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Droit de vote à Madagascar : pour une poignée de riz

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10 décembre. Journée internationale des droits de l’Homme. La ministre de la Justice, Bakolalao Ramanandraibe l’a célébré toute seule -tous les autres ministres ayant été mobilisés à travers tout Madagascar pour faire vaincre le Tim-, avec les partenaires malgaches, européens et américains. Mais, parallèlement, un système datant de la 1ère république a (enfin) été révélé au grand jour : l’achat du droit de vote pour une poignée de riz. En voulant gagner à tout prix les municipales d’Antananarivo, le président Ravalomanana a enclenché une stratégie qui n’augure vraiment rien de bon et qui démontre que la démocratie dont il se targue d’être fier n’est qu’une démocratie de façade. Cet article n’a pu être mis en ligne que mardi 11 décembre 2007 tard dans la nuit et tôt ce mercredi 12 décembre 2007, car les connexions font l’objet d’un délestage rapide et durable dans mon quartier. Par ailleurs, le débat d'idées tant attendu par le plus grand nombre n'a pas eu lieu. En effet, Hery Rafalimanana, au dernier moment -une habitude de ce régime- s'est désisté pour le face-à-face avec Andry Rajoelina. Du coup, la TvPlus a annulé cette émission spéciale qui tendait à traduire que Madagascar n'est pas une démocratie de façade. Hélas...

 

 Certes, la campagne électorale s’est achevée le 11 décembre à 7h. Mais je n’ai aucunement l’intention de faire une quelconque propagande pour un candidat. Non, j’entends révéler à la face du monde que mon pays, la Grande île de Madagascar, est encore dirigé par des individus capables de tout pour conserver les avantages liés à leur fonction. Quitte à utiliser les pires stratégies utilisées pourtant par leurs prédécesseurs et contre lesquelles le « vahoaka » (peuple en général) a payé de son sang. Pourquoi tous ces combats si ce n’est pour avoir une vie meilleure et un avenir brillant pour les générations à venir ? Et bien non ! Par orgueil, par assurance d’être toujours l’adoré des Malgaches, Marc Ravalomanana qui a pu accéder à la place où il est, grâce à tout un peuple qui croyait à la vérité et à la sainteté (« Fahamarinana sy Fahamasinana »), est en train de commettre les mêmes erreurs que les présidents Philibert Tsiranana et Didier Ratsiraka. Il sera tenu pour le seul responsable de ce qui risque fort d’arriver à Antananarivo, dès le soir de ce mercredi 12 décembre 2007, déclaré chômé et payé car jour de vote pour élire les maires et leurs conseillers à travers la Grande île. Sauf à Sainte Marie, Nosy Be et Fort-Dauphin.




 

Comme Didier Ratsiraka, Marc Ravalomanana a minimisé la force de « l’adversaire ». Il croyait dur comme fer, tablant sur sa « popularité », que le poulain qu’il a désigné lui apporterait, en guise de ses 58 ans -il est né le 12 décembre 1949-, la ville d’Antananarivo sur un plateau. Mais Hery Rafalimanana n’a pas un sens aiguisé de la communication new wave et va à l’encontre de la définition présidentielle de vrai et faux leaders. « Jugez-moi sur mes actions ! » n’a pas entrainé l’adhésion totale et sans conditions (« tsy misy fepetra ») de l’entière majorité des Tananariviens. Le président Ravalomanana monte donc lui-même au créneau, met à la disposition de M. Rafalimanana tout l’appareil étatique, tous les véhicules du groupe Tiko et même sa Mercédès personnelle. Mot d’ordre : la victoire à tout prix ! Ce qui va faire resurgir l’achat du droit de vote déjà vécu sous le Parti social démocrate (PSD) et monnaie courante sous l’Avant-garde de la révolution (AREMA). Le principe est simple : à l’approche des élections, des cellules ou associations sont créées dans chaque arrondissement populeux et peu instruit pour collecter les cartes d’électeurs des gens à qui l’on promet riz et argent s’ils votent pour le candidat du parti au pouvoir. Des tas de personnes sont au courant mais se taisent, par peur de représailles et surtout parce que tous ces pauvres bougres y trouvent leur compte. Ce système était devenu un véritable métier temporaire, source momentanée de revenus. « Faire de la propagande » signifiait, pour ces pauvres gens, ramener des vivres, des T-shirts et autres casquettes et des sous à la maison, durant 15 jours. Qu’importe l’avenir à long terme. En fait, ils ne savent pas du tout ce que voter signifie et ignorent complètement les enjeux. Ils sont aussi pauvres spirituellement que monétairement.

