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Madagascar : Le corrupteur et le pragmatique

Plus le temps avance et plus Marc Ravalomanana dévoile ses limites en matière de leadership. Ce docteur professeur honoris causa accumule des erreurs impardonnables face au pragmatisme d’un Andry Rajoelina qui étoffe son statut d’homme d’Etat.

 

 

 

 

Le temps d’un week-end de retour aux sources de ma part (lire reportage sur la Saint Valentin avec la Fmmsam), l’évolution des évènements à Madagascar a démontré des pratiques remontant à la seconde république : une démocratie de leurre dont la pierre angulaire est l’argent et les menaces.

 

 

Ainsi, le monde entier, via Antenne2 et Tv5 a pu découvrir les distributions d’argent de la part d’une épouse d’un ministre du régime Ravalomanana pour payer une frange du peuple spectateur, à venir assister au meeting préfabriqué du samedi 15 février. J’ai recueilli des témoignages de villageois d’Ambatolampy et d’Antanifotsy (à quelque 100 km de la Capitale) qui ont vu le chef de district regrouper, tôt le matin, des gens pour les amener en minibus au stade de Mahamasina. Avec petit déjeuner et « motivation financière » à la clé. En fait, ces pauvres gens ignoraient totalement le pourquoi de ce brusque déplacement mais avaient peur pour leur avenir immédiat. En effet, dans cette région du Vakinankaratra, seule la société Tiko a le droit et le pouvoir de collecter les produits laitiers. Vous aurez compris que sans preneur, les produits sont bons pour les cochons. Mais le lundi 16 février, à Analakely, a été la découverte infaillible de l’utilisation de casseurs sans avenir, pour casser ce combat pour les libertés. Il s’agissait du début de la prise des ministères.

 

 

Totalement détachés du mouvement de la place du 13 mai, trois centaines d’hommes de main s’en sont pris aux éléments de l’Emmo/nat (Forces de l’ordre mixtes, police-gendarmerie-armée) munis de pierres sorties de leurs poches. Sans perdre leur sang-froid, ces forces de l’ordre ont essayé de les dispersé à coups de gaz lacrymogène. En vain. Mais, au lieu de tirer, face à des provocations que tous les téléspectateurs de Viva ont vu le soir même, l’Emmo/nat s’est repliée dans le camp situé en face du tunnel allant vers Mahamasina. Mis à nu, car filmés et photographiés, ces casse-cous se sont dispersés. Tôt ou tard, ils seront retrouvés et jugés selon leurs « faits d’arme ». C’est sur ce genre de tristes séides que repose actuellement le pouvoir de Marc Ravalomanana qui tente de se convaincre qu’il est toujours aimé du peuple. Ce qu’il oublie, c’est que dans les autres régions, plus précisément à Antsiranana et à Toliara, le mouvement pour le changement prend de l’ampleur et que le parti Tim n’est plus en odeur de sainteté.

Si, ce samedi 15 février 2009, au stade de Mahamasina, Marc Ravalomanana a eu un discours axé sur une vision étroite des réalités, Andry Rajoelina, lui, étoffe son statut d’homme d’Etat avec une vision pragmatique et réaliste.

 

 

Marc Ravalomanana à Mahamasina, le samedi 15 février 2009

Bien que galvanisé par une présence massive de gens dont près de la moitié a été achetée et/ou transportées sur un rayon de plus de 100 km autour de la ville d’Antananarivo, Marc Ravalomanana agit comme un homme qui n’arrive plus à bien percevoir les réalités actuelles et qui n’écoute même plus la voix de sa propre conscience. Finis le Map, le « croyez tout simplement » de Saint Marc, le « Fahamasinana sy Fahamarinana » (Sacralité et Vérité).

« Nous allons intensifier le système Himo (Haute intensité de main-d’œuvre) pour aider les gens au quotidien ». Pourvu que çà dure et surtout qui et quelles régions bénéficieront de ce programme improvisé donc non pérenne ? Et surtout avec quel argent encore, ces gens seront-ils rémunérés ? Pour l’heure, cette Himo ne concerne que 4.000 personnes des quartiers d’Antananarivo à 20.000 ar par jour, pour une quinzaine de jours. Et après ?

« Le sommet de l’Union africaine aura bien lieu et je suis toujours le président de la république, selon l’article 44 de la constitution ». Ah bon ? C’est donc cela l’urgence pour ce régime en déclin ? Et tiens donc, c’est maintenant qu’il tente d’expliquer cette loi fondamentale qui lui permet de diriger le pays comme une usine ? Alors que lors du référendum constitutionnel d’avril 2007, il n’y a eu que 15 jours à la population pour «comprendre » tous les articles de cette Constitution. « Nous allons mettre en place une commission d’enquête indépendante, à propos de ce qui s’est passé le 7 février à Ambohitsorohitra ; L’Onu travaille avec nous ». Sincèrement, et la majorité des Malgaches en convient, Marc Ravalomanana n’a plus les arguments qui fait qu’un chef d’Etat en est un. Et un vrai. De quelle indépendance parle-t-il alors qu’il est le chef suprême des armées et que c’est sa garde rapprochée étrangère qui a tiré sur la foule armée de mains vides. Sa persistance à vouloir se maintenir au pouvoir repose sur les éléments suivants : dans toute l’histoire de l’humanité même, aucun dictateur n’a jamais baissé les bras et est parti de son plein gré. Tant qu’il aura des gens à corrompre, à tous les niveaux -militaire surtout- et tant qu’il y aura de l’argent à distribuer, le temps aura raison du mouvement orange. En fait, les clés de la sortie de crise ne reposent plus sur le nombre de gens qui se réunissent autour de leur « champion » mais sur les bailleurs de fonds, sur les chefs d’église et sur les militaires surtout. Or, un directoire militaire est impensable. C’est donc dans ce volet des forces de l’ordre qu’est le nœud de la sortie de crise rapide ou non. Marc Ravalomanana n’a jamais été militaire, il a osé dire qu’il n’était pas né lors des évènements de 1947 et son parti Tim a dansé la gigue à Mahamasina, le 11 février alors que cette date marque l’assassinat du Colonel Richard Ratsimandrava et que ç’aurait du être une journée de recueillement. Sans oublier que ce jour était dédié à l’enterrement des jeunes tués intentionnellement le samedi 7 février 2009. L’intérêt pour le dictateur Ravalomanana est que la situation s’enlise même s’il sait parfaitement qu’à cause de lui-même, son avenir politique ne sera jamais brillant. Comment lui donner la possibilité de faire une sortie honorable, « démocratique » ? That is the question…

 

 

Andry Rajoelina, sur Viva télévision, le lundi 17 février 2009

Le président de la Haute Autorité de la Transition a dévoilé son programme immédiat. Un véritable plan Orsec (Organisation de secours) social.

« (…) Le but de cette lutter est le changement radical et le vrai développement de Madagascar. Ce que je peux vous dire en résumé est ceci : tous les ministres nommés pour ce gouvernement de transition sont des patriotes et possèdent le savoir-faire pour sortir Madagascar de l’actuelle situation de souffrances et d’entraves dans tous les domaines perpétrées sur le peuple malgache. Pour vous, journalistes, prenez note : à propos du prix de l’huile alimentaire, il est tout à fait possible de l’abaisser à 12.500 anciens francs (2.500 ariary). Huile qui coûte, actuellement, 21.000 anciens francs (4.200 ariary). Voilà l’illustration du monopole. Vous obligez les consommateurs (le peuple) à acheter cher alors que vous ne vous acquittez d’aucun droit de douanes, que vous êtes le seul à vendre de l’huile alimentaire dans le pays tout entier. Personne, aucune autre société n’a le droit d’importer de l’huile et le peuple ne fait que subir. Est-ce cela l’amour de la patrie ? Il en est de même pour le prix du riz qui est aussi monopolisé. En fait donc, le peuple se paupérise de plus en plus sans qu’il puisse faire grand’ chose. Mais toute chose a une fin… (…). Tous les membres du gouvernement de transition ont des devoirs et des responsabilités lourdes. Nous ne sommes pas là par plaisir de prendre le pouvoir. Cela implique une foi et des convictions infaillibles. Ce que je peux dire aussi, c’est que depuis que Madagascar est Madagascar, c’est bien la première fois que c’est un jeune de 34 ans qui présidera une période de transition. Le Premier ministre est, lui aussi, un jeune et la majorité des ministres sont jeunes également. Si tant est que les jeunes sont les piliers de l’avenir, je peux dire ces ministres là ne seront pas aussi ignorants (« bado ») des réalités du pays que ceux du régime actuel. Notre priorité est de sortir réellement, et de façon réaliste, le pays de toutes les pauvretés. Je tiens à préciser que nous avons notre propre stratégie et que nous ne sommes aucunement guidés par l’amiral Didier Ratsiraka. Et, ici, je révèle que toute nos stratégies, toute l’organisation de nos démarches émanent d’Andry Rajoelina. Il n’y a aucune relation, aucune concertation ni même la moindre suggestion émanant de Didier Ratsiraka. Nous les jeunes, nous avons notre personnalité propre ! Nous avons notre propre vision et notre manière propre pour diriger ce pays. L’amiral Ratsiraka n’a rien à voir dans cette lutte. C’est un aîné, un « ray aman-dreny » qui réside en France. Nous le respectons, c’est tout.

