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Manandafy ou le grand départ d’un rouge expert méconnu

Manandafy Rakotonirina (30 octobre 1938 - 15 mars 2019)

Manandafy Rakotonirina, né le 30 octobre 1938 et décédé le 15 mars 2019, était un homme politique important à Madagascar depuis les années 1970. Il avait été nommé Premier ministre par le Président Marc Ravalomanana, en avril 2009.


Né à Fandriana, région Amoron’i Mania, province de Fianarantsoa, Manandafy Rakotonirina a fait ses études primaires et secondaires à Ambositra et Antsirabe. Il a fréquenté l’université d’Antananarivo pour devenir assistant à l’École Nationale Supérieure d’Agronomie puis professeur de sociologie. Socialiste convaincu, il a rejoint le parti Monima (Madagasikara Otroin’ny Malagasy) de Monja Jaona. C’est là qu’il a appelé à l'implication du prolétariat d’Antananarivo.

Lors de cette période il a alors contribué à la critique radicalisée du régime du Président Tsirananana, par de nombreux articles et a fait partie du groupe fournissant à Monja Jaoana des projets de soulèvement. Il sera arrêté en avril 1971 comme membre du parti Monima. Après l'échec du Congrès National du KIM et une tentative de négociation avec Monja Jaona, il fonde, le 27 Décembre 1972, le parti MFM (Mpitolona ho an’ny Fanjakan’ny Madinika – Mouvement luttant pour le pouvoir au prolétariat) avec ses compagnons de route. Le numéro 2 du MFM sera Rakotonirainy Germain alias Lynx, qui le restera jusqu'à son décès, le 20 janvier 2004.


Quelle est la raison d’être du parti MFM ?

Le MFM veut être une organisation de masse s'appuyant sur la classe ouvrière et la paysannerie et ayant pour vocation de : « transformer les organisations de masse en forces révolutionnaires ».

Concrètement, il fonde, dans un premier temps, son clientélisme sur les couches les plus jeunes issues du processus insurrectionnel de 1972. Sur le plan doctrinal, les fondements politiques pro-communistes du M.F.M. sont clairement exprimés par les lignes ci-après:

-Suppression totale des fondements des classes engendrées par l’État bourgeois et les États féodaux.

-Lutte pour l'élaboration d'un État, d'une économie, d'une société dirigés par la masse prolétarienne révolutionnaire.

-Abolition de toutes formes d'esclavage et d'exploitation, des intimidations des forces bourgeoises, ainsi que des vestiges des pouvoirs féodaux.

Les travailleurs décideront souverainement de la distribution et de l'utilisation du produit de leur travail. Les moyens de production appartiennent au peuple... ». (Source : Journal « Tselatra »)

Manandafy Rakotonirina était en faveur d'un soulèvement populaire et en avril 1971, il fut arrêté. Il avait aidé l’organisation des manifestations contre le président Philibert Tsiranana, après la tuerie du 13 mai 1972. Il sera de nouveau arrêté en mai 1973 pour avoir organisé une commémoration du 13 MAI 1972. Bien que ne prônant aucune opposition au régime de Didier Ratsiraka, le MFM sera  dissout en septembre 1976 et Manandafy assigné en résidence surveillée jusqu'en janvier 1977.

 



C'est cette année 1977 que le parti MFM réformé devient le parti «Mpitolona ho amin'ny Fandrosoan'i Madagasikara» et adhère au FNDR (Front national pour la défense de la révolution) seul espace légal pour faire de la politique. Ainsi, Manandafy Rakotonirina devient membre du Conseil Suprême de la Révolution (CSR) dans lequel il dirigera la commission économique. En mars 1989, il se présentera à la présidentielle contre Ratsiraka, en mars 1989. Son score frôlera les 20% des suffrages exprimés.


De fin 1991 à 1993, avec le Pasteur Richard Andriamanjato, Manandafy Rakotonirina est co-président du Comité de transition pour le relèvement économique et social. En novembre 1992, il est candidat à l’élection présidentielle. Il terminera à la troisième place, avec un score de 10,20%,  derrière Zafy Albert élu, et Didier Ratsiraka battu.


Lors des élections législatives de 1993, Manandafy Rakotonirina est élu Député de Madagascar élu Manandriana. Il exercera cette fonction jusqu'en 1998. Il a été candidat au poste de Premier ministre lors du vote à l'Assemblée nationale le 9 août 1993. Mais il est arrivé en troisième position avec 32 voix, derrière Roger Ralison (46 voix) et Me Francisque Ravony élu Premier ministre avec 55 voix. Messieurs Ravony et Ralison faisaient partie des Forces Vives-Rasalama pro-Zafy.


