Le Falcon 50, piloté par des Français, abattu en avril 1994 avec les principales victimes (en médaillon)
Malgré ou grâce -c’est selon- à l’attaque avortée de la Primature de Mahazoarivo par des mercenaires locaux à la solde de Marc Ravalomanana (témoignages à l’appui), le Président de la HAT, Andry Rajoelina, ne remet pas en cause son voyage en Afrique du Sud pour y rencontrer le président démissionnaire. Cependant, un communiqué de la présidence de la HAT indique que, cette rencontre prévue le 24 puis le 25 avril, « sera reportée au 28 avril 2010. Cela a été décidé suite à la demande des autorités sud-africaines qui, avec les autorités françaises, sont parmi les principaux médiateurs de cette nouvelle étape des négociations pour une sortie de crise ».
Bien. Il faut savoir prendre des risques et qui ne risque rien n’a rien. Mais où se situent justement les risques de ce voyage de tous les espoirs mais aussi de tous les dangers ? J’ai pris comme exemple celui du président rwandais Juvénal Habyarimana dont l’avion qui le transportait a été abattu. Ce qui a déclenché le génocide rwandais en 1994. Il faut remonter en 1972 pour comprendre les « enjeux » du massacre.
Le Général Habyarimana et Le Président Grégoire Kayibanda (à droite), en 1970
Ministre de la Défense durant la présidence de Grégoire Kayibanda, Juvénal Habyarimana a dirigé un coup d'État et a pris le pouvoir le 5 juillet 1973. Tous les deux sont Hutus. Ce coup d'État est intervenu dans un contexte déjà peu paisible : le président Kayibanda était de plus en plus contesté. Et le massacre des élites hutues au Burundi voisin, en 1972, avait instauré un climat de terreur au Rwanda. Le gouvernement de Kayibanda tenta de renforcer son assise au sein de la population. Mais au lieu d’apaiser le climat, il lança de violentes campagnes contre les Tutsis dans les établissements scolaires et dans l'administration. D’où le coup d'État militaire de juillet 1973 censé « stopper un processus qui aurait pu évoluer vers des massacres généralisés et une guerre civile interne aux Hutus ». Mais le pire était à venir… Son coup réussi, Juvénal Habyarimana laissa mourir en prison Grégoire Kayibanda et plusieurs membres de son gouvernement renversé.
Les Présidents Juvénal Habyariamana et Cyprien Ntaryamira, tués ensemble le 6 avril 1994. Au dernier moment, le président zaïrois, Mobutu Sese Seko, avait refusé de prendre cet avion...
Jusqu’au début des années 1990, il semblait y avoir un accord tacite entre les Hutus et les Tutsis pour vivre ensemble dans la paix. Le principe de cet accord était : la politique était la prérogative des Hutus. Tant que les Tutsis respectaient ce principe, on les laissait en paix, de manière générale. Ce qui ne fut pas le cas sous Kayibanda… Par ailleurs, le président Habyarimana était très populaire auprès des Ong, ce qui contribua à lui asseoir une stabilité relativement prospère. Mais cela ne dura pas. Au début de ces années 1990, le Front patriotique rwandais (FPR) -la rébellion armée tutsie intégrant des démocrates hutus qui s’opposaient au président Habyarimanana-, mène des actions militaires contre le gouvernement rwandais, appuyé par le Zaïre et la Belgique, ancien pays colonisateur. Mais aussi par la France (Opération Noroït). Les actions du FPR sont freinées.
Suite au discours de la Baule du président François Mitterrand (1990), le président Habyarimana libéralise et démocratise son régime. Ainsi, en 1991, une nouvelle constitution garantissant le multipartisme et les libertés publiques, est adoptée. À partir de 1992, le gouvernement est dirigé par un membre de l'opposition. Mais le mal et l’antagonisme Hutu/Tutsi était plus profond que les apparences vraiment trompeuses : dans la soirée du 6 avril 1994, l’avion, un Falcon 50, transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana, le président burundais Cyprien Ntaryamira et plusieurs hauts dirigeants et responsables des deux pays voisins, est abattu par des missiles sol-air.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Attentat_du_6_avril_1994_%28Rwanda%29
Le Président Nicolas Sarkozy et l'actuel Président rwandais, Paul Kagamé, Tutsi et ancien chef du FPR
Le monde entier connaît la suite… A qui profite le crime actuellement ?
Les Présidents Nicolas Sarkozy et Lech Kaczinsky
« banal accident » peut aussi survenir. Comme celui qui vient récemment de décimer le gouvernement polonais avec son président Lech Kaczynski et son épouse. C’était le 10 avril 2010 à Smolenk en Russie.
Les jumeaux Lech et Jaroslaw Kaczinsky
Officiellement, il s’agissait d’un crash d’avion comme un autre. Mais il faut savoir ceci : Lech Kaczynski avait un jumeau, Jaroslaw. Ensemble, ils avaient mené une révolution « morale » qui consistait à rendre publics les noms des personnes ayant collaboré avec le pouvoir communiste. Dans ce contexte, il existait le projet de loi de « Lustration » (2007) qui visait à purger l’administration publique des anciens collaborateurs des services secrets communistes. Ce qui amena un tollé général aussi bien en Pologne qu’à l’étranger et en… Russie. En politique, tout est possible en matière d’assassinat.
L’ambassadeur de France Jean Marc Chataigner et le Président Andry Rajoelina
Quels seraient les enjeux d’un attentat contre le président Andry Rajoelina (étiqueté pro-français), sous la protection des autorités sud-africaines -Jacob Zuma l’a officiellement invité- et françaises ? Car, encore une fois, tout est possible en matière d’assassinat politique. Or, s’il n’y va pas, Marc Ravalomanana (anglophone et pro-américain notoire) ne tardera pas d’aller de sa chansonnette comme quoi le président de la HAT reste le facteur de blocage de sortie de crise. Par ailleurs, récemment une rumeur s’était répandue à propos d’un attentat contre le président démissionnaire. Rien n’est jamais innocent aussi, en matière de politique…
Le Président Jacob Zuma (à gauche, au-dessus du Président Brésilien), seul Africain avec ces grands qui font tourner le monde
Au risque de passer pour un oiseau de mauvais augure, la seule garantie possible à mes yeux est que les ambassadeurs français et sud-africains accrédités à Madagascar fassent le voyage aller-retour Antananarivo-Johannesburg DANS LE MEME AVION QUE LE PRESIDENT DE LA HAT. Cet avion devra alors être escorté. La protection et la sécurité seront ainsi assurées au maximum. Si cela ne se fait pas, il y aura anguille sous roche et Andry Rajoelina devra agir en conséquence. Et, auparavant, assurer le peuple malgache qu’il n’a vraiment rien à craindre, en nous révélant les conditions de ce voyage de tous les espoirs mais aussi de tous les dangers, je ne cesserais de le répéter. Enfin, gouverner c’est prévoir. Même l’imprévisible. A Madagascar comme ailleurs. Andry Rajoelina a la majorité des citoyens malgaches derrière lui mais Marc Ravalomanana possède toujours un immense trésor de… guerre (civile). Et la réalité risquera de dépasser toute fiction.
Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – 21 avril 2010