 

 


Cependant, les organisateurs de cette violation du droit de vote ont oublié qu’il n’y a pas individus plus aussi dangereux que ceux qui sont déçus. Instruits ou pas. Alors donc que Mme la ministre parlait de droits des enfants, de la femme, des handicapés et déposait une gerbe au pied d’un monument dédié aux droits de l’homme, à Anosy, des gens sont venus témoigner. Ils ont été filmés par Viva, appartenant au candidat Andry Rajoelina qui a rameuté tous les supports médiatiques de la Capitale. Pour raison de sécurité, le visage de ces gens a été caché. Ainsi, dès l’annonce de la candidature de Hery Rafalimanana, l’association Avoria, présidée par Norbert Razafimbelo, a mis en place 24 cellules dans les quartiers populeux et miséreux comme Anosipatrana, Andavamamba et Anatihazo Isotry, Antetezana… Mission des délégués : collecter les cartes d’électeurs qui devront voter Rafalimanana moyennant du riz et une somme de 5.000 Ariary (60 centimes d’euro) par carte. Les responsables de quartier, eux, recevraient de l’argent à part. Mais au soir même du meeting final du Tim au stade de Mahamasina, ces responsables n’ont rien vu venir et se sont retrouvés avec des masses de cartes : 700 au maximum et 300 au minimum. Multipliez cela par 24 et vous comprendrez pourquoi les candidats des partis au pouvoir passés et présent crient toujours victoire dès le début des campagnes… Cela ajouté aux autres fraudes que n’empêchera jamais la transparence des urnes. Ces responsables craignant pour leur vie, ont décidé de venir témoigner. Ils n’osaient plus sortir de chez eux car les titulaires de ces cartes croient qu’ils ont reçu le riz et l’argent promis mais qu’ils ne veulent pas le leur donner. Ils se refusent de les récupérer tant qu’ils ne seront pas « payés ».

En fait, ce système ne s’arrête pas là. Ils pourraient n’avoir leur riz et leur argent qu’après « vérification ». Cela consiste, après avoir voté, à montrer tous les bulletins, sauf celui du parti au pouvoir. J’ai été témoin de ces pratiques durant le règne de l’Arema. Par ailleurs, ce système aussi anti-démocratique qu’inhumain nécessite des fonds très conséquents. A l’heure de l’information en temps réel, Marc Ravalomanana a peut-être interdit ces pratiques qui le rabaissent encore plus ? Qui sait car personne n’est foncièrement mauvais. Mais l’enjeu est de taille pour le Tim. Aussi bien du point de vue de sa crédibilité que des financements de développement obtenus en son nom. Et surtout, il veut la victoire « à tout prix »… Et on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, n’est-ce pas ? Seulement, dans ce système, il y a toujours des « gourmands » qui ont fini par tout faire foirer. Quelle crédibilité donner à ces témoignages, malgré les images et les sons authentiques ?

Il faut savoir que le dénommé Norbert Razafimbelo, ancien conseiller municipal de la ville de Toamasina, est le frère d’Herivelona Ramanantsoa, ministre de l’aménagement du territoire du pouvoir Arema, chef d’orchestre et spécialiste de ce genre d’actions. Actuellement, il fait partie des exilés en France où il a fui avec l’Amiral Ratsiraka en juin 2002. C’est insuffisant ? Heureusement que le délestage a duré. En effet, au moment de mettre cet article en ligne, des pauvres bougres du quartier de Tsiadana, route de l'université où j’habite depuis 7 ans, que je côtoie journalièrement, sont venus me voir pour me raconter leurs déboires. Avant toute chose, j’ai appelé une équipe de télévision pour mémoriser leurs déclarations. J’ai donc une preuve tangible même si elle n’est pas recevable dans un tribunal. Les plaintes et complaintes de mes voisins : une personne, du quartier d’Andraisora, est venue collecter et leur carte d’électeur et leur carte d’identité ! Leur promettant du riz et de l’argent s’ils votaient Rafalimanana. Depuis cette personne a disparu de la circulation et ces gens ne pourront pas voter. Ils se sont bien plaints au bureau du fokontany. Réponse : » Vous êtes fous d’avoir donné ces papiers importants, sans enregistrer les plaintes ! ».

