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Rivo Rakotovao ou le dramatique début en politique d’un éternel nommé

Plus que quelques semaines et celui qui n’a jamais été un foudre de guerre, partout où il a été nommé, deviendra pour longtemps un simple technocrate à la retraite. Technocrate, il l’était de juin 1986, à la SINPA -Société d’Intérêt National des Produits Agricoles-, à octobre 2009, au Cabinet du ministre des Finances et du Budget (devinez qui…). Mais son passage à ces postes-clés a-t-il réellement développé son pays Madagascar ? Voire… Je parle, ici, de Rivo Rakotovao, l’unique ministre d’État sous le régime du parti Hvm -dont il est aussi Président- inconnu lors des toutes premières élections des débuts de cette IVème république de Madagascar.

Passé le premiers trimestre de l’an 2021, qu’il le veuille ou non, Rivo Rakotovao devra rendre tous les attributs, honneurs, meubles et immeubles, véhicules, primes et salaires, qui ont fait de lui le Président du Sénat de Madagascar depuis le 12 novembre 2017. Son passage en tant que chef d’État par intérim, du 7 septembre 2018 au 18 janvier 2019, ne laissera pas non plus beaucoup de souvenirs impérissables aux générations à venir. Mais mon sujet n’est pas là. Mon sujet est de rappeler que, très souvent, l’occasion fait le larron. Voici donc le dramatique début d’un éternel nommé qui tombera bientôt dans le puits profond de l’oubli total de la mémoire collective.

Si, en février 2014, Hery Rajaonarimampianina ne l’avait pas nommé ministre d’État chargé des Infrastructures, de l'Equipement et de l’Aménagement du Territoire, Rivo Rakotovao ne serait pas monté sur ses grands chevaux pour aller emprisonner des journalistes pour une simple question d’orgueil mal placé, dès juillet 2014. Il faut que cette affreuse mentalité du « hambom-po diso toerana » cesse, une bonne fois pour toutes, dans le microcosme politique de Madagascar sinon, même si c’est Jésus qui se trouve à la barre, le pays ne se développera jamais. Mais «l’action» de Rivo Rakotovao constitue un exemple-type de ce débile comportement hautain aux antipodes de toute notion d’humilité.

Le 18 juillet 2014, Jean-Luc Rahaga, Directeur de publication, et Didier Ramanoelina, Rédacteur en chef, du quotidien « Madagascar Matin », reçoivent une convocation de la Section de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale sise Fiadanana, pour « affaire les concernant ». Ils s’y rendent le 21 juillet 2014, à 7h30 et sont placés sous mandat de dépôt, à la prison d’Antanirmora, le soir même. Leur « crime » ? « Diffamation et publication de nouvelles sans preuve », suite à une plainte déposée par le ministre d’État, Rivo Rakotovao. Pour Jean-Luc, je voudrais bien, vu que, selon le code de la communication, il est pénalement responsable en tant que Directeur de publication, mais pourquoi avoir embarqué aussi Didier, rédacteur, même «en chef» ?

Pour bien comprendre l’orgueil mal placé d’un ministre d’Etat qui a abusé de son pouvoir, il faut rappeler ce qu’il en était exactement. En fait, le quotidien « Madagascar Tribune » n’a été qu’un simple support médiatique d’une lettre de lecteur. Donc qui n’est ni journaliste, ni ne fait partie du personnel de « Madagascar  Matin ». Voici la teneur intégrale cette lettre intitulée « Les Messieurs du Bois De Rose » (tombée dans le domaine public car circulant actuellement sur Internet), parue dans « Madagascar Matin » du samedi 12 juillet 2014 :

« Les loups sont bel et bien dans la place, le bois de rose aura été leur cheval de Troie. Hery Rajaonarimampianina se f…t-il de la gueule du monde ? En tout cas, le président de la nouvelle république semble prendre les Malgaches pour des lémuriens comme son fidèle conseiller Leloup Patrick les a traités auparavant de Babakoto. La « réunion » HVM n’a pas drainé du monde samedi malgré le grand tamtam orchestré sur un « meeting » de militants HVM au gymnase couvert de Mahamasina. On comprend les Tananariviens. Dans certaines circonstances on ne peut décemment pas s’aligner avec des ripoux ou des mafiosi. Etre présent au gymnase, pourrait être perçu comme une caution à un cartel mafieux et des patrons du trafic de bois de rose. Avant de quitter la primature, Jean Omer Beriziky aura au moins laissé une bombe, certes à retardement, mais une bombe quand même : La LISTE, la fameuse liste de noms, qui fait tout l’intérêt du dossier officiel sur le trafic de bois de rose. Il en a laissé un exemplaire au président élu qui, après son tonitruant discours d’investiture contre les corrompus et les trafiquants des richesses nationales au stade de Mahamasina, semble s’être dépêché d’enterrer une mine par trop anti-personnel pour ses hommes de confiance. Il y a de quoi.

