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Madagascar. Ces ennemis de la Nation et de son Développement

Le Président de Madagascar, Andry Rajoelina, et le Premier ministre de la République de Maurice, Pravind Jugnauth

En ce mois de mars 2019 qui tire à sa fin, Madagascar en est à la seconde partie de sa quatrième république, avec un nouveau président de la république élu. Des perspectives de vivre un mieux-être dans la paix et la sécurité, pour la majorité des Malagasy, se dessinent. Toutefois, et encore une fois, nous nous trompons toujours de méthode. Et je vais expliquer, ici, pourquoi et donner la seule et unique solution pour espérer un développement à très court terme. Sinon, tout ne sera que poursuite du vent comme l’a prédit l’Ecclésiaste dans la Bible.

N’en déplaise aux habituels adorateurs du veau d’or, à travers leur sempiternelle ritournelle « ny filoha hajaina » (président vénéré) appliquée et entendue depuis Philibert Tsiranana mais n’ayant pas développé la nation malagasy pour autant, ce qu’il faudrait pour Madagascar, avant tout projet de société, avant tout « velirano » -qui n’ont rien de mal en eux-mêmes- c’est une réelle révolution culturelle. Certes, ce terme fait automatiquement référence au mouvement pour la lutte idéologique et politique déclenchée en Chine, en 1966, par Mao Zedong. Mais, appliquée au pauvre Madagascar d’aujourd’hui, je veux parler d’une transformation d’envergure au niveau du volet sociétal et celui de la Culture qui, elle, constitue un ensemble de choses acquises, intégrées.

J’ai horreur de comparer l’incomparable, genre vouloir faire d’Antananarivo, un Paris voire un New York ou même un Rio de Janeiro. Oui, on peut construire le même genre d’infrastructures immobilières et routières qui se trouvent dans ces trois mégapoles, dans la Capitale malagasy, mais rien ne changera vraiment tant que la population tananarivienne (3 millions d’âmes, avec énormément d’exilés ruraux fuyant plus l’insécurité dans leur « Tanindrazana » que leur pauvreté endémique au fil du temps) ne sera pas éduquée pour respecter les lois ; tant que ceux qui ont pour métier de la faire respecter ne le font pas et tant que les premiers responsables demeureront « désinvoltes » face à une situation de délabrement social et culturel flagrant. Voici ce que j’ai constaté de visu sur l’avenue de l’Indépendance que j’ai traversé en automobile avant-hier lundi, à 18h30 : aucun éclairage public existant. Or, croyez-moi : sur cette large artère, toujours animée malgré une pénombre de tous les dangers, personne n’irait voler les panneaux solaires ou les batteries solaires de poteaux avec lampe Led utilisant l’énergie du soleil. Cela ne coûterait même pas 400 millions d’ariary pour électrifier, avec cette énergie renouvelable -et pour deux ans sans entretien minimum-, jusque la rue parallèle passant devant le lycée Jean Joseph Rabearivelo. Alors, qui sont les vrais ennemis de la Capitale et de son Développement ? De nos jours, c’est la mairesse, Lalao Rakotonirainy épouse Ravalomanana, en fin de mandat et son équipe. Elle devrait mettre en pratique mon idée… lumineuse si elle entend sortir par la grande porte de son passage à l’hôtel de ville reconstruite grâce à Andry Rajoelina. Cette installation d’éclairage solaire de la première avenue d’Antananarivo, loin des délestages, dénoterait surtout une ferme volonté d’en finir avec l’insécurité urbaine. Mais…

Pour en venir à ce plus jeune président de la république élu de l’Afrique politique, incluant Madagascar, j’irai droit au but : il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier dirigeant malagasy au plus haut niveau, à promettre le développement du pays. Tous les présidents élus avant lui l’ont fait mais tous, sans exception, après mai 1972, n’ont fait que plonger Madagascar dans les abysses sans fin, car sans fond, de toutes les pauvretés possibles et même inimaginables : pauvreté monétaire, pauvreté culturelle, pauvreté spirituelle. Je sauterai la période Dadabe Tsiranana (1958-1972) car les 6 millions et quelques de Malagasy de l’époque semblaient vivre tout de même convenablement sauf ceux du grand Sud qui se révoltèrent en avril 1971. Un an plus tard, c’en était fini du Père de la « politique du ventre » (« politikan’ny kibo »)… A partir de là, de pays sous-développé, la Terre-des-Ancêtres (« Tanindrazana ») commune est passée de pays en voie de développement (Pvd) au 4ème pays le plus pauvre du monde, en passant par pays moins avancé (Pma). Constats basés sur l’IDH ou indice de développement humain. Cela de Didier Ratsiraka et son paradis socialiste (puis sa république humaniste et écologique) à Hery Rajaonarimampianina et son rien du tout sauf Voahangy, en passant par Zafy Albert et ses financements parallèles, puis par Marc Ravalomanana qui a voulu faire croire tout simplement et qui compte rempiler à travers les élections législatives de mai 2019…

Durant toutes ces 47 dernières années, les Malagasy, livrés à eux-mêmes dans une lutte pour leur survie, ont perdu lentement mais inexorablement la notion même du respect et de la crainte de l’ordre et de l’uniforme. Ils osent défier au quotidien la règlementation établie ainsi que les lois en vigueur. Et ce sont les autorités elles-mêmes qui ont institutionnalisé la corruption devenue la première rentrée d’argent de tout agent de l’État titulaire d’un pouvoir, leur salaire n’étant plus devenu qu’un pourboire (drôle de mot, non ?). Bien que l’emprisonnement ne soit qu’une mesure exceptionnelle, à Madagascar on arrête sans mandat tout quidam -dont la tête ne vous revient « politiquement » pas- sans considérer la présomption d’innocence et on le condamne publiquement, sans aucune forme de procès, via les médias, en la chargeant d’actes tout aussi inventés et fantaisistes les uns que les autres. Et la population carcérale a augmenté en nombre suivant les traces de l’augmentation de la population tout court. Pourtant, tous les dirigeants passés et présents, prônent l’État de droit et l’indépendance de la Justice.

Pour sa première visite d’État hors de son pays en tant que Président de la République, Andry Rajoelina, accompagné de son épouse Mialy, s’est rendu à l’île Maurice, du 10 au 13 mars 2019. J’y étais aussi -pour la première fois de ma vie- et cette jeune république, nichée à 1 heure 15 minutes de vol à l’Est de la Grande île de l’océan Indien, a chamboulé mon approche même de la notion de développement : comment un pays 100 fois moins petit que la province de Toliara et avec moins d’habitants au total que ceux vivant dans la seule capitale malagasy, est-il parvenu à un niveau de développement aussi poussé en 51 ans d’indépendance, c’est-à-dire 8 ans après le retour de l’indépendance de Madagascar, mon pays ?

Site du Paysage culturel du Morne, 12 mars 2019. Deux mains tendues sculptées face aux deux mains jointes du Président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, qui a honoré un pan d’une Culture commune malgacho-mauricienne

Et j’ai tout compris au travers de deux lieux précis, à caractère culturel, classés patrimoines mondiaux par l’Unesco, en 2006 et 2008, visités par le Chef de l’Etat malagasy : l’Aapravasi Ghat à Port-Louis et le site Paysage culturel du Morne, berceau de la lutte des esclaves marrons (lire par ailleurs, à ce sujet, mon dossier intitulé « Andry Rajoelina sur les lieux du « Haza lambo » mauricien » ICI). Ces deux endroits -à caractère touristique mondial reconnu- constituent la mémoire sur les origines du peuple mauricien et animent leur très fort patriotisme, leur attachement sans faille à leur nation commune et leur implication réelle dans les affaires de l’État. Je rappelle que si l’Indépendance de l’île Maurice, vis-à-vis de la couronne britannique, a été proclamée le 12 mars 1968, elle n’est devenue une république à régime parlementaire que le 12 mars 1992. Son nom « Mauritius » lui fut donné par l’amiral Wybrand van Warwyck qui aborda l’île en 1598. Cela en honneur à Maurice de Nassau, alors Stathouder de Hollande. Il faut savoir que l’actuelle république de Maurice a été colonisée par le Portugal (1494-1597), par la Hollande (1598-1710), par la France (1715-1810) et par l’empire britannique (1810-1968). Bon nombre des ancêtres des actuels Mauriciens sont des Malagasy. En effet, dès 1725, la mise en pratique du nouveau Code noir (recueil d'une soixantaine d'articles promulgué par Colbert, Principal ministre du roi français Louis XIV, et publié en plusieurs fois en 1685. Il rassemble toutes les dispositions réglant la vie des esclaves) favorisa l'arrivée de milliers d'esclaves qui venaient en majorité de Madagascar et de l’Afrique orientale pour y cultiver le café et les plantes à épices. La langue créole mauricienne actuelle en est le témoin au quotidien. En effet, ce parler contient un grand nombre de mots malagasy mais aussi comoriens et même issus du wolof (dialecte sénégalais).


