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Madagascar. La forêt de Vohibola mourra sans une action gouvernementale immédiate

Forêt de Vohibola : situation géographique

Située entre Fort-Dauphin et Mananara Avaratra, Vohibola (littéralement : village d’argent), la dernière forêt littorale de la côte Est de Madagascar, fait l'objet de pillages chroniques et récurrents qui ont pris une ampleur telle, qu'elle vit bien ses dernières heures de survie si personne n’y remédie. Or, elle est d'une importance capitale, environnementale, touristique, politique et symbolique. Faits sur des méfaits accomplis avec la complicité d’autorités locales du régime Hvm.

Planches façonnées sur place

Charbon de bois transporté sur l’eau dans des sacs de jute

Après plus d'un an de menaces judiciaires et physiques de la part de trafiquants à la solde du maire de la commune rurale d'Ambinaninony (Sahavalena), les propriétaires de l'hôtel « Pangalanes Jungle Nofy », ont quitté les lieux pour un mois de vacances afin de décompresser. A leur retour, le samedi 2 février 2019, ils ont constaté avec désolation que cette forêt protégée avait été envahie par des trafiquants de bois précieux, des charbonniers et des braconniers venus piller ce sanctuaire de la nature, en toute impunité. Il est indéniable que cela n’aurait pu se faire sans la complicité d’autorités locales.

Marais. Un habitant unique pour espèces en danger de disparition

Il faut alors savoir que Cécilien Ranaivo, le maire Hvm de la commune rurale d'Ambinaninony, a joué un rôle assez trouble et troublant dans cette région Atsinanana. En effet, il avait installé un poste de ristourne/contrôle/racket sur le canal des Pangalanes, à Topiana plus précisément. Ce système avait rapporté de très grosses rentrées d’argent à la commune. Mais lorsque le gendarme qu'il avait lui-même mis à ce poste ne lui rétrocéda plus d'argent, il a commencé à se plaindre à tous les vents, en réclamant la mutation de ce membre de la maréchaussée « ingrat ». Dans la foulée, Christian Ratsimbazafy, Directeur régional du ministère de l’Environnement, décida de fermer le poste de Topiana. Paradoxalement, cela a ouvert, de manière béante, la porte aux trafics en tous genres.

Nabe, montrant une partie des 512 bois carrés tirés illégalement de la forêt de Vohibola

Lors de son périple dénommé Madatrek, de 2014 à 2018, la renommée famille Poussin (Alexandre, Sonia, Philaé et Ulysse), avait engagé un programme de protection et de classement concernant cette forêt de Vohibola. C’était en 2016 et il s’agissait d’aménager une aire protégée sur le lac Ampitabe situé à 60 km au sud de Toamasina, sur le canal des Pangalanes. La gestion a été déléguée en association ad hoc aux « Razan’ny Vohibola » dans laquelle figurent les Tangalamena des quatre fokontany riverains : Tampina, Topiana, Ambodirotra et Andranokoditra. Le Président de l’association est Nabe, également président du Fokontany d’Andranokoditra, un petit village de pêcheurs situé sur un petit bout de terre entre le Canal des Pangalanes et l'océan Indien. En fait, il s’agissait de la reprise du travail de l’Ong « L’Homme et l’Environnement » qui avait fini par jeter l’éponge face à la complexité des enjeux, même si elle a tout de même réussi à créer un éco-musée à Andranokoditra, afin de sensibiliser les populations locales sur les problèmes environnementaux en général.

Ce programme de protection avait été placé sous le patronage de l’ancien président Hery Rajaonarimampianina qui, pourtant, et à plusieurs reprises lors de ses campagnes électorales, avait promis de laisser les « fokonolona » (habitants riverains) « se servir » dans la forêt. Promesse impossible à tenir étant donné que la dite forêt est officiellement classée aire protégée à présent. Certes, durant son mandat présidentiel, Hery Rajaonarimampianina a bien voulu être associer son nom aux démarches de protection, mais il l’a accepté uniquement pour inaugurer les projets déjà mis en place pour les membres de l’association ad hoc et ses partenaires financiers directs comme, pour exemples, la réfection de l'EPP de Tampina, financée par Madatrek et la société Star, et l’alambic à niaouli (melaleuca quinquinervia) à Andranokoditra mis en place par de l’Ong « L’Homme et l’Environnement ».

Six de huit varis varigata morts empoisonnés

A leur retour donc, Angélique et Stéphane Decampe, propriétaires de l'hôtel « Pangalanes Jungle Nofy » ont constaté un décor de cauchemar sur les lieux : des centaines de bois ronds, des dizaines de bois carrés, des centaines de sacs de charbon, et une centaine de lémuriens nocturnes, avahi laniger, abattus à coups de pierres. Et pour terroriser le couple, six de leurs huit varis varigata, une espèce de lémurien en voie d’extinction, ont été empoisonnés et déposés à l’entrée de leur hôtel.

