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Andry Rajoelina. Jirama et corruption : Histoires en boucle en tonneau des Danaïdes

Andry Rajoelina, Président de la République

Vous ne connaissez pas « le tonneau des Danaïdes » ? Attestée au XVIIIème siècle, cette locution trouve sa source dans la mythologie grecque. Les 50 Danaïdes, filles du roi Danaos, avaient été condamnées à l’enfer après leur mort. Là-bas, elles sont contraintes de remplir d’eau, à l’infini, un tonneau qui n’a pas de fond. Ce supplice a un rapport avec mon article de ce samedi 23 février 2019, à propos de cet éternel recommencement sans jamais de fin. Une vis sans fin, une vie sans fin (çà c’est impossible).

Décidément, tant que les mentalités ne changeront pas, il n’y aura rien à espérer pour vivre ne serait-ce que le début même d’un semblant de développement et, donc, d’un semblant d’embellie dans le quotidien de la majorité des Malgaches. Après avoir servi le plat réchauffé paradoxal, depuis plus d’une décennie, du « manque d’eau » découlant d’on-ne-sait-quel lieu d’étiage (débit minimal d’un cours d’eau lié aux centrales hydroélectriques), l’actuel staff de la Jirama, dirigé de manière générale par Aimé Olivier Jaomiary, a fini par sortir une vérité qui se résume comme ceci : carence en approvisionnement du carburant des groupes électrogènes des centrales thermiques pour cause de manque d’argent. Tiens donc ! Alors aussi donc, cela explique les coupures flash persistantes et l’augmentation sans rime ni raison des factures ? Pas drôle du tout lorsque l’on sait que cette même Jirama a bénéficié d'une subvention additionnelle de 100 milliards d'Ariary à travers la loi de finances rectificative 2018…

En fait, cette mauvaise foi est dictée surtout par un comportement, une mentalité exécrable au plus haut point qui semblent dirigés uniquement sur la seule personne d’Andry Rajoelina. Et cela dure depuis plus d’une décennie. Les archives suivantes en sont des « porofo tsy azo ivalozana » (preuves irréfutables) :

Andry Rajoelina réagit contre la Jirama

Le maire de la commune urbaine d'Antananarivo (CUA), Andry Rajoelina, se montre direct dans ses propos. Il n'a pas mâché ses mots, samedi, en s'adressant aux responsables de la société d'approvisionnement en électricité et en eau (Jirama). Andry Rajoelina évoque la réciprocité pour critiquer la coupure de l'électricité et de l'eau pour cause de non-paiement des factures, et ce, dans des quartiers et des Ecoles primaires publiques (EPP), depuis la semaine dernière. Alors que la Jirama n'est pas encore en situation règlementaire vis-à-vis de la CUA. « La commune doit 3,3 milliards d'ariary à la Jirama. Mais la Jirama n'a pas non plus réglé à la CUA le droit de circuler de 306 millions d'ariary ainsi que 411 milions d'ariary pour 2006 et 2007. Comment donner l'ordre à la police communale d'interdire aux camions de la Jirama de circuler », a-t-il fait savoir, samedi, sur une chaîne de télévision privée. Cependant, Andry Rajoelina a évoqué une éventuelle rencontre avec le directeur général de la Jirama, qui vient de rentrer au pays, pour trouver des solutions. «J'attendrai la tenue de cette rencontre dès lundi (ce jour)», a-t-il déclaré.

Fano Rakotondrazaka – L’Express de Madagascar, 07.01.2008


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« Fiat lux ! » : la Jirama se rétracte

Coup de théâtre dans la capitale après quelque dix-sept jours de prise de fonction du nouveau maire Andry Rajoelina ! Spécialiste en saut d’obstacles depuis son accession à la tête de la mairie d’Antananarivo, le fondateur du TGV, après avoir solutionné les problèmes d’enlèvements d’ordures a dû affronter les grands manitous de la société de l’eau et de l’électricité de Madagascar, la Jirama, pour sauver la population de la coupure d’eau et d’électricité suite aux lourdes ardoises que lui a léguées ses prédécesseurs...

Un négociateur-né

Pris de court par telle décision qualifiée par certains de coups bas politiques, le maire Andry Rajoelina a déployé automatiquement son sens des affaires en tant qu’opérateur économique chevronné pour se défaire de cette « corde au cou » !

La Jirama a accepté de revenir sur sa décision, a révélé hier, le maire de Tana-Ville ! L’approvisionnement sera rétabli jusqu’à la fin de cette semaine au plus tard, selon un accord passé entre les deux parties, et la décision prise et appliquée par la Jirama à l’encontre de la commune urbaine d’Antananarivo sera suspendue !