L’autre partie majoritaire des ancêtres des Mauriciens vient de l’Inde. En 1834, le gouvernement britannique a fait de l’île Maurice une « grande expérience » d’envoi de travailleurs libres plutôt que d’esclaves. Ainsi, entre 1834 et 1920, près d’un demi-million de travailleurs indiens sous contrat débarquèrent à l’Aapravasi Ghat (site de 1.640 m² situé dans le district de Port Louis) pour travailler dans les plantations sucrières de Maurice. Le Président Andry Rajoelina n’a pas été amené sur ces deux sites par hasard. Ils constituent la fierté d’une large frange de tout un peuple qui n’a pas peur de clamer qu’il est descendant d’esclaves (« Andevo »). Malagasy qui plus est. A Madagascar, la seule reconsidération de l’exactitude du terme pourrait bien apporter une grande part dans l’édifice à ériger sur le changement des mentalités. En effet, dans nos contrées, sont taxés d’Andevo tous ceux qui ont le teint très noir et les cheveux crépus, habitant à Ambanidia ou dans les quartiers dits bas. Cela est strictement erroné ! Sinon, tous les côtiers de la Grande île seraient des esclaves alors ! L’esclave n’a jamais été un niveau de classe social ou de classement du genre humain. Non, il émane d’une condition sociale inhumaine due, à l’origine, à la guerre des conquêtes. Le premier esclave mondialement connu est bel et bien Spartacus qui n’est pas un personnage de fiction mais qui a bien existé. Soldat romain déchu, d’origine thrace, « Spartacus devint un gladiateur qui, avec les esclaves gaulois Crixos, Gannicus, Castus et Œnomaüs, est à l'origine de la troisième guerre servile, le plus important soulèvement d'esclaves contre la République romaine, entre 73 et 71 av. J.-C. » (Wikipédia).

Les définitions du mot esclave dans le dictionnaire Larousse, ne laissent aucun doute : - Personne de condition non libre, considérée comme un instrument économique pouvant être vendu ou acheté, et qui était sous la dépendance d'un maître. (Il existe encore officieusement de nos jours quelques dizaines de millions d'esclaves en Afrique, en Océanie et en Asie ; leur nombre varie selon les sources.) ; - Personne soumise à un pouvoir arbitraire ; - Personne qui est sous la dépendance complète d'une autre personne : Être l'esclave d'une femme ; - Personne entièrement soumise à quelque chose ; prisonnier : Les esclaves de l'argent.

Tant que ces définitions ne seront pas assimilées par chaque citoyen malagasy, inutiles d’espérer développer quoi que ce soit. Je ne m’appesantirais pas sur l’esclavage moderne qui sévit encore dans des zones franches tananariviennes…

A Madagascar, après le retour de son indépendance, tout acte effectué par des individus ou des groupes d’individus, se prétendant « plus hauts » (et hautains) que les autres, se fait uniquement pour plaire aux dirigeants du moment, en dénigrant leurs propres compatriotes. Le sentiment d’appartenance, voilà ce qu’il faut que le président Rajoelina doit absolument parvenir à faire appliquer dans les actes et les paroles de chaque Malagasy et aussi des siennes. Cela repose sur la connaissance de sa propre culture, de sa propre histoire d’abord. Malagasy, qui es-tu vraiment ? Certes, cela n’empêche pas d’avoir un projet de société, de posséder une vision à transformer en actions concrètes. Mais celles-ci seront toujours inachevées tant que demeurera un clivage omniprésent dans le cœur et l’esprit des «vainqueurs » comme des « vaincus » qui attendent leur tour… Dans le monde réel, ces ennemis de la Nation et de son Développement demeurent les pseudo-politiciens qui gravitent autour du président de la république. Des mortels sans aucune culture sur leur propre pays, ignorant les réalités vraies qui prévalent car loin, très loin de la pauvreté profonde dans laquelle leurs compatriotes ont été plongés sciemment par des dirigeants corrompus par un pouvoir pourtant passager mais qu’ils ont profondément pollué au fil du temps.

