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Madagascar. Survivre à une inaptocratie

Les personnes qui ne se cultivent pas vont encore ruer dans les brancards. Or, ce sont ces mêmes personnes imbéciles (dénuées d'intelligence) qui font que Madagascar sera toujours dirigé par des créatures comme Hery Rajaonarimampianina et sa cour de miraculés sans conception.

Dans une semaine, nous allons aborder le troisième trimestre de cette « nouvelle » année 2016. Qu’est-ce qui a été fait depuis le discours présidentiel du 8 janvier 2016? Pratiquement rien. Les promesses mirobolantes sont devenues des souhaits. Comme le samedi 20 février dernier où l’actuel président malgache, en mal d’emploi du temps, est allé visiter la société d’Etat Fanalamanga, œuvrant dans la filière bois, pour émettre son souhait, sans démontrer comment ni avec qui et quoi : « Je souhaiterais que ce genre d’usine soit installé partout. L’exploitation du bois est très rentable car elle crée de la valeur ajoutée pour notre économie, tout en offrant des emplois à la population ». Une rengaine entendue depuis deux ans. Entre-temps, la politisation du parti Hvm de tous les secteurs de la vie malgache se poursuit, et au grand jour en plus (ICI): institutions de l’état, entités de décentralisation territoriale..., jusqu’au tissu économique. Les cravates bleues Hvm commencent à envahir la Grande île de l’océan Indien à grand coup de mallettes à billets… bleus (5.000 ariary).

Un lecteur très assidu m’a mis sur la voie de cet état de fait. Elle m’a conduit à l'inaptocratie qui est le gouvernement des incapables. La pure traduction littérale de l'anglais « ineptocracy » amène au mot « ineptocratie », formé des mots « inepte » (ou irresponsable) et « cratie », du grec ancien « kratos » signifiant force ou puissance.


Voici la définition traduite de l’anglais ci-dessus : « L'inaptocratie est un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d'un nombre de producteurs en diminution continuelle ».

C’est la définition même de la manière de gouverner du président Hery Rajaonarimampianina et de son parti Hvm créé de toutes pièces. L’histoire de l’ACD (Advance Cargo Declaration -ICI-) conforte encore plus ce qui n’est plus une impression mais une certitude. Que faire, dès lors? Tout simplement survivre, en attendant que le chaland de la chute arrive à quai. Pour l’heure, ces minables sont forts dans le sens qu’ils laissent pourrir les choses, certains que toutes les récriminations ne seront jamais que des actions isolées facilement réglables à coups de millions ou milliards d’ariary.

Tout est fait pour qu’aucune cohésion sociale ne puisse prendre forme. Diviser pour régner, vous connaissez certainement… A Madagascar, donc, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous; à chacun sa lutte et son combat en rejetant la faute sur les autres. Comment évolue la gouvernance par inaptocratie? Elle repose sur deux principes :

1. Le principe de Laurence Johnson Peter: « Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence » (et donc, « avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité »);

2. Le principe de Dilbert (plus pessimiste): « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts: l'encadrement ». (A Madagascar, actuellement, il y a le système de "coaching". On nomme des ministres "coaches" pour n'importe quoi).

Cela dit, comment fonctionne l’inaptocratie? Vous allez être très étonnés mais sachez que la démocratie (eh oui!) favorise non pas la compétence des dirigeants, mais leur habileté à séduire une large partie de l’électorat en lui faisant des promesses démagogiques (fin du délestage d’ici à 3-6 mois, par exemple, annoncée et même promise en 2013 par le candidat de dernière minute n°3, sans être issu d'aucun parti politique. Or, en ce 22 février 2016, il y a eu pas moins de 7 coupures dans mon quartier à Antananarivo). Dès lors, la politique devient un métier isolé de la vie économique et sociale réelle du pays, où c'est la communication qui domine ainsi que toutes les combines partisanes. Sur ce dernier sujet, récemment il y a eu la sortie simultanée de plusieurs quotidiens à Antananarivo, après un débauchage de journalistes et de photographes attirés par un salaire "motivant" (ce qui veut dire faire ce qu'on dit de faire sans état d'âme, sans aucun droit à la clause de conscience).

A priori donc, à Madagascar il ne reste plus qu’à survivre, en attendant la colère divine… Mais qui sont les vrais coupables de cette situation? Et qui sont les plus dupes? Voici trois pistes sur lesquelles méditer:

1. Dans son « discours de la servitude volontaire », Etienne de La Boétie déclare: «C’est bien le peuple qui délaisse la liberté, et non pas le tyran qui la lui prend».

2. George Orwell, lui, affirme ceci: «Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres, n'est pas victime : il est complice».

3. Quand à George Carlin, il va droit au but et tant pis pour le peuple: « Si vous votez, vous n'avez pas le droit de chialer. Certains aiment dire le contraire. Ils prétendent que pour avoir le droit de chialer, il faut voter. Où est leur logique? Si vous votez et élisez des politiciens incompétents et corrompus qui vont semer le bordel, alors vous en êtes responsable. Vous n'avez pas le droit de chialer ».