« Deux ministres, un sur la tribune et un autre au premier rang, puis un… «Karana» figurent dans la liste Beriziky mais ils ne s’en montrent pas gênés pour autant. Il est vrai que jusqu’ici, ils dorment la conscience tranquille. En attendant que le nouveau régime prenne ses responsabilités, que le nouveau Président honore ses promesses du 25 Janvier et lance une enquête judiciaire sur la base du dossier Beriziky, beaucoup du beau monde continuera à caracoler dans l’actualité, politique, surtout. A titre d’exemple : Narson Rafidimanana, Coco pour les intimes, et ministre du commerce, que Mr Nazaraly n’hésite pas à qualifier de « mon poulain dans ce gouvernement », et d’un, et de deux, Anthelme Ramparany, qui est devenu entre-temps un ami intime de Sieur Coco et de Nazarali, ministre de l’Environnement, de l’écologie et des forêts, qui a eu cette idée géniale de brûler les stocks de bois de rose pour qu’ils disparaissent à jamais, au profit de qui svp ?… Cerise sur le gâteau, le sieur Nazaraly, comme un « karana » de service, arbore la cravate bleue et la chemise blanche de ses amitiés politiques particulières. C’est bien la première fois qu’un « Karana » s’affiche en militant politique. Là aussi, il y a de quoi. Sa présence dans la LISTE ne fait que confirmer ce que tous les salons économiques savent. Nazaraly est souvent cité dans les affaires de bois de rose ou de blanchiment d’argent. Près de six mois, la moitié d’une année, rien n’évolue sur cette question…arboricole contre laquelle le gouvernement Beriziky s’est cassé les dents. On commence à comprendre pourquoi et comment. Le grand J.O.B. travaillait avec une équipe mangée des mites ou plutôt des termites d’une espèce spéciale qui s’alimentent sur l’imputrescible bois de rose. Intouchables et comme tous les intouchables, assurés de l’impunité, ils ne font plus montre de la moindre prudence et pavoisent au grand jour, affichant leurs relations.

« Il y a des circonstances lors desquelles, la présomption d’innocence est une mauvaise blague qui insulte les citoyens. Ils sont dans la liste Beriziky et les voilà qui batifolent au milieu des hiérarques de la HVM, le futur parti présidentiel. On comprend alors que l’on n’ait jamais rendu public le dossier fourni par Jean Omer Beriziky. Et pourtant, rien qu’une simple convocation pour enquête pourrait suffire (pour un temps) à prouver que le discours d’investiture de Hery Rajaonarimampianina n’était pas du vent. Cela aurait permis aux « présumés » trafiquants de se défendre contre les «rumeurs» et prouver dans le prétoire ou sur la place publique qu’ils sont blancs comme neige, n’ont rien à voir avec cette «sale affaire» et de proclamer qu’ils sont victimes de diffamation. L’ouverture du dossier aurait permis au président Rajaonarimampianina d’échapper aux graves suspicions de complicité. Pour l’instant, son régime se f…de la gueule du monde. Pire, de la gueule de ses électeurs à qui pendant la campagne électorale, l’on a promis monts et merveilles de la transparence, de la pureté des mœurs politiques, et de la lutte contre la corruption, de la bonne gouvernance enfin. Et que dire ce comité interministériel dont tous les membres civils sont des membres actifs du HVM. Il ne reste plus qu’à y intégrer RaBekonetaka (Rivo Rakotovao), un autre porte valise d’Eric Nazaraly sur les affaires douanières du temps où il était conseiller de Hery Rajaonarimampianina et la boucle est bouclée. La sagesse des nations est valable dans les circonstances. « Dis-moi qui tu hantes et je te dirai ce que tu es ! » ».

« Mirado RASOLOFOMANANA, Sociologue

 

Rivo Rakotovao n’est cité qu’une seule et unique fois dans cette lettre et n’y est traité que de « Monsieur le grand pleurnichard » (« RaBekonetaka »). Où sont les « Diffamation et publication de nouvelles sans preuve » étant donné que pleurnichard n’a été, n’est et ne sera jamais une insulte ? Par ailleurs, la plainte aurait dû être adressée à ce Mirado Rasolofomanana, auteur. Non ? Quoi qu’il en soit, l’emprisonnement de Jean-Luc et Didier ont fait bouger tous les journalistes malagasy. Et l’affaire a pris une dimension internationale à l’époque. Malheureusement, nos deux confrères auront passé 5 jours en prison, après un passage au tribunal à Anosy qui les a relâchés pour cause d’arrêt des poursuites. Quoi ?

