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Madagascar : la logique de la dictature

Marc Ravalomanana, lors de son ultime meeting Ă  Mahamasina, avant sa fuite pour l'Afrique australe

Si l’Histoire, effectivement, est un éternel recommencement, l’avenir ne risque pas d’être radieux pour le nouveau président élu par le peuple malgache. Ayant accumulé bévues sur bévues, il suffit, désormais d’un rien pour qu’il chute comme ses prédécesseurs. Mais de manière encore plus rapide. Se sentira-t-il obligé de commettre les mêmes erreurs ? Comment se présentera la future contestation populaire ? Nul ne le sait mais tout est, désormais, possible. Même l’impossible, pour l'équipe de ce régime Rajaonarimampianina qui ne tient pas compte de l’Histoire politique du passé très récent… Trop imbus de leur petite personne et gavant le peuple d'effets d'annonce dangereux pour eux-mêmes.

Par ailleurs, depuis le lundi 14 juillet 2014, il n'y a plus de revue des journaux locaux du matin Ă  la Tvm. C'est grave, docteur pour le droit Ă  l'information des 22 millions de Malgaches...

En attendant je-ne-sais-plus-quoi, les écrits restant, voici, pour les amnésiques, la narration de l'embryon d’où se développera la révolution orange dirigé par le maire de la ville d’Antananarivo de l’époque, Andry Rajoelina. C’était en 2009.

-Jeannot Ramambazafy, 16 juillet 2014-

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Décidément, le processus dictatorial est immuable chez les présidents « tropicaux ». Au lieu d’un discours d’apaisement, à l’approche du Sommet de l’Union africaine, Marc Ravalomanana entre dans une logique digne de l’Amiral Ratsiraka…

Mais avant d’en arriver à son ordre au Premier ministre de recourir à la force, « au nom de la Constitution », faisons un flash back de cette journée du dimanche 25 janvier 2009 à Antananarivo. Pas de photos (c’était un peu trop dangereux). Mais les écrits restent.

Tôt le matin, les chefs d’Etat-major des forces mixtes d’intervention ou Emmonat se sont réunies au camp Ratsimandrava, en l’absence de Mme la Ministre de la Défenses nationale (Ndlr : Cécile Manorohanta). De leur table ronde est sorti un mandat d’arrêt contre le maire Andry Rajoelina. Un représentant du ministère de la Justice était là aussi, pour donner un cachet officiel à la décision mais, étrangement, le motif est resté flou. Mais il n’est pas à douter qu’Andry Tgv est accusé d’appel à la désobéissance civile et à la grève générale, aggravé d’une tentative de coup d’Etat. Du coup, des camions bourrés d’éléments cagoulés et armés jusqu’aux paupières ont sillonné la ville, histoire de terroriser l’atmosphère. Cibles : le quartier d’Ambohimitsimbona, dans la Haute-ville, où se trouve l’émetteur de transmission de la radio Viva ; le domicile du Maire à Ambatobe où se trouvent l’épouse du Maire et leurs enfants ; l’immeuble Injet d’Ambodivona où se trouve le studio de radio Viva et où Andry Tgv a pris ses quartiers. Jusqu’au moment où cet article est rédigé en tout cas. Là, l’histoire de 2002 se répète. En effet, aucun des bâtiments ciblés ne pouvaient être approchés à cause des « Andrim-pokonolona » venus par centaines. Il s’agit de gens des quartiers comme on les a vu en 2002 qui protégeaient le quartier de Faravohitra où le candidat aux présidentielles, Marc Ravalomanana, habite encore. Le système a fait ses preuves et même une infiltration d’éléments en tenue civile est quasi impossible à moins de tirer dans le tas.

Ne pouvant rien contre ces boucliers humains, forts de leurs droits inscrits dans la Constitution, les éléments des forces de l’ordre n’ont fait que tourner en rond. En attendant d’autres ordres. Entre-temps, Andry Tgv, avec le soutien des habitants de la Capitale, lance un appel à l’armée pour se ranger au côté du peuple. Plus tard, dans la matinée, un Général en exercice s’est manifesté en faveur de ce dernier. Par ailleurs, certains ministres ont suivi le pas. Actuellement donc, les forces armées sont divisées entre les légalistes et les légitimistes Comme en 2002. Parallèlement, ce dimanche est la date du retour de Marc Ravalomanana d’Afrique du Sud. Et là, toutes les manigances ont été découvertes, minute après minute via la radio Viva. D’abord, les premiers responsables des ministères ont carrément réquisitionné les fonctionnaires et leur famille à venir accueillir le chef bien-aimé. Le succès de l’opération n’a pas été garanti à 100%. Certains ont même coupé leur téléphone. Ensuite, le pouvoir a fait sonner les cloches des églises. Peu d’écho non plus à travers un son qui ressemblait au glas… Enfin, ce sont les chefs de quartiers (« Sefo fokontany ») qui sont montés au créneau en mobilisant des cars et des gens à 2.000 ariary par tête de pipe. Là non plus les gens ne se sont pas bousculés au portillon. Ce fut alors la surenchère à 5.000 ariary. Mais, au moment de monter dans les cars, certains sont redescendus car ils n’avaient reçu que 2.000 ariary. Une autre astuce, qui a été éventé, consistait à faire croire à ces pauvres parmi les pauvres de la ville que le car allait les emmener chez Andry Tgv à la radio Viva. Cela n’a pas pris non plus car découvert.

En fin de compte, il y eu des gens, évidemment, car ce n’est pas tous les jours -surtout un dimanche- que de l’argent tombe ainsi dans leurs mains. Enfin, Marc Ravalomanana débarque. Personne ne sait si on l’a informé ou non de la situation qui prévaut. Toujours est-il que ces premières phrases sont pour adresser des félicitations aux gens « sages » (« hendry ») des anciennes provinces. Puis d’emblée et sans transition, il a sommé au Premier ministre de recourir à la force s’il le faut pour faire cesser cette mascarade qui va à l’encontre des dispositions constitutionnelles. C’est le monde à l’envers. Pour le commun des Malgaches, le message est clair : débarrassez-moi de ces gens car ils m’empêchent de respirer. Ou encore, faites tout pour protéger mon fauteuil sinon vous êtes virés ! Pauvre Général Charles Rabemananjara, un homme pourtant très cultivé (en passant il a été le dernier à avoir acheté mon ouvrage « Chronostory 2002 », le jour même de sa nomination en tant que Premier ministre). Mais bien avant l’arrivée de M. Ravalomanana, deux autres mandats d’arrêts ont été émis à l’encontre de Nirhy Lanto Andriamahazo, adjoint au Maire pour la  Sécurité et les Affaires administratives et financières, et notre confrère Gilbert Raharizatovo. Si le premier avait déjà fait l’objet d’une perquisition à son domicile de Vontovorona, le 22 janvier dernier, le second, lui, a demandé aux bailleurs de fonds de ne pas être complices du régime actuel qui piétine la Constitution.

En réponse à la fuite en avant de Marc Ravalomanana, Andry Tgv, dans un appel téléphonique retransmis sur radio Viva, a réitéré sa volonté de poursuivre la lutte et a donné rendez-vous à tous sur la Place du 13-Mai, à partir de 10h, le lundi 26 janvier 2009. Voilà le point de la situation à 18h30. Rien ne pourrait changer sauf s’il y a une charge de blindés comme contre les adeptes du Kung-Fu en 1985. Du côté du régime Tim, des jeunes se sont rassemblés dans une association dénommée « Fanoto » (pilon) pour la défense des acquis du développement de Marc Ravalomanana. Cela ressemble vaguement aux TTS (« Tanora tonga saina ») qui, en leur temps, défendaient « très librement » et en toute impunité la révolution socialiste de Didier Ratsiraka. C’est sûr : à Madagascar, dans le contexte socio-politique, on n’a pas de pétrole mais on n’a pas d’idées nouvelles non plus. En attendant de savoir de quoi demain sera fait, jetons un regard sur les aboutissants de cette troisième grande lutte populaire que Madagascar aura vécu.

En aucun cas, Andry Rajoelina ne parle de coup d’Etat. Il se réfère à la légitimité du peuple souverain, détenteur du vrai pouvoir selon même le préambule de la Constitution malgache. Les actuels dirigeants ayant foulé aux pieds cette Constitution, le peuple malgache, dont Andry Tgv se veut le porte-parole, entend reprendre ce pouvoir à des dirigeants qui ont failli gravement à leur mission. A commencer par vendre la Terre-des-Ancêtres (« Tanindrazana ») aux étrangers. Car un bail emphytéotique de 50 ou 99 ans, c’est l’éternité pour nos contemporains qui passeront de vie à trépas au terme de ce bail. Le plus malheureux est que cette histoire d’avoir cédé cette terre ancestrale, a été faite sans avoir mis au courant le peuple. Il aura fallu le « Financial Time » pour découvrir le pot-aux-roses. Par la suite, aucun de ces dirigeants n’a osé déclaré fermement : non, nous n’avons pas vendu le « Tanindrazana ». Mais c’est dans l’intention même qu’ils sont coupables. Et, à cause de ces bafouillages en bafouillages, certains ont fait découvrir aux Malgaches stupéfiés que des Japonais avaient acquis des terrains du côté de Moramanga. Et, en finalité, ce sont des milliers d’hectares qui ont été cédés sans en aviser le peuple. L’actuelle lutte consiste donc à enlever tous les pouvoirs de ces dirigeants jugés traîtres à la Nation et à la Culture malgache même et à entrer dans une période de transition dirigée par Andry Tgv.

Lors de cette période de transition, la Constitution sera révisée de fond en comble. Comme exemple : un président malgache ne pourra se présenter que deux fois. Comme aux U.S.A. Le contexte général sera placé sous la culture du « Teny nierana » ou actions avec l’avis du peuple (mot à mot cela signifie phrases prêtées). Comme au temps d’avant la colonisation. Madagascar possède bien deux codes : celui des 105 articles et celui des 305 articles. Il faudra alors les mettre au goût de ce troisième millénaire. En effet, près des 75% de la Constitution malgache mainte fois toilettée à l’avantage des présidents passés et présent, émanent de la Constitution française. Cela fait, ce sera l’entrée vers la IVè république avec des élections présidentielles démocratiques, c’est-à-dire au suffrage universel. Car actuellement, le changement de l’article 15 de cette Constitution bâtarde, effectué par voie parlementaire plutôt que par référendum, ouvre la voie à des mandats présidentiels à n’en plus finir. En Afrique, c’est une maladie incurable: chaque président qui dépasse le second mandat veut rester cloué à son fauteuil pour la vie. Tournez votre regard vers le Zimbabwe où un dictateur de 81 ans tient sous sa coupe des millions de gens affamés, « cholérés », pestiférés… bref ayant tous les bruits et toutes les odeurs de la pauvreté sur terre. Malheureusement, l’Afrique du Sud le soutient, malgré le tollé général des puissances de ce monde. Dans mon ouvrage « Chronostory 2002 », en page 225, achevé en 2003, j’avais écrit : « L’avenir nous dira qui de Didier Ratsiraka et de Marc Ravalomanana sera le plus dictateur ? ». Etant donné que ce dernier a accumulé toutes les erreurs du premier, en faisant pire, il est certain qu’il va faire tirer sur la foule. (Ndlr : Et c’est effectivement arrivé le 7 février 2009 devant le palais d’état d’Ambohitsorohitra). Voilà une tragédie dont Madagascar pourrait faire l’économie. Mais l’histoire étant un éternel recommencement, là, le monde entier aura effectivement les yeux braqués sur la Grande île.

Ici, il faut faire une remarque qui a son importance. La plupart des Malgaches des révolutions précédentes (1972 et 1991 surtout) actuellement devenus des parents et même grands-parents, sont las de ce genre de situation. 2002 et même 1990-1991 ne sont pas loin. Or, si vous regardez attentivement des photos de la foule immense du samedi 24 janvier 2009, les jeunes dominent. Ce sont eux les futurs piliers de la Nation malgache. Dans mon quartier, par exemple, des enfants qui avaient 12-13 ans en 2002 sont majeurs à présent. Mais, malgré les promesses « ravalomananiennes », les « croyez seulement » et les « il faut travailler dur, travailler bien » (qui s’apparentent aux « mamokara, mamokara » ou produisez, produisez de Didier Ratsiraka), leurs parents sont devenus encore plus pauvres qu’au temps de leur enfance. En Andry Tgv, ils s’identifient et comme ils n’ont pas une perception exacte des luttes passées, cette lutte est la leur. Ils entendent faire l’Histoire pour ne pas faire comme leurs parents qui ont passé leur vie entière à la subir. Qu’on se le dise ! En tout cas, quoi qu’il arrive, ni Andry Tgv ni Marc Ravalomanana ne voudront plus reculer. L’actuel président aurait pu faire des concessions, au nom de la fierté nationale liée à la tenue du Sommet de l’Union africaine en juillet. Mais non, il poursuit la logique dictatoriale. D’ici qu’il réalisera que le mouvement fait déjà tâche d’huile dans les régions, il sera trop tard. Pour lui. Moralité dans cette tranche d’histoire de la Nation malgache ? Il n’y en a pas mais le monde est en marche pour un avenir meilleur sachant que cela aura un prix.

Jeannot Ramambazafy – Journaliste – article rédigé et publié en janvier 2009

Mis Ă  jour ( Mercredi, 16 Juillet 2014 19:48 )  
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