A présent, si l’on aborde l’inaptocratie d’une autre manière, il faudra se convaincre que ces minables sont effectivement forts. Serge Schweiter explique clairement une situation vécue actuellement à Madagascar. « Les fonctionnaires ou les politiciens ne sont pas des imbéciles. Ils font au contraire preuve de trésors d'ingéniosité pour dépouiller leurs compatriotes (à hauteur de la moitié de la richesse nationale en France) sans que ces derniers se révoltent: procédés d’illusion fiscale, "pédagogie" pour expliquer le "devoir fiscal" et encourager le fanatisme pro-État, marginalisation des opposants, complexification volontaire de la législation (et notamment de la fiscalité), promesses de cadeaux fiscaux et de biens publics, etc. Les hommes de l’État ont également l'art de s'approprier le succès de réalisations privées et inversement de rejeter la faute de leurs échecs sur la société civile ou sur certains groupes boucs émissaires ».


À bien des égards, les absurdités constituent un outil d'organisation plus efficace que la vérité. Quelqu'un peut croire en la vérité. Croire en des absurdités, c’est une démonstration infalsifiable de fidélité. Il sert d’uniforme politique. Et si vous avez l'uniforme, vous avez une armée.

De ce point de vue, la situation se trouve retournée: ce n'est plus le gouvernant qui est inapte, car il mène efficacement, pour son propre compte, son travail de spoliation généralisée. Et le gouverné accepte cet état de choses sans s'y opposer, selon La Boétie et Orwell. Plus forte encore est donc la théorie de Mencius Moldbug: « L’Etat peut être assimilé à une entreprise qui n'a pas de finalité claire, et dont les "employés" (faute de concurrence et à cause de l'impuissance des "actionnaires"-citoyens) en viennent à servir non pas les individus, mais eux-mêmes. C'est une oligarchie de fonctionnaires qui détient alors le pouvoir réel; de l'extérieur, leur action semblera relever de l'inaptocratie, car leur compétence se limitera à permettre au système de perdurer tel qu'il est, afin de continuer à favoriser leur caste ».

Dès lors, Pierre Desproges a eu raison d’avoir dit: « Nous n'avons plus de grand homme, mais des petits qui grenouillent et sautillent de droite et de gauche avec une sérénité dans l'incompétence qui force le respect ». Vous n'avez pas encore vu le spectacle du président Rajaonarimampianina monté sur ressort lorsqu'il fait ses discours démagogiques?


Que reste-t-il à faire aux Malgaches très mal éduqués dans la notion de citoyenneté et qui ne croient ni en eux-mêmes, ni au pouvoir actuel, ni aux politiciens et encore moins en la justice du moment? En l’état des choses, rien sinon survivre avec l’espoir qui fait vivre les… imbéciles. Car pour l’heure, Le pouvoir (ou plus exactement l’illusion du pouvoir) est détenu, non par des élites, mais par des inaptocrates. Et çà durera jusqu’à quand, vous demanderiez-vous? Ben, cela durera jusqu’à ce que se termine l’argent des autres. La balle est donc dans le camp des bailleurs de fonds. Sinon, il faudra espérer une implosion inattendue -mais souhaitée par plus de 22 millions de Malgaches-, tout étant possible ici-bas. Puis, l’après Rajaonarimampianina sera-elle enfin l’ère de la reconstruction ou alors celle de la continuité de cette inaptocratie? Les survivants vivront et verront…

Mais si çà dure (surtout avec cette histoire de toilettage de constitution en gestation), combien en restera-t-il au train où vont les choses de la vie au quotidien à Madagascar? Car otage de son entourage aussi incapable que lui, le président Rajaonarimampianina n’aura jamais le courage de démissionner.

Laurence Johnson Peter. Pédagogue canadien spécialisé dans l’organisation hiérarchique (1919-1990).


Dilbert. «Le principe de Dilbert » et « Dilbert: comment devenir chef à la place du chef » sont des bandes dessinées de l’Américain Scott Adams, né en 1957.


Etienne de La Boétie. Ecrivain humaniste et un poète français (1530-1563).

George Orwell. Vrai nom: Eric Arthur Blair. Ecrivain et journaliste anglais (1903-1950), auteur du best-seller « 1984 ».


George Carlin. George Dennis Carlin, humoriste, acteur et scénariste américain (1937-2008).


Serge Schweiter. Enseignant-chercheur français à Aix-Marseille Université. Il dirige la filière "analyse économique" à l’Institut Catholique d’études supérieures (ICES).


Mencius Moldbug. De son vrai nom Curtis Guy Yarvin, il est un blogueur américain, informaticien software et philosophe politique qui a relancé la pensée réactionnaire.


Pierre Desproges. Humoriste français réputé pour son humour noir, son anticonformisme et son sens de l'absurde (1939-1988).

Dossier préparé par Jeannot Ramambazafy – 22 Février 2016

Mis à jour ( Jeudi, 25 Février 2016 05:08 )  
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