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Madagascar: Dahalo ou le phénomène cyclique de plus en plus meurtrier

Scène du film "Dahalo, Dahalo"

« Dahalo, Dahalo, il était une fois dans le Moyen-Ouest» (1984), long métrage (75 mn) du regretté Benoît Ramampy -déjà auteur de « l’accident » en 1972 puis du « Prix de la Paix » en 1987-, avec Masy Fonteno, Thomas Rakotovao et Eugène Randrianarison. Producteur : Guy Rasamoelina. Directeur de la photo : Limby Maharavo. Ce film, qui traite de l’insécurité en milieu rural, fut interdit de projection à Madagascar par le Président Didier Ratsiraka. Pourquoi ? Peur d’être confronté aux réalités vraies ? La critique sociale, la dénonciation des injustices et des privilèges restent les leitmotivs de l’œuvre de Benoît Ramampy

Que les rédacteurs de certains médias qui écrivent n’importe quoi par manque flagrant de culture lisent attentivement le dossier qui suit. Le plus malheureux est que ces rédacteurs sont Malgaches, vivent à Madagascar et osent parler de « guerre » à propos d’un phénomène à la fois culturel, social et économique. Parce qu’ils ignorent l’Histoire de leur propre pays. Pour les forces de l’ordre et le pouvoir présent et ceux à venir : puissent-ils trouver un solution radicale à travers ce dossier. Par ailleurs, de nombreux lecteurs m’ont demandé pourquoi madagate.com ne parlait pas de l’affaire Remenabila ni des récents vols de zébus qui ont occasionné morts d’hommes à Betroka ? Des attaques de plus en plus meurtrières au fil des décennies.


(in « Le Français de Madagascar, contribution à un inventaire des particularités lexicales », de Claude Bavoux, Page 81)

Comme tout journaliste qui se respecte, j’ai préféré m’informer avant de vous informer. Car il n'est pas dans mon habitude, depuis 27 ans de métier, de répercuter les bruits de couloirs dans l'intérêt d'un tel ou d'un autre. Je fais des recherches avant d'écrire. Là se situe la crédibilité du journaliste. Encore une fois, en matière de journalisme si les commentaires sont libres, les faits sont sacrés. Par ailleurs, l’Histoire d’une Nation n’est jamais statique et elle ne se résume pas sur une période donnée ou pour faire plaisir à tel ou tel dirigeant. Les U.S.A. sont devenus ce qu’ils sont parce qu’ils ont tout de même tiré des leçons de leur guerre d’indépendance, de leurs massacres sur les Indiens, de leur guerre de sécession, de leur ségrégation raciale, de leur 11 septembre. Barack Obama est leur 44è président. Certains veulent que Ravalomanana soit un président à vie -il le veut lui aussi-, tout comme Didier Ratsiraka qui avait tenté la démarche. Mais que sont-ils devenus, sinon des exilés, hors d’un pays où ils voulaient être l’empereur voire le roi ? Revenons à nos moutons ou plutôt nos zébus. A l’époque où Rasamoelina Henri a rédigé les notes qui suivent, il n’y avait ni caméras numériques ni Internet dans la Grande île. Mais tout est d’une actualité scintillante.

Jeannot RAMAMBAZAFY

Zébus (bœufs à bosse): objets de toutes les convoitises, de toutes les polémiques

Le vol de bœufs est parmi les problèmes d’actualités les difficiles à résoudre à Madagascar. I1 résiste à l’épreuve du temps et des transformations socio-économiques et politiques ainsi qu’aux mesures prises. La difficulté vient du fait qu’on ne connaît pas ses origines et que les explications avancées au sujet de sa récente recrudescence ressortent d‘une sociologie spontanée, non dénuée de jugements de valeur a priori. Ceci fait que les responsables, à défaut de trouver des solutions adéquates, sont obligés ou bien de se rabattre sur l’utilisation de la force ou bien de ne rien faire, provoquant des critiques aussi bien de la part des personnalités politiques d‘opposition que du petit peuple.

Dans le Sud-Ouest, c’est-à-dire dans la province de Tuléar, c’est en 1971 que le phénomène, en perte de vitesse depuis la proclamation de l’indépendance, a repris. Ce qui, à l’époque, a poussé les responsables à étendre la Convention de Sakaraha (ou dinan’i Sakaraha) aux provinces limitrophes de Fianarantsoa, Antananarivo et Majunga.

En pays betsileo, c’est en 1973 que les vols de bœufs se sont multipliés, au moment où le ministère de l’Intérieur, desserrant sont étreinte, venait de supprimer l’impôt sur les bovins. Le phénomène a été précédé par des feux de brousse, symptôme de mécontentement, s’est limité, à ses débuts, aux confins ouest de la région, notamment en Isandra, à Ikalamavony, Ambatofinandrahana et Ambalavao. Le problème était déjà assez grave pour décider les responsables à effectuer une vaste opération de ratissage appelée Opération Ikalamavony, menée sur presque la moitié de l’île.

L’autre affaire, en 1975, est celle de la Sofirac, abattoir établi à Fianarantsoa depuis 1968. La chose a éclaté quand, lors d’une inspection faite sur les lieux, le 19 octobre 1975, on a constaté que parmi les 157 bœufs à abattre, 19 avaient été volés dans les régions d’Ambohimahasoa et Ambositra.

On entendra de nouveau parler du phénomène vers 1980, quand le spectre de la crise économique sera venu frapper de plein fouet Madagascar. Sur ce laps de temps, il s’est généralisé. Pour la seule année 1980, selon les chiffres officiels, on a dénombré pas moins de 1.150 attaques de dahalo, ou voleurs de bœufs, dans la seule province de Fianarantsoa. 1.145 bandits ont participé à ces vols et 13.536 bovins ont.été perdus.

Les exactions commencent surtout à partir du mois de juillet, début de la période de soudure, et se renforcent du mois d’octobre jusqu’en mars, temps des récoltes. Le phénomène est devenu de plus en plus meurtrier, puisque les bandits ne volent plus par surprise (Ijoko) mais viennent plutôt en armes et en nombre de jour comme de nuit, pour prendre de force les bœufs des villageois.

Parmi ces cas dramatiques, citons celui de Manjakamana Vohimarina, où, le 15 février 1981, des dahalo ont attaqué les habitants vers 6 heures du matin et où, après un combat acharné, quatre villageois (dont une femme) ont trouvé la mort. Les bandits ont dérobé 210 bœufs. Selon les villageois, l’âge des voleurs allait de 22 à 35 ans. Ils avaient comme armes deux fusils et plusieurs sagaies. Selon les renseignements fournis par les paysans d’Andoharanomaintso, il y aurait eu dans cette région, de 1980 à 1984, 49 villages attaqués, 61 maisons brûlées, 5 personnes tuées et 1 981 bœufs volés parmi lesquels seuls 638 ont été retrouvés. Au Sud, pour le fivondronana d’ambalavao Tsienimparihy, il y a eu, de novembre 1983 à mars 1984, 257 attaques de dahalo, 133 maisons pillées et 50 autres brûlées, 37 personnes tuées, 43 villages désertés et 2 893 bœufs volés, parmi lesquels seuls 632 ont été retrouvés.

En pays betsileo, le voleur de bœufs est appelé dalalo ou mavo. A l’est de la route nationale 7, on utilise le terme dahalo, brigand, et à l’ouest le mot mavo, sale. Dans la province de Tuléar, on parle plutôt de malaso. On doit savoir tout d’abord que bien que ce soient les jeunes qui effectuent le véritable vol, les devins-guérisseurs, ou ombiasy, y jouent aussi un rôle très important. C’est auprès d’eux que les jeunes demandent des conseils et les amulettes protectrices contre les éventuels dangers. I1 s’agit de la plante appelée andriogna, protégeant, croit-on, contre les balles, du somokotra, une sorte de drogue que l’on fume pour ne pas connaître la fatigue au cours des courses-poursuites, du petit miroir considéré comme un radar pouvant prévenir de l’approche d‘un danger, et enfin du bain avec du hazomanga pour vaincre la peur.

Les voleurs peuvent attaquer isolément, par surprise, ou en force en arrivant en groupe. Pendant que les uns font sortir le bétail, les autres empêchent les villageois de quitter leurs maisons en jetant des cailloux sur les portes et fenêtres, ou en tirant des coups de feu, ou encore en brûlant les toits de chaume. Les bœufs sortis, la bande repart en chantant.

Face à cette gravité de l’insécurité et à l’inefficacité avérée des forces de l’ordre, on assistera, à partir du début de l’année 1983, à l’apparition des dina (conventions collectives) qui gagneront vite du terrain dans tout es les régions de l’île. Le premier dina était le dina Rebotieka, du nom de son promoteur, un ancien militaire, probablement un gendarme, qui avait fait carrière à Ihosy, en pays bara, et s’était établi pour sa retraite entre Ambatofmandrahana et Ikalamavony .

Mais les autorités ont interdit, par décision provinciale, ces conventions, en juin 1983, pour les remplacer une année plus tard par les dinan’ny fandriampahalemana (conventions pour la paix), où l’initiative est laissée aux forces de l’ordre et aux représentants du pouvoir et non plus aux villageois ligués.

A Tananarive, dans le nord du Betsileo et à Tuléar, où le vol de bœufs fait aussi rage, on verra se dérouler, à partir de 1986, les opérations militaires dites tsinzindaiinody et tsy mihitsy, où tous ceux qui sont soupçonnés d’être des dahado ou malaso seront tout simplement fùsillés sans procès par les soldats. I1 y aura alors arrêt momentané du phénomène dans ces régions.

Le sud de Betsileo ne sera pas touché par ces opérations mais les dinan’ny fandriampahalemana n’arrivent pas à stopper les vols. Les actes de brigandage ne cessent de se développer impunément. Le 8 septembre 1987, à deux heures de l’après-midi, 59 dahalo formés de Bara, Betsileo et Antandroy, venant de Tsitondroina, ont attaqué Befeta. Un combat acharné a eu lieu, puisque le fokonolona (collectivité villageoise) a résisté. Un dahalo qui a été pris vivant n’avait que douze ans...

On notera aussi les attaques, au cours de la nuit du 2 novembre 1987, de dix villages dans les circonscriptions d’Alakamisy-Itenina et Talata-Ampano. Les voleurs ont raflé en cette seule nuit plus d’une centaine de bœufs. Des maisons ont été incendiées et des paysans tués. La gendarmerie a pu toutefois retrouver les bœufs, parmi lesquels figuraient des bêtes d‘officiers supérieurs.

Les paysans, désespérés, ne font pas de quartier. Les voleurs pris sont tout simplement lynchés, tels ces deux hommes pris en flagrant délit à Ambohibary Talata-Ampano, le 7 mars 1988, tués par le fokonolona. L’un d’eux était un ancien étudiant. Deux autres dahalo ayant volé des bœufs à Antanjombe Alakamisy-Itenina et rattrapés le 29 mai 1988 à Ambakaka, en pays tanala, seront aussi lynchés froidement par les gens et ensevelis comme des chiens. Leurs proches parents ramèneront de nuit les corps chez eux.

Mais l’acte de banditisme qui a tenu en haleine, l’opinion publique est bien l’affaire de Keliberano où, en 1988, des voleurs de grand chemin ont tué dans un guet-apens, avec des kalachnikov, une dizaine d’individus revenant du marché d’Ambalavao et qu’ils ont pris pour de riches marchands de bestiaux. Le procès a per mis de connaître l’existence de trafics d’armes, ce qui explique le caractère de plus en plus meurtrier du vol de bœufs. Des noms de personnalités haut placées ont été cités devant le tribunal sans

que les juges aient pu les faire venir à la barre. Trois des bandits ont été condamnés à mort et d’autres à la prison à vie. Mais contrairement au souhait de l’avocat général lors du procès, la lourdeur des peines n’a pas arrêté le vol de bœufs.

En 1990, on retiendra la rafle, par la gendarmerie, à Befeta Ambohimahasoa, de 17 voleurs de bœufs. Des élus ont été arrêtés et on a même parlé de la connivence d’un député. Affaire qui entraînera des polémiques, publiées dans la presse, entre ce député et quelques originaires de la région. En 1990, toujours, cherchant à s’assurer le soutien politique du vieux leader du Sud, Monja Jaona, le pouvoir central fait marche arrière et lui confie la mise en œuvre d’un autre dina, appelé dinan’ny mpihary (convention de la réparation). Le principe en est la réparation du préjudice par le système de restitution par trois de tout bœuf volé si celui-ci est trouvé vivant, et par quatre si l’animal a déjà été abattu. L’application est immédiate dès que le voleur est pris en flagrant délit ou identifié. Les membres de la famille sont déclarés responsables des actes de personnes appréhendées.

Les juristes sont consternés. Quand un voleur est pris, c’est en effet à la gendarmerie que revient normalement la responsabilité de reconstituer les faits et de repérer ses complices. Or le dina leur enlève cette possibilité durant la procédure nécessitée par l’exécution des sanctions. Enfin, comment un parent, s’il n’est pas complice, peut-il être civilement responsable des actes commis par l’un des siens. Selon la revue Vango, « voilà une mesure ringarde, tournée vers le passé et les us et coutumes. Or le problème est actuel et économique. Un dina ne répondra donc jamais à l’esprit d‘un État moderne »...

Les manifestations populaires qui ont éclaté à partir du mois de mai 1991 ont accaparé l’opinion. Les vols semblent avoir diminué d‘intensité pendant la grève générale. Mais le changement de régime ne semble pas avoir eu d‘effet marquant sur le phénomène.

Depuis plus de dix ans, le phénomène dahalo n’a cessé de bouleverser la vie économique et sociale des paysans. Des centaines de personnes ont trouvé la mort et les troupeaux de bœufs ne cessent de diminuer. Ce qui a des conséquences néfastes sur la production dans la mesure où le fumier devient rare. On peut classer globalement en quatre les hypothèses sur ce problème. Cela va du phénomène culturel jusqu’à des explications socio-politiques en passant par la crise de société et l’enrichissement économique.

* Un phénomène culturel

Cette opinion vient surtout des études faites dans des régions d’éleveurs comme les sociétés bara ou mahafaly. Parmi ceux qui considèrent les facteurs culturels, on peut citer L. Michel, spécialiste des Bara, E. Mamelomana, qui a analysé la psychologie du vol de bœuf (l3), P. Nakany, un Bara, qui étudie sa société, A. Randrianjafizanaka, qui a fait des recherches sur la Convention de Sakaraha, et enfin, les plus récents, L.P. Randriamarolaza et J.M. Hoerner, qui a écrit sur Le vol de bœufs dans le Sud malgache.

Selon L. Michel, « on a dit bien des choses inexactes au sujet de ces vols. On vole des bœufs en pays bara. Le fait est aussi ancien que la race (sic). Le vol est un acte d‘éclat, une conduite d‘honneur nécessaire pour tout jeune célibataire désirant prendre femme ». P. Nakany confirme : « la possession du bœuf, un animal sacré, est la suprême ambition de tout individu bara qui, ayant le sentiment de sa dignité, considère comme légitime tout moyen de s’en procurer ». Imbus de cette idée, les audacieux et les impatients ne résistent guère à la tentation de razzier armes en main et au péril de leur vie. Enfin, selon Mamelomana, c’est parce qu’il n’a pas compris cette psychologie du vol de bœufs, où le voleur est vénéré, admiré tel un héros, que le régime colonial n’a pas su trouver des solutions adéquates au problème.

Selon Randrianjafizanaka, à l’intérieur des sociétés, le vol peut avoir comme but la lutte pour le pouvoir, mais aussi la contestation d‘un pouvoir étranger, le pouvoir colonial par exemple. Randriamarolaza, lui, montre qu’il y a aussi une éthique, une esthétique et un culte liés au vol de bovidés.

Peut-on expliquer le vol de bœufs en cours actuellement en pays betsileo selon cette dimension culturelle ? Non, puisque cette société n’a plus rien de pastoral. Ce qui fait que le phénomène est considéré ici plutôt comme le reflet d’une crise de société.

* Le résultat d’une crise de société

Cette hypothèse concerne le Betsileo. Pour R.C. Andriamihaja, journaliste, travaillant à Fianarantsoa (déjà décédé) à partir d’interviews, le vol s’expliquerait par la jalousie, puissant ressort de la vie des villages. Il y aurait aussi l’incompréhension par certains jeunes de ce qu’on appelle la lutte des classes [qui fonderait la légitimité de leurs interventions] ... Enfin, il existe ceux qui disent qu’il y a une dégradation morale, faute d‘un esprit religieux qui aurait pu rappeler la notion de Dieu. Quant au professeur Ramonja, chirurgien de profession, il souligne le contraste entre la poussée de la violence contemporaine et l’image traditionnelle d’une société paisible, aux habitants laborieux et hospitaliers, respectueux des biens d‘autrui, renommés pour la convivialité, vivant dans la solidarité de la grande famille et volontairement soumis à l’autorité des parents et des anciens.