Stumpffia vohibolensis

Actuellement, de la forêt de Vohibola, il ne reste sans doute plus que 1000 ha intacts. Elle héberge le plus petit caméléon du monde, le brookesia minima, et la plus petite grenouille du monde, la stumpffia vohibolensis, deux espèces découvertes en 2012 par une mission de la MBG (Missouri Botanical Garden). La forêt de Vohibola est bien la dernière forêt littorale de toute la côte Est de Madagascar. Située entre Fort-Dauphin et Mananara Avaratra, elle est d'une importance symbolique capitale, au cœur d'une zone touristique vitale pour le pays : le nord du canal des Pangalanes. Cette forêt est prévue pour être classée patrimoine mondial de l’Unesco.

Cependant, cela servira à quoi lorsqu’elle disparaîtra aussi vite qu’on en parle, à l’instar de la forêt de Tampolo, à la sortie de Fénérive-Est. Il s’agit donc d’une course contre la montre, face à des prédateurs humains protégés par des personnes en haut lieu… En termes très simples voici le message à transmettre au nouveau régime dirigé par le Président Andry Rajoelina : On ne peut pas laisser disparaitre cette dernière forêt, qui plus est la plus proche de la Capitale Antananarivo. Il n'y en a pas d'autre ! L'impact médiatique, touristique et symbolique serait catastrophique pour le pays tout entier.

La forêt de Vohibola n'aura pas de seconde chance. Si nous perdons cette bataille, elle est perdue à tout jamais et ses espèces endémiques uniques au monde et si emblématiques avec elle. A l’heure actuelle, cette forêt est l'exemple type de l'impunité dont jouissent les maires des communes rurales pauvres, qui n'ont pas d'autres ressources que de piller les ressources et de racketter les pauvres, devenus charbonniers, forestiers, pêcheurs etc, en les envoyant « travailler » avec des autorisation illégales (illicites, tacites et/ou implicites).

Dans le cas de Vohibola ce ne sont pas les villageois riverains qui pillent leur forêt. Bien au contraire, ils veulent et souhaitent la protéger car c'est leur foret, elle est « fady » (taboue) et nourricière pour eux. Les vrais criminels, eux, viennent de l'extérieur. Ils sont armés et sèment la terreur car protégés par des représentants de l’État locaux qui n’ont qu’un seul but : s'enrichir dessus au détriment des populations riveraines et tant pis pour l’environnement, la faune et la flore. Avec ce nouveau régime, tous les espoirs semblent permis pour sauver la forêt de Vohibola. Mais il faut s’y atteler ici et maintenant !

SURVOL SUR LE CARACTÈRE UNIQUE DE LA FORET DE VOHIBOLA

Elle constitue l’habitat d’au moins trois espèces uniques au monde :

- la plus petite grenouille du monde : stumpffia Vohibolensis

- le plus petit caméléon du monde : Brookesia minima

- Un arbre à fleurs dont on ne connait que trois spécimen : humbertiodrendron

Elle est située au cœur d'un pôle touristique majeur à Ankanin’ny Nofy/Ampitabe sur le lac des Pangalanes, à 60 km au sud de Toamasina et à 15 km au nord de Manambato qu'on joint facilement à partir d’Antananarivo.

A proximité immédiate, « Le Palmarium » accueille 60 à 80 touristes par jour. Il y a également un hôtel de luxe : le « Bush House », et les propriétaires du « Pangalanes Jungle Nofy » protègent avec les habitants d'andranokoditra cette forêt depuis 40 ans. Cette forêt a toujours été considérée comme « fady » (taboue), ce qui explique pourquoi elle est la dernière survivante de toute la côte Est de Madagascar. Sa superficie originelle était de 2200 ha. En 2016, la famille Poussin n’en a trouvé que 1400 ha, et, en ce mois de mars 2019, il ne reste plus que 1000 ha intacts, mais pour combien de temps encore ? Enfin, et non des moindres, la forêt de Vohibola est l’habitat des derniers crocodiles sauvages et visibles de tout le réseau. Son marais central est un lieu de nidification.

PÉTITION IL FAUT SAUVER LA FORET DE VOHIBOLA A MADAGASCAR ICI

Rappelons que le « Velirano » (Défi) n°10 du candidat n°13, Andry Rajoelina, élu Président de la République, repose sur « la gestion durable de nos ressources naturelles », avec cinq axes bien précis : 1. Encouragement du tourisme durable ; 2. Valorisation de nos richesses minières ; 3. Protection de notre faune, notre flore, notre sol ; 4. Reboisement de nos terres ; 5. Lutte contre la destruction de notre environnement. A elle seule, la forêt de Vohibola fait l’objet de ces cinq axes précis. La balle est vraiment dans le camp du Président Andry Rajoelina qui ne doit pas tergiverser sur cette question de survie aussi bien environnementale qu’humaine.

Dossier de Jeannot Ramambazafy - Remerciements à la famille Poussin

Également publié dans « La Gazette de la Grande île » du 06 Mars 2019


Mis à jour ( Mercredi, 06 Mars 2019 08:39 )  
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