La palme est revenue au ministre de la Sécurité publique, Anandra Norbert. En direct à la télévision, le 22 février 2017, il avait déclaré, téléphone portable à la main, pour lire un « rapport », que : « c’est un déséquilibré mental qui a incendié les six villages d’Antsakabary ». La réalité ? Une femme aveugle âgée de 70 ans a péri dans l’incendie de 487 maisons d’habitation dans la Commune d’Antsakabary dans le District de Befandriana Nord. Certes, le ministre Anandra a été limogé quelques jours après, mais depuis, malgré la découverte par vidéo des exactions commises là-bas par des membres des forces de l’ordre, rien de bien concret n’a été fait pour les villageois d’Antsakabary jusqu’à présent. Mais çà coûte quoi des tôles, des planches et des clous offerts spontanément, hors campagne électorale, hein ? Passons.

Là où je veux réellement en venir est que le Président Andry Rajoelina ne sera jamais à l’abri de faux rapports tant qu’il continuera à conserver cette mauvaise manie des dirigeants de Madagascar à ne pas vouloir être mauvais vis-à-vis de tout le monde (« tsy te-ho ratsy na amin’iza n’iza na amin’iza n’iza »). Les manigances d’une cour d’arrivistes opportunistes n’ayant que des ambitions personnelles, persisteront et l’histoire du troisième larron se répètera. C’est quoi, se demanderont les incultes ? Tout simplement, il s’agit de l’individu malhonnête qui profite du conflit d'autres personnes. Et peut-être même celui qui attise ce conflit. Il y a un commencement à tout et il n’est jamais trop tard pour rectifier le tir. A mon sens, il est temps de laisser tomber les gesticulations ponctuelles et mettre en place, dans un premier temps, un véritable Centre culturel de Madagascar où seront concentrées toutes les archives historiques malagasy sur tous les supports possibles : livres, bandes sonores, films, pièces théâtrales… Car amis lecteurs, après avoir lu et relu les 13 fameux « velirano » des campagnes présidentielles de 2018, le fait est là, ou plus exactement est absent. En effet, nulle part je n’ai trouvé une seule phrase consacrée à la Culture, en tant qu’élément moteur pouvant changer les mentalités vers le patriotisme guidé par le sentiment d’appartenance. Il y a le n° 4 dont le titre est vaguement vague : « l’Éducation et la Culture pour tous ». Comme le n° 6 qui dit : « l’Emploi décent pour tous », quoi. Des slogans sans plus. Car qu’est-ce que la Culture d’après vous ?

Évidemment, ceux qui ont peur de perdre leur place de privilégiés au sein de l’actuel pouvoir vont encore crier au sacrilège. Ne leur en voulons pas : ils n’ont pas entendu -ni écouté ni même lu- la seconde phrase du discours du Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth, le 11 mars 2019, à l’issue d’une rencontre bilatérale entre les délégations de Madagascar et de la République de Maurice : « Excellence, Monsieur Andry Rajoelina, Président de la République de Madagascar, Chers amis de la Presse (…) ». Eh oui, à Maurice, les médias sont respectés par les autorités qui les considèrent vraiment comme le 4è pouvoir critiquant de manière constructive. Culture anglo-saxonne, sans doute, et non culture du décolonisé français se prenant pour le roi-soleil ?

Personnellement, après bientôt 40 ans de journalisme, je n’ai pas attendu d’aller dans cette république de Maurice extraordinaire pour devenir le gardien des vraies valeurs républicaines et démocratiques qui ont tendance à n’être utilisées que comme des réclames (« dokam-barotra ») pour produits détergents à Madagascar.

Personnellement enfin, je reste persuadé qu’Andry Rajoelina, à présent « Filoham-pirenena voafidim-bahoaka », est resté le même Andry Tgv de ses débuts. Mais ce sont certains membres de son « new » entourage qui ont tendance à le polluer avec leur comportement de faux jetons (de présence) incultes. Or, à la longue, les interprétations et le résultat ne seront-il pas les mêmes de la part de l’opinion publique ? Vivement la reprise alors !

Jeannot Ramambazafy – Article également publié dans « La Gazette de la Grande île » du mercredi 27 mars 2019


Mis à jour ( Mercredi, 27 Mars 2019 05:37 )  
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