Par la suite, le parti MFM de Manandafy Rakotonirina, ayant évolué vers le libéralisme, a été rebaptisé Mitolona ho an’ny Fandrosoan’i Madagasikara (Lutte pour le développement de Madagascar. Mais le parti qu’il continuait à diriger s’essoufflait au fil du temps. En 2001, il a persuadé le Président Marc Ravalomanana à revendiquer la majorité au premier tour de l'élection présidentielle, face à Didier Ratsiraka, et à refuser de participer à un second tour de vote. Sa stratégie alternative consistant à descendre dans la rue s’est finalement révélée payante. Marc Ravalomanana s’est autoproclamé le 22 février 2002, malgré les accords de Dakar. Il ne deviendra Président officiel qu’en mai 2002. En tout cas, Manandafy Rakotonirina est devenu conseiller spécial du président.


Mais lors de l’élection présidentielle de décembre 2006, Manadafy Rakotonirina s'est opposée à Marc Ravalomanana. Hélas, il n’a récolté que 00,33% des suffrages exprimés. Il avait invoqué les difficultés à distribuer ses bulletins de vote dans les bureaux de vote éloignés des grands centres. Par ailleurs, après avoir été empêché de se rendre aux urnes le jour du scrutin, il a refusé de voter et a demandé à ce que les élections soient de reportées.

 


Le 17 mars 2009, Le président Ravalomanana démissionne de ses fonctions et quitte Madagascar, sous la pression des manifestations populaires dirigées par Andry Rajoelina. Le 16 avril 2009, c’est en exil en Afrique du Sud qu’il annonce par un coup de téléphone qu'il nomme Manandafy Rakotonirina au poste de Premier ministre. Celui-ci a alors commencé à travailler à l'hôtel Carlton, à Antananarivo, et il a nommé des ministres pour occuper les principaux portefeuilles du gouvernement le 28 avril 2009 ; il s’était assigné la responsabilité de la défense nationale.

 

Mais le 29 avril 2009, des soldats, munis d'un mandat d'arrêt et dirigé par le Commandant Charles, ont pris d'assaut le Carlton et l'ont arrêté sans prendre des gants… Il est alors assigné en résidence surveillée puis traduit en justice avec l’accusation d'incitation au désordre et usurpation de fonction publique. Mais il a été relaxé afin de participer aux discussions entre les politiques malagasy qui se sont tenues à travers toute l’Afrique, la première discussion ayant eu lieu à Maputo au Mozambique du médiateur Joachim Chissano. Toutefois, Manandafy Rakotonirina, pour les motifs cités plus hauts, a été condamné, le 22 septembre 2009, à une peine de prison de deux ans avec sursis.

 



Durant presque une décennie, plus personne ni aucune actualité politique n’a entendu ni fait parler de Manandafy Rakotonirina. Mais il avait été officiellement nommé conseiller de l’ancien président démissionnaire, Hery Rajaonarimampianina. Sa dernière photo en public remonte au 5 janvier 2018, au palais d’État de Ivaoloha. Il était dans une chaise roulante, amputé de la jambe droite.


Pour ceux qui ne le savent pas, l’appellation de « Rouge Expert » est celle d’un groupe formé d’intellectuels et d’experts issus du parti MFM connu aussi sous le nom de « Mafana » (chaud dans le sens politicien très critique).



 

Retrouvez, ICI, une interview de Manandafy Rakotonirina effectuée le 7 mai 1989. Au revoir Manandafy ! Du haut d’où tu es à présent, tu auras tout à loisir de nous faire comprendra, à nous simples mortels que rien ne sert de courir…

 

La dépouille mortelle de Manandafy Rakotonirina sera présentée au Palais des Sports de Mahamasina, à compter du samedi 16 mars 2019. Elle sera ensevelie dans le tombeau familial à Manandriana, le mercredi 20 mars 2019. Les présentations de condoléances débuteront à 18 heures. Déjà, toute l'équipe de madagate.org présente les siennes à toute la famille de ce « Mafana Rouge Expert » dont le souvenir ne s'effacera jamais de la mémoire collective politique à Madagascar.


Jeannot Ramambazafy

Antananarivo, le 16 mars 2019

 

 

Mis à jour ( Vendredi, 22 Mars 2019 05:42 )  
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