Le 24 juillet 2014, voici la teneur d’un communiqué émanant de la Présidence de la République :

« Sur ordre express du Président Hery Rajaonarimampianina, Monsieur le ministre d’État chargé des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire Rakotovao Rivo, a retiré sa plainte contre les deux journalistes placés en détention préventive ». Bien que désavoué par son ami « Filoham-pirenena » qui l’avait nommé comme seul et unique ministre d’État durant tout son mandat présidentiel, Rivo Rakotovao, pour se donner une contenance, lors d’un point de presse, déclara par la suite : « J’ai retiré ma plainte pour l’apaisement ». A la fois pyromane et pompier alors… Et la vie étant décidément un grand théâtre, le Président Hery, après ce retrait de la plainte (sur son ordre), « s’est félicité de cette décision ». Ajoutant que « les gestes honorables de ce genre méritent d'être soulignés ». Quoi qu’il en soit, pour Ketakandria Rafitoson, politologue coincée et directrice exécutive de Transparency international à Madagascar, qui voit (et broie) du noir partout : « Rivo Rakotovao est un des grands détracteurs de la liberté de manifester et de la liberté d'expression à Madagascar ». C’est sur Rfi les gars !

Mais, malgré ce petit « nuage », l’ami Hery vaovao ne laissa pas tomber tout à fait son copain rotarien. Ainsi, dans le premier gouvernement du Premier ministre Olivier Mahafaly Solonandrasana, en avril 2016, Rivo Rakotovao a été nommé ministre auprès de la Présidence, chargé de l'Agriculture et de l'Élevage. Toutefois, plus jamais de ministre d’État jusqu’à la fin du mandat présidentiel. En mars 2017, Ahmad Ahmad est élu Président de la CAF (Confédération africaine de football) et démissionne de son poste de Sénateur. La légalité n’ayant pas été le fort du régime Hvm, Rivo Rakotovao sera nommé à sa place par le décret présidentiel n°2017-954 signé le 12 octobre 2017 mais rendu public que 5 jours plus tard, soit le 17 octobre 2017. Plus fort encore, le même Rivo Rakotovao est « élu » Président du Sénat sans adversaire, le 31 octobre 2017. Sans adversaire comme lors de « l’élection » de Jean Max Rakotomamonjy, le 3 mai 2014. Candidat unique était la marque de fabrique « démocratique » du Hery Vaovao…

Espérant, enfin, terminer son parcours jonché de nominations en beauté, voilà que c’est la Constitution elle-même qui lui offre une opportunité, due, il faut tout de même le préciser, à la démission de son copain-Filoha Hery du Rotary Club Ainga d’Antananarivo, qui allait se présenter à nouveau, candidat à la présidentielle en 2018 (Hery Rajaonarimampianina fut mis en totale déroute avec 8% au premier tour, le 7 novembre). L’article 52 de la Constitution de la IVème république de Madagascar stipule que : Par suite de démission, d'abandon du pouvoir sous quelque forme que ce soit, de décès, d'empêchement définitif ou de déchéance prononcée, la vacance de la Présidence de la République est constatée par la Haute Cour constitutionnelle. Dès la constatation de la vacance de la présidence, les fonctions du chef de l'État sont exercées par le Président du Sénat.

Ainsi, Hery Rajaonarimampianina ayant démissionné le 7 septembre 2018, notre Rivo Rakotovao, est devenu Chef d’Etat par intérim du 7 septembre 2018 au 18 janvier 2019, soit 4 mois et 11 jours. Si ses pouvoir étaient limités, cet intérim lui a tout de même permis d’aller se pavaner au siège des Nations Unies, à New York, pour assister à la 73ème Assemblée générale de l’ONU. Et le 24 septembre 2018, le couple Rakotovao a assisté au diner offert par l’actuel président sortant des Etats-Unis, Donald Trump, avec d’autres invités. Quel beau souvenir pour la… famille. Non ?

A présent, au lieu de préparer une sortie en beauté, Rivo Rakotovao garde les réflexes des éternels arrivistes qui croient dur comme fer qu’ils sont à leur poste grâce à une quelconque onction populaire, et qu’ils seront là où ils sont ad vitam aeternam. Demandes d’avis et d’interprétation par-ci, plaintes par-là… De la HCC au Conseil d’Etat, la rengaine est restée la même, dans ses efforts de repousser la date des élections sénatoriales et de proroger son mandat qui arrive à terme : « Azo raisina fa tsy mitombona » ou requêtes acceptées mais non fondées ou sans fondement. La recette Hvm, sans mallettes, a cessé de fonctionner. Le 20 octobre 2020, lors de l’ouverture de la dernière session ordinaire du Sénat -qu’il préside aussi pour la dernière fois-, c’est dans une salle archi-vide (çà se dit ?) que Rivo Rakotovao a déclaré à qui veut l’entendre : « Nous avons choisi de garder le silence à propos de la répression que subit le Sénat actuellement. Laissons l’histoire en juger ». Bon, il l’a dit lui-même et qui vivra verra l’après Rivo kely alors. Pour l’heure, son dramatique début en politique est, désormais, immortalisé noir sur blanc.

Jeannot Ramambazafy - Également publié dans "La Gazette de la Grande île" du samedi 24 octobre 2020


Mis à jour ( Lundi, 26 Octobre 2020 12:13 )  
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