Or, de nos jours (Ndlr : Nous sommes en 1991), c’est de l’intérieur que la société malgache se désagrège. Le respect des hiérarchies s’efface. Les villes n’offrent aucun emploi industriel ni même artisanal à des campagnes surpeuplées où protestants et surtout catholiques ont implanté un dense réseau d’enseignement, acheminant les jeunes vers l’enseignement secondaire et donc la ville. La corruption et les trafics illégaux se développent impunément, l’abus de l’alcool et des stupéfiants exacerbe l’agressivité des jeunes gens et les viols et meurtres se multiplient. Bref, une crise morale.

* Un moyen d’enrichissement

C’est à cause de sa richesse qu’on explique pourquoi le faritany de Fianarantsoa est devenu une cible préférée des dahalo. Pour Hoerner, il est vrai que le Sud eut une vocation pastorale et qu’il fut dominé par la civilisation du bœuf et le mode de production guerrier. Mais cela est du passé. Le banditisme rural qu’on observe aujourd’hui a un objectif majeur d’ordre économique, qui consiste, au sein d’une société trop pauvre, en un enrichissement individuel à bon compte. C’est pourquoi les troupeaux volés sont désormais rarement échangés ; ils sont rapidement vendus et les voleurs s’en prennent également à d’autres biens matériels.

Qui, cependant, s’enrichit réellement dans l’affaire ? Ce n’est pas le voleur. Le bœuf se vend aux receleurs pour des sommes dérisoires, entre 10.000 et 20.000 fmg, à partager entre toute une bande. C’est pourquoi ce sont les receleurs et autres commanditaires, parmi lesquels on peut voir des bouchers, des membres des forces de l’ordre, mais aussi des élus, qui profitent du phénomène. On les nomme aujourd’hui les dahalo ambony latabatra, ou bandits de bureau.

En 1985, J. de Barrin écrivait que les bandits bénéficient ... d’évidentes et de solides complicités, à différents échelons de la hiérarchie civile et militaire, qui leur permettent de voir grand. D’où ce florissant trafic de bêtes à cornes, exportées clandestinement vers les Comores, Maurice et la Réunion, ou acheminées tout aussi subrepticement vers les abattoirs de Tananarive. Pour le plus grand profit de quelques commanditaires qui arment le bras de ces hommes de peine. Quant à Rasediniarivo, dans le journal Lakroa, il s’était interrogé : « depuis qu’on rapporte des faits de banditisme dahalo-malaso en haut lieu (à la Présidence) est-il possible qu’on ne sache pas qui sont ces commanditaires tout-puissants et ces protecteurs grassement payés ? Allez-donc ! ».

L’explication socio-historique et politique

Le vol de bœufs éclate dans certaines périodes historiques. 11 y a des moments d’accalmie, surtout quand 1’Etat (Fanjakana) joue bien son rôle de bon ray amandreny ou à la fois père et mère (du point

de vue des paysans) et que la société vit dans une certaine stabilité. Les feux de brousse et le vol de bœufs apparaissent surtout lors de crises économiques et sociales graves.

Pour le Betsileo actuel, cette crise s’explique d’un côté par l’appauvrissement et la désagrégation des communautés villageoises, et de l’autre par l’existence d‘une administration irresponsable, source de tous les abus dans le monde rural. C’est toute la structure de la société qu’il faut donc considérer si l’on veut trouver les véritables solutions.

En ce mois de septembre 2012, les forces de l’ordre entendent procéder à mettre en pratique une nouvelle stratégie… En tout cas, après la lecture de ce dossier, il est clair que le phénomène Dahalo est cyclique et qu’il ne disparaîtra pas de sitôt tant que les disparités sociales et économiques seront encore flagrantes. La vraie solution réside alors dans la possession des Malgaches de leurs propres richesses sur lesquelles, hélas, ils vivent pauvres depuis des générations.

Un grand dossier de Jeannot RAMAMBAZAZFY – 6 septembre 2012

Source principale : « Le vol de bœufs en pays betsileo » - Henri Rasamoelina

Université de Fianarantsoa

Juin 1991

Mis à jour ( Jeudi, 06 Septembre 2012 18:43 )  
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