Je ne jette pas la première pierre à ces gens qui n’ont reçu aucune instruction et qui survivent réellement au quotidien. Par contre, ces bureaucrates du fokontany, au lieu de débiter des railleries, devraient faire respecter la loi. En effet, dans les ruelles délabrées qui sillonnent mon quartier, les affiches du Tim et de Rafalimanana trônent encore (10 décembre à 14h) alors que c’est interdit. Il est sûr que le jour du scrutin, ces mêmes affiches resteront là. Je n’ai pas sorti mon appareil photo car ce n’est pas le moment de prendre des risques inutiles. Je n’ai pas tellement peur pour moi mais pour ma famille et c’est mon cadre de vie.

Pour en revenir à ces cartes perdues, il est quasi certain qu’elles vont être utilisées par d’autres et ailleurs. Dernières nouvelles, ce matin mercredi 12 décembre 2007. Suite à cette affaire, l'équipe du bureau de mon fokontany a enfin réagi. Ils ont appelé les gendarmes qui ont réussi à appréhender les collecteurs. Les cartes ont été récupérées et les coupables emmenés à la gendarmerie pour enquête. Enfin, la loi reprend sa place. Mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans un océan de violations de droits fondamentaux.

Que peut faire Théodore Randrezason, président du CNE (Comité national des élections) ? Rien sinon constater… Officiellement, l’organisation va bon train et il n’y aura pas d’incidents. Je ne suis pas de nature pessimiste mais je ne suis pas certain de cette version officielle. Et puis, le système dévoilé plus haut a une continuité. La Gazette de la Grande Île de ce 11 décembre révèle que « ce candidat (Hery Rafalimanana évidemment) aurait l’intention, en cas de défaite, de mobiliser dans la ville des karatékas et autres rugbymen et adeptes du kung-fu, des éléments incontrôlés, dans le dessein de créer des troubles. Attention danger ! ». Il est vrai que le chef de la région Analamanga, Manganirina Randrianarisoa, au stade de Mahamasina, le samedi 8 décembre 2007, avait lancé un véritable appel à la guerre à l’encontre du candidat Andry Rajoelina. Il a déjà été sanctionné car son dérapage verbal a été coupé lors de la retransmission du meeting sur Mbs où on est fanatique, certes, mais pas à ce point. Quoi qu’il en soit, voici les chiffres officiels des électeurs inscrits pour Antananarivo ville. Entre parenthèses le nombre lors des élections législatives de septembre 2007 :

Répartis sur 412 bureaux de vote :

Premier arrondissement 121.672 (117.525)

Second arrondissement : 92.638 (91.101)

Troisième arrondissement : 80.292 (77.771)

Quatrième arrondissement : 109.732 (107.074)

Cinquième arrondissement : 145.363 (141.403)

Sixième arrondissement : 65.667 (63.889)

 Alea jacta est. Espérons que le président Marc Ravalomanana a retenu les leçons de l’histoire et que, au sortir du bureau de vote de Faravohitra, il ne fera pas comme l’Amiral Didier Ratsiraka qui, en décembre 2001, après avoir voté, avait déclaré : « Si je ne suis pas élu, ce sera le chaos ! ». Mais il s’agit de l’élection de maires et de conseillers municipaux tout de même ! Antananarivo étant bien équipée en communication et sauf délestage intensif, qui ne sera pas du au hasard, la tendance sera confirmée 5 heures après les derniers décomptes. En tout cas, ce n’est pas la HCC qui tranchera mais le Tribunal administratif et les résultats seront acheminés non pas à la Coupole du ministère de l’Intérieur mais au stade couvert de Mahamasina. Je ferai de mon mieux pour avoir et vous transmettre la primeur des premiers résultats. Prions que tout se passe bien et que les présentes archives de madagate.com ne restent que des archives et non pas une prémonition pré-crise style 2002.

Antananarivo les 11 et 12 décembre 2007

Jeannot Ramambazafy

Journaliste

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Mis à jour ( Lundi, 18 Août 2008 09:21 )  
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