 

 

A présent, regardez bien la représentativité des membres du gouvernement de transition : ils sont l’image même des aspirations populaires. Il y en a qui émane de l’Arema (Ndlr : parti fondé par Didier Ratsiraka) mais tous ne le sont pas. Si l’on s’en tenait aux rumeurs, tous seraient Arema, n’est-ce pas ? Notre devoir sacré est de faire en sorte que l’histoire ne se répète jamais plus. Que les futurs dirigeants n’en fassent plus qu’à leur tête, n’imposent plus aucun diktat et ne tuent plus des Malgaches comme eux. Nous allons instaurer un système réellement démocratique. Qu’allons-nous faire alors, pour que tout ce que nous vivons encore à l’heure actuelle ne se reproduise plus jamais ? Particulièrement les revendications dans la rue et par la rue ? Pour qu’il y ait des élections exemptes de toutes manipulations, transparentes ?

 

 

Le président de la HAT et son ministre des Postes et Télécommunications, Augustin Andriamanoro

Nous allons nous pencher sur le code électoral pour qu’il soit conforme et équilibré pour tous les partis politiques, pour tous les citoyens en âge de voter et non pas rédigé pour un seul homme, un seul parti politique. En ce qui concerne la constitution, elle augurera que le président de la république ne pourra se présenter que deux fois seulement et que cette disposition ne pourra plus jamais être « toilettée » à l’avenir. Si cela avait déjà existé, je suis certain qu’il n’y aurait jamais de grèves sur la place du 13 mai. Les gens auraient attendu la fin du mandat de Marc Ravalomanana qui ne sera plus jamais élu. Mais face à la carence de ce genre de disposition, avec tous les abus de pouvoir perpétrés durant les sept dernières années, avec un égoïsme effréné, il faut remercier Dieu de l’éveil actuel, la prise de conscience du peuple malgache qui ne peut ni ne veut plus accepter l’actuelle dictature. Durant une année, j’ai dirigé la ville d’Antananarivo en respectant scrupuleusement les lois et règlements existant pour la gérer. Depuis quand, dès lors, un président de la république peut-il se permettre d’acheter un avion à 60 millions de dollars sans passation de marché, sans appel d’offres ? Cela est passible d’une peine d’emprisonnement ! Je répète que j’ai dirigé la commune urbaine d’Antananarivo. Il existe une législation stricte sur les passations de marché public. Mais rien n’a été respecté pour l’achat de cet avion. Ce qui signifie que ce régime Ravalomanana agit comme si Madagascar et les deniers publics étaient sa propriété. Lors du contrat passé avec Daewoo logistics, le pouvoir Ravalomanana n’a jamais pensé à demander l’avis du peuple ni même l’informer de ses intentions de céder des milliers d’hectares de terre à des étrangers. Personne ne connaît les conditions réelles de cette braderie. Nous n’inventons pas, il n’y a jamais eu de prix de location selon la presse internationale, principalement et récemment le magazine « Le Nouvel Observateur ». C’est pour cela que je répète : heureusement que le peuple s’est réveillé et Andry Rajoelina s’est levé pour être son porte-parole parce que Madagascar s’est engagé sur la pente glissante du n’importer quoi ».

 

 

Entre le corrupteur et le pragmatique, le peuple a fait son choix. Je rappelle que la lutte ne concerne plus uniquement la ville d’Antananarivo mais touche les anciens chefs-lieux de province. Marc Ravalomanana n’est plus le chéri de la majorité des Malgaches. C’est la pure vérité. Seulement, la majorité des gens veulent que cette lutte se termine le plus vite possible car de nombreuses sociétés sont au bord du dépôt de bilan. Faut-il leur en vouloir de ne pas comprendre que toute lutte pour les libertés a un prix ? Personnellement, si c’est pour changer l’actuelle constitution sur la base des codes des 105 et 305 articles, avec la participation effective de tous les citoyens dans chaque article de la nouvelle Constitution amenant Madagascar vers la IVème république, le jeu en vaut la chandelle. Avec la condition suivante : que plus aucun président ne puisse ni n’ait le droit -quelles que soient les « conditions déterminantes »- de la retoucher. Le modèle américain, avec ses amendements, est à suivre et à appliquer.

 

 

14 mai 1972. Tout ce qui reste de l’Hôtel de ville incendié la veille car des éléments des Forces républicaines de sécurité (FRS) créés sur le modèle des CRS français, s’y étaient réfugiés

Je tiens à vous donner un exemple clair et précis de ce que tout président malgache pouvait, peut faire, pour élargir ses pouvoirs et rester le plus longtemps possible au… pouvoir. Le Professeur Zafy Albert -président de la Haute Autorité de l’Etat (HAE) puis élu président de la république- n’a jamais fait tirer sur la foule. Il n’a donc jamais fait tuer personne pour se maintenir au pouvoir. On peut même dire qu’il a été un agneau propulsé dans le monde cruel de la politique. Ce chirurgien n’est jamais devenu un boucher. Il avait introduit dans la constitution, une motion d’empêchement présidentielle, possible à travers le vote des députés de Madagascar. Il aurait pu dissoudre cette assemblée qu’il croyait acquis à sa cause. Il ne l’a pas fait. Malheureusement, alors que certains de ses conseillers avaient pressenti le danger, d’autres -inconscients ou conscients, cela revient au même- l’avaient juré qu’il n’y aurait rien et qu’il pouvait poursuivre ses « Mada raids ». Or, le jour fatidique, nous, journalistes (je travaillais alors à Madagascar Tribune) avions déjà en main, le communiqué d’empêchement dès 6h du matin. A 8 heures, le Pr Zafy Albert entre dans l’hémicycle de Tsimbazaza pour en ressortir empêché moins d’un quart d’heure plus tard. Qu’est-ce que vous croyez que Didier Ratsiraka a fait, dès qu’il est revenu aux affaires, après une élection où il a battu le Pr Zafy ? Il a organisé un référendum constitutionnel afin de pouvoir retirer de la constitution cette motion d’empêchement présidentiel.

Tout ceci pour vous dire qu’à l’instant où un président malgache toilette ou retouche la loi fondamentale, ce sera toujours très mauvais pour le peuple. Marc Ravalomanana n’a pas fait exception et a dirigé le pays comme s’il s’agissait d’une agence affiliée à l’empire Tiko. Et, lentement mais inexorablement, Madagascar est devenu Tikoland ! Maintenant que vous avez tous bien compris, cessez vos rumeurs qui ne reposent sur rien et qui ne seront, en aucun cas, des sources d’informations fiables. Mais il y en aura toujours pour qui tout changement leur fait perdre le sommeil. A se demander pourquoi… «Misy fotoana ny zava-drehetra » ou chaque chose en son temps. Et moi, au moins, j’ai la conscience tranquille, vis-à-vis de tous mes petits-enfants. Et vous, les semeurs de rumeurs ? Toujours à cogiter et rédiger des mails sous le couvert de l’anonymat ? J’espère que vous deviendrez tous riches comme Crésus alors…

Dernières nouvelles

 

 

En 24h, les choses évoluent très vite Ainsi, hier (Ndlr : lundi 16 février 2009), Marc Ravalomanana a reçu, au palais d’Iavoloha, six officiers supérieurs, qui sont : le médecin Général Rakotovao Fred, les Généraux de la gendarmerie Ramananarivo Claude et Raharijaona Lucien, les Généraux de l’armée Rabarisoa Ranto et Razafindralambo Rivo ainsi que le vice-Amiral Ramaroson Rarison Hyppolite. Bien l’entretien ait eu lieu à huis clos, un ordre strict a été lancé, entendu et respecté : « Ne plus tirer sur la foule ! ».

 

 

Ainsi, hier encore, les ambassadeurs accrédités à Madagascar, leur doyen Mgr Augustin Kasujja en tête (au centre sur la photo, entre la chargée d’Affaires de l’ambassade de France, Marie Claire Gérardin, et l’ambassadeur allemand, Dr Wolfgang Moser), ont rencontré la presse pour l’informer de leur point de vue. « Trop de morts et de destruction ont assez endeuillé Madagascar. Aussi, nous demandons à tous les responsables de faire preuve de modération, de retenue et de sagesse. Le dialogue est destiné à résoudre par la négociation et le compromis, les problèmes à l’origine des troubles que connaît la Grande île actuellement ».

Dossier préparé par Jeannot Ramambazafy - Journaliste

 
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