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Madagascar. Les Barea: phénomène socio-culturel bien au-delà de l'esprit sportif

VIDÉO ICI

Dans l'Airbus A380 à étage, le Président Andry Rajoelina est allé au-devant de tous les 470 supporters Malagasy venus des 22 régions de Madagascar

Depuis le retour de l'Indépendance de la Grande île, personne n'a jamais eu l'étoffe d'un héros dans le sens des définitions suivantes, hors mythologies grecque et romaine:

1. Homme, femme qui incarne dans un certain système de valeurs un idéal de force d'âme et d'élévation morale.

2.Homme, femme qui fait preuve, dans certaines circonstances, d'une grande abnégation.

3. Combattant(e) remarquable par sa bravoure et son sens du sacrifice.

La jeune génération malagasy dans le hall de l'aéroport n°3 du Caire

Avant mai 1972, nous étions bercés par Blek Le Roc, patriote américain contre les tuniques rouges (les English, of course); Miki Le Ranger, jeune capitaine des American Rangers; Astérix et Obélix luttant contre les envahisseurs romains; Tintin l'intrépide reporter et son caniche Milou; Akim et Zembla vivant dans la jungle et se guérissant avec des plantes... Tous ces personnages de fiction étaient nos modèles. Leurs exploits en livres et BD, et même en films, étaient accessibles à tous et à jour grâce à un circuit de bibliothèque sans cesse réactualisé. Mais vint la révolution idéologique marxiste léniniste de Didier Ratsiraka qui a tout détruit. Mais alors tout. Toutes les importations de livres “capitalistes” -sinon "impérialistes"-, et la projection de films des mêmes qualificatifs, furent interdites. Seul endroit, aujourd'hui, pour retrouver ces héros de notre jeunesse: les kiosque à bouquins sis à Ambohijatovo Antananarivo. Mais vendus à des prix pas grand public et avec du grand retard par rapport à leur date de parution...

Le ministre des Sports, Roberto Tinoka, ayant très bien accueilli les supporters malagasy qui ont goûté à un déjeuner très arabe...

Du coup, les idoles des Malagasy durant près d'un quart de siècle auront été Lénine, Kim Il Sung, Kadhafi... bref, des dirigeants connus pour être plus dictateurs que fédérateurs. Quant aux dirigeants de Madagascar passés, élus ou nommées, de 1972 à 2018, ils avaient tous l'étoffe trouée des zéros... Le domaine du sport à Madagascar a très longtemps été relégué dans les couloirs de l'aléatoire. Certes, il y eu la période Club M mémorable sous l'entraineur Peter Schnittger mais aucune équipe nationale de football n'a jamais réussi à franchir le cap des éliminatoires. Que ce soit pour la Coupe du monde ou pour la Coupe d'Afrique des Nations. Les dirigeant successifs s'intéressaient à autre chose, c'est-à-dire à leurs seuls intérêts (financiers) personnels.

Mialy Rajoelina née Razakandisa, Première Dame, portant le maillot des Barea de Madagascar

Pour vous donner une idée de l'avancée à reculons de l'équipe nationale de football de la Grande île de l'océan Indien, après le retour de l'indépendance, voici quelques résultats lumineux au niveau régional. 11 avril 1963. Madagascar 3 - Liberia 1; 18 juillet 1965. Madagascar 0 - RD Congo 7; 30 août 1990: Madagascar 6 - Seychelles 0... L'équipe nationale malagasy a changé trois fois de nom: Club M, Scorpions de Madagascar puis Barea de Madagascar.

Le 12 février 2008, voici ce que mon confrère Rata du quotidien “Madagascar Tribune” (j'y étