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Madagascar. Préparons plutôt l’après-Rajaonarimampianina

Hery Rajaonarimampianina et Michaëlle Jean, complices le temps d'une photo. Nous verrons plus tard, qui aura dupé qui. Mais quoi qu'il en soit, la colonisation sous une forme plus tordue est bel et bien de retour

Après avoir entendu sa litanie à propos de la tenue du sommet de la Francophonie qui «consacre le retour de Madagascar sur la scène internationale», ma conviction se fortifie: la communauté internationale peut se frotter les mains pour avoir comme interlocuteur à la tête de la Grande île, non plus un pantin, mais un triste personnage qui se targue d’être une exception, par rapport à ses prédécesseurs élus mais qui a fait, qui fait et qui fera encore pire. Alors que les infrastructures officielles et initiales ne seront jamais terminées dans les délais impartis, il a osé affirmer: « nous sommes prêts! C'est un défi, mais ce défi nous le relevons. Pour mon pays, Madagascar a été pendant longtemps, surtout pendant les dernières années de crise, mis au ban de la communauté internationale ». Je ne sais pas qui est le « nous » dans son affirmation, mais en tout cas, ce sommet aura lieu en vase clos, comme tout ce que ce régime a fait depuis plus de deux ans, dans le seul but d’un enrichissement personnel éhonté au nom de « l’Etat malagasy » et, à présent, de « l’Espace économique francophone ».

A quoi servira l'EDBM désormais?

Dans le cadre de la Francophonie, une autre « astuce » a vu le jour, qui s’apparente à une autre forme de colonisation, plus subtile, au seul profit des intérêts économiques de la France et des intérêts personnels du régime Hvm/Rajaonarimampianina. Bonjour l’ADMP dont la démarche s’est faite très loin du peuple malgache et de ses représentants, écartant par une phraséologie trop belle pour être vraie et honnête, l’existence même de l’EDBM (Economic Development Board of Madagascar). Tout simplement parce c’est… en anglais et créé sous Marc Ravalomanana?

Ainsi, on peut lire sur le site de la présidence de la république que « le Conseil d’Administration inaugural de l’Agence Malagasy de Développement économique et de Promotion des entreprises (AMDP) s’est tenu ce 13 septembre [2016] à Paris, en présence du Président de la République, Hery Rajaonarimampianina. Devant l’ensemble des parties prenantes mobilisées autour du projet AMDP, il a salué l’importance de l’engagement du Conseil d’Administration et des partenaires de l’agence ».

Hugues Ratsiferana tirant des plans sur la comète Anosiala (5.000 ha qui seront transformés en espace économique francophone ou zone franche étatisée gardée par l'Emmoreg)

Mais bien avant, tout s’est fait, en deux temps trois mouvements, vraiment. Le 26 août 2016, Hugues Ratsiferana, déjà président du Comité National d’Orientation (CNO) du Sommet de la Francophonie, membre du parti Hvm et conseiller du président de la république, annonce que «la Francophonie a offert un nouvel espace au développement de Madagascar à travers la mise en place de l’Agence Malagasy pour le Développement et la Promotion des Entreprises (AMDP)». Du coup, un premier « choix » est porté sur la commune rurale d’Anosiala, dans le district d’Ambohidratrimo. Splendide! En effet, il s’agit d’une commune «possédant plus de 5.000 hectares de terrains arables et qui peuvent être mises en valeur». Mais par qui ?


Le 12 septembre 2016, au Sofitel de Montparnasse, à Paris, le même Hugues Ratsiferana -devant une dizaine de personnes-, présente l’AMDP comme étant une agence « offrant aux entreprises/investisseurs étrangers un accès privilégié à Madagascar ». A ses côtés, pour faire plus sérieux, sans doute, un des fils du président Rajaonarimampianina; Elia Ravelomanantsoa, Sylvia Pagès, membres du CNO et Eric Robson Andriamihaja, directeur de… l'EDBM, mis, dès lors, devant le fait accompli. Secteurs théoriques prioritaires de l’AMDP: l’agro-industrie, les services et l’énergie verte. Domaines tiroirs très ciblés et très lucratifs, il est vrai.

Siège de l'OIF à Paris. Salim Ismaël, Pdg du groupe Socota, s'adressant à Steve Gentili, Hugues Ratsiferana, Michaëlle Jean et Hery Rajaonarimampianina (assis de gauche à droite)

Le 14 septembre 2016, le Président Hery Rajaonarimampianina, au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), lance officiellement l’AMDP, en présence de Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie. L’affaire est dans le sac. Jean Eric Rakotoarisoa fera tout pour que la mise en place de cette agence soit conforme à la constitution, sans passer par les députés ni les sénateurs. Ce, au nom de la Francophonie. Surtout que Michaëlle Jean a précisé: « la création de cette agence permettra à Madagascar de rayonner dans tout l’espace francophone, fort de nombreuses possibilités à saisir, et de s’ouvrir ainsi plus largement au monde économique ». Pas mal, hein?

Pour sa part, M. Rajaonarimampianina a sorti des trucs que seul un expert-comptable pourrait comprendre: « [L’AMDP] c’est un instrument qui permet de passer de l’initiation à l’exécution des opérations économiques en prenant en charge également les aspects stratégiques, financiers et commerciaux. C’est un outil de gestion de la transition de l’embryon de projet à une activité bancable, rentable et à fort impact sur la situation socio-économique. C’est un catalyseur et un moteur de transactions économiques créatrices de valeur et d’emplois permettant de réduire le phénomène de pauvreté ».


L’agence est présidée par Steve Gentili, par ailleurs Président du Forum francophone des affaires (FFA), et le Directeur général n’est autre que le bon et fidèle Hugues Ratsiferana. Madagascar est-il un pays qui manque profondément de « olo-manga »… ? Et sans que personne ne sache ni pourquoi ni comment, il a été précisé que «la mission et la feuille de route (???) de l’AMDP constituent un signal fort, générateur de confiance pour les investisseurs, les partenaires économiques et les entreprises qui seront mobilisés». Voilà donc la méthode de gouvernance du régime Rajaonarimampianina qui, pourtant, lors de sa prestation sur TV5Monde, le 14 septembre 2016, avait parlé de démocratie ainsi : «nous devons mettre en place des institutions solides pour assurer la solidité de notre démocratie». Donc, par synergie, l’EDBM, l’Assemblée nationale et le Sénat actuels ne sont pas des institutions solides.


Pour le moment, je dis bravo à cette équipe de branquignoles car, en face d’eux, il y aussi le même genre de beaux parleurs et de couards. La seule différence, mais énorme: Rajaonarimampianina et son équipe ont légalement les armes et les mallettes bourrées d’ariary. Mais l’Histoire même de l’humanité a maintes fois démontré que rien ne peut arrêter un peuple en colère, brimé dans ses droits les plus fondamentaux, en se servant de son nom. Notons que je n’ai jamais été contre un partenariat avec des pays « amis ». Mais il faut que tout se fasse dans la transparence quant aux tenants et aboutissants. Ici, comme dans toutes les décisions prises par ce régime, le peuple n’est jamais informé, sinon par des fausses vérités les paupérisant encore plus, alors que les dirigeants nagent littéralement dans l’opulence, au vu et au su de tous.


Même mission pour ces deux constitutionnalistes: veiller à ce que leur président bien-aimé reste le plus longtemps possible au pouvoir. Tant pis pour l'esprit de la loi fondamentale. La loi, c'est eux.

Ainsi, comme je l’ai écrit en titre, il est grand temps de préparer l’après-Rajaonarimampianina. Si on se conforme à la constitution, il devra démissionner en décembre 2018, s’il veut se présenter. Mais tout peut arriver avant cette échéance. Quoi qu’il en soit, il ne sera pas éternellement au pouvoir. Mais dès maintenant, il faudra trouver une parade pour que tous ses successeurs respectent sans interprétation possible la constitution sur laquelle ils prêteront serment. Ce n’est pas la loi fondamentale qu’il faudra encore changer. Non. Il n’y a pas de mauvaise ou de bonne loi. Il suffit de la respecter et de l’appliquer. Mais tant qu’il y aura des hommes au-dessus de cette loi, avec la complicité d’un joker (bouffon du roi) du genre de Jean Eric Rakotoarisoa, Madagascar n’avancera jamais vers un développement au service de son peuple. Ce pays a besoin d’une refondation à sa base. Il faudra commencer les élections à partir des chefs de quartier et l’élection du président de la république sera la dernière de la chaine. Maire, députés, sénateurs, chefs de région, chefs de district, tous devront être des élus et non pas des nommés.

Refrain de "La Marseillaise", hymne national de la France

Tant que ces élections à partir de la la base ne seront pas une réalité, tout ne sera que palabres stériles au profit des étrangers. Et les Malgaches deviendront des travailleurs immigrés dans leur propre pays. Cela se ressent déjà avec certains Chinois sûrs de leurs actions de pillage des ressources minières de la Grande île, grâce à un cadre pseudo-légal de la même veine que cette AMDP. Aussi: « Aux armes citoyens! » (La Marseillaise). Car en ce moment même, Madagascar est tout ce que voulez mais pas un état de droit du tout, et encore moins un état démocratique. Ce qui est arrivé à la députée de Mahajanga Rahantanirina Lalao dite Nina, est un exemple… frappant (ICI) ! Et ce n’est pas un cas isolé, loin de l’espace économique francophone.

Enfin, puisqu’il est aussi question de gros sous, et pour votre information personnelle, sachez que : concernant les dettes contractées par ce régime Hvm/Rajaonarimampianina auprès de la Banque mondiale, pour un «prêt » de 265 millions USD, c’est le peuple malgache qui, à partir du 15 mars 2014, devra les rembourser avec les intérêts jusqu’au 1er novembre 2053. Oui, aucune faute de frappe. Or, jusqu’ici, seuls 40 millions USD ont fait l’objet d’un déblocage. Que voulez-vous, la survie de ce régime repose sur l’ignorance entretenue de la majorité des Malgaches.

Le ministre Narson Rafidimanana, un Coco toujours "tsy misy problème"

Mais pour en revenir au Sommet de la Francophonie, le ministre Narson Rafidimanana alias Coco m’a… épaté (son ministère auprès de la Présidence en charge des Projets présidentiels, de l'Aménagement et de l'Equipement, a pour nom MEPATE). Lors d’un point de presse à son retour d’on-ne-sait-où, le 13 septembre 2016, il a assuré que « les travaux d’infrastructures étaient prêts à 70% ». A quels travaux fait-il allusion? A ceux des copines et des coquines du genre A&C à Ivato? Avec ce Coco-là c’est toujours: « tsy misy problème »…


Eric Rajaonary, très sceptique...

Il a vite été douché par Eric Rajaonary, président du FIVMPAMA (Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy ou groupement des opérateurs économiques de Madagascar: « Concernant les préparatifs de ce sommet, les termes de références ne sont mêmes pas connus. Pas plus que le nombre exact des hôtels alors que les réservations doivent être effectuées bien à l’avance. En tout cas, Si le sommet de la Francophonie a lieu à Madagascar, je constate que les Malgaches ne sont pas véritablement prêts à le recevoir ». Alors le « nous » présidentiel, c’est qui? Combien de dégâts irrémédiables encore pour le peuple malgache d’ici à 2018? Alors que toutes les lois promulguées seront, une fois de plus, balayées comme les histoires de provinces autonomes et de gouvernorat sous Ratsiraka. Time is money, effectively.

Jeannot Ramambazafy – 15 septembre 2016

Mis à jour ( Jeudi, 15 Septembre 2016 16:27 )  
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