyez vraiment qu’il va changer avec ses « mino fotsiny ihany » ? Cela dit, on verra bien qui est illogique avec qui et quoi. En tout cas, si jamais Robinson est élu, ce n’est pas Andry Rajoelina qui aura « échoué sur toute la ligne ». Ce sera une grande offense aux morts de 1972, 1991, 2002 et 2009.
Le retour aux affaires de l’Amiral Ratsiraka, en 1996, a-t-il développé le pays ? Que non ! Après son paradis socialiste perdu, sa république humaniste écologique n’a mené nulle part. Sauf à paupériser encore plus le peuple. Mais comme on dit : les Malagasy n’auront jamais que les dirigeants qu’ils méritent. Même s’ils savent pertinemment que les regrets ne viennent qu’après pour leur rire au nez (« Ny nenina any aoriana foana handatsa »).
Jeannot Ramambazafy – 30 octobre 2013