Renversement de vapeur

Andry Rajoelina a habilement laissé entendre au cours de cette conférence de presse que la Jirama a réveillé un « monstre qui dort » en annonçant la coupure ! Le staff de la commune a dû plancher sur la vérification des dossiers relatifs à l’affaire, et, surprise... un trop-perçu a été encaissé par la Jirama et des décomptes seraient en cours afin de déterminer les fractions. Par suite de cette mésaventure, le maire d’Antananarivo-Renivohitra a annoncé des possibilités d’extension du réseau de distribution d’eau potable par la commune en plus de la mise en place d’une stratégie d’économisation d’énergie électrique sur les voies publiques bientôt (…).

Manou – Madagascar Tribune en ligne, 08.01.2008

A présent, Andry Rajoelina est le Président élu (« President elect ») de la république de Madagascar. Il n’a plus à s’impliquer directement dans les magouilles de la Jirama qui, récemment, a encore trouvé, semble-t-il, un semblant de solution. Comme d’hab… Cependant, en tant que Chef de l’Etat, dans le cadre du Conseil des ministres du 20 février 2019, le « Filoha voafidim-bahoaka » Rajoelina a fait une communication traçant les grandes lignes de sa lutte contre la corruption, incluant la corruption de l’esprit dont fait partie la sale mentalité des envieux et des jaloux. Mais aussi celle des parvenus et des arrivistes qui vont créer les très mauvaises surprises genre grains de sable dans la machine bien huilée de l’IEM. Ces grandes lignes les voici, les voilà, en noir sur blanc, relayées et traduites en français par les soins du ministère de la Communication et de la Culture :

- La tolérance zéro et l’exemplarité des sanctions en matière de corruption s’appliquent à tous et dès maintenant.

- Les corruptions avérées seront sanctionnées sévèrement selon la loi et en plus de remboursement intégrale des fonds détournés. Tout fonctionnaire impliqué dans les affaires de corruption sera immédiatement radié de la fonction publique.

- Les axes prioritaires sont : les luttes contre les marchés fictifs, contre les corruptions au sein des collectivités territoriales décentralisées, des services fonciers, de la justice, de la gendarmerie nationale, de la police nationale, de l’éducation nationale, de l’environnement, de la douane et des impôts.

Le Président de la République a exigé l’égalité des chances pour tous dans l’accès à tout concours d’entrée à la fonction publique. Le principe de transparence sera appliqué à la lettre ce qui implique la possibilité pour tout candidat d’accéder à ses notes sur demande. Des mesures seront prises immédiatement concernant des cas avérés de corruption suivant les départements et ministères concernés.

Pour ce faire, le Président de la république a donné instruction à ce qu’un mécanisme efficace de recours et de doléances soit instauré auprès de chaque département ministériel, le bureau de doléances auprès de la Présidence de la république pourrait également être saisi.

- Des nouvelles mesures seront adoptées de manière à renforcer et à améliorer le cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption avec des motivations pour les bons fonctionnaires et sanctions exemplaires pour les récalcitrants.

- Le principe de rotation sera appliqué dorénavant dans tout poste à haute responsabilité au sein du service public.

Bon, encore une fois, le premier réflexe, après avoir vécu plus de quatre décennies d’effets d’annonce sans réel suivi-évaluation-sanctions de la part des dirigeants passés, serait : pourvu que ça dure. En tout cas, si Andry Rajoelina est bien « the right man at the right place », en sera-t-il de même de celles et ceux qu’il nomme -et va continuer de nommer- qui risquent d’avoir la grosse tête et la maladie des vainqueurs, avec comme leitmotiv : « vae victis » (malheur aux vaincus) ? Mais dans quel camp exactement ? En tout cas, l’Histoire est très têtue et, à Madagascar, le « plus jamais ça » c’est un peu comme si des grands-parents croyaient encore au père Noël.

Voici des extraits du discours d’investiture du président Rajaonarimampianina, le 25 janvier 2014 à Mahamasina :

« (…) Nous devrons tenter l’impossible, chaque semaine, chaque jour, chaque minute. Je sais que vous n’accepterez aucune hypocrisie, aucune lâcheté, aucun calcul dans l’exercice du pouvoir que vous m’avez confié. Vous attendez de moi le respect de mes engagements. Je sais l’importance symbolique de la parole présidentielle : se voir la nécessité qu’elle rassemble parce que le Président incarne l’Unité de la Nation. En tant que Président de tous les Malgaches, je dois être libre de toute idéologie, éviter tout esprit partisan pour incarner l’intérêt général. C’est cela ma référence ultime. En ce sens, je m’entourerai de compétences de tous bords pour renforcer l’Unité Nationale et créer un Madagascar de l’Excellence.

(…) Je vais construire les conditions du Renouveau et d’un Progrès partager par tous. Nous allons rétablir la confiance dans l’Etat, qui passe par la restauration de l’autorité de l’État. Elle s’appuiera sur un socle fondamental constitué des trois piliers de notre programme : la Sécurité, la Justice et la Lutte contre la Corruption. (…) Je vais rétablir la confiance dans l’État par ceci : par la Lutte contre la Corruption. Lutter contre la Corruption sera une de mes principales priorités. La corruption devient l’un des obstacles majeurs du développement général. La corruption fausse la concurrence, entraine la mauvaise utilisation des fonds publics.

Je ne partirai pas dans une chasse aux sorcières du passé (2 fois) mais je veux que ceux qui se reconnaissent dans cette description et ces propos sachent que le changement est en marche, que rien ne pourra l’arrêter et que je n’admettrai aucune dérive. La culture de l’impunité est révolue et je m’engage à organiser une lutte sans merci contre tous les détournements de biens et de deniers publics ; contre tout enrichissement illicite, tout racket ou encore toute utilisation abusive des biens publics. Le rétablissement de l’autorité de l’État  conduira au retour de l’Etat de droit et mettra un terme définitif au cycle de crises et favorisera notre croissance économique (…) »./. No comment.

Le 21 septembre 2015, au palais d’Iavoloha, le même Président Hery Rajaonarimampianina signe un document d’engagement personnel lors de la cérémonie de lancement de la « Nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption ». Celle-ci n’aura strictement servi à rien, jusqu’au bout d’un mandat écourté par sa démission d’homme irréaliste mais avide de pouvoir -et plutôt enclin aux flatteries et autres flagorneries d’une cour corrompue à mort-, si l’on se réfère aux actualités de l’époque. Pas de semaine sans scandales dans tous les domaines de la vie : la corruption a été érigée en institution sous le régime Hvm/Rajaonarimampianina, jusque dans les ambassades malgaches à l’extérieur. Merci à Voahangy Randriamanana et ses sycophanes (Sachez que la sycophanie est une flatterie très obéissante ou un signe de déférence envers autrui, à un degré excessif ou servile). On se cultive beaucoup avec moi. Non ?

Alors ? La forme n’est pas la même mais le contenu si, malgré des variantes assez percutantes. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Certes, Andry Tgv n’est pas Hery Vaovao. Seulement, lorsqu’on se complait à écouter le chant des sirènes de la flatterie autour de soi, on perd tout sens de la réalité, on s’enferme dans sa tour d’ivoire (turris eburnea) et, à la longue, on risque d’entendre les commentaires suivants, échappés des salons feutrés de l’hypocrisie : « Cet homme est tellement grandiloquent quand il parle qu’il en est ridicule. Franchement, il n’y a pas de quoi se vanter, il est des plus ordinaires ».

« Insanity is repeating the same mistakes and expecting different results ». Traduction : La folie est de répéter les mêmes erreurs en espérant avoir des résultats différents. Il s’agit d’un passage, en page 25, d’un texte publié en 1981, sur la philosophie d'une association américaine d'inspiration religieuse  « Narcotics Anonymous ».

A Madagascar, la politique politicienne au plus haut niveau peut-elle être alors comparable -ou comparée- à une drogue qui fait faire du grand n’importe quoi ? That’s the question. Quoi qu’il en soit, le Français Philippe Bouvard (journaliste, humoriste, présentateur de télévision et de radio, écrivain, auteur de théâtre et dialoguiste au cinéma) nous a prévenus : « La principale tromperie de la politique consiste à tenter de faire croire au peuple qu’au lendemain d’une élection, il sera encore souverain ». Pour les cinq années à venir, charge au Président Andry Rajoelina de nous prouver tout le contraire. De nous démontrer qu’il n’est sous l’emprise (maléfique toujours) de rien ni de personne. C’est d’ailleurs ce que le peuple malgache attend de lui et rien d’autres… Bravissimo, déjà, pour sa volonté dans les mots. Et je l’accompagnerai et suivrai ses traces en tant que whistleblower (lanceur d’alerte). Un mot et un rôle de ce IIIème millénaire que les laudateurs obséquieux de tous bords ne comprendront jamais. Alors, lutte contre la corruption : affaire d’État ou affairisme d’état ? A vous de saisir la nuance. Jusqu’ici, plus on en parle, plus elle résiste et persiste.


Jeannot Ramambazafy – Article également publié dans « La Gazette de la Grande île » du samedi 23 février 2019

Mis à jour ( Samedi, 23 Février 2019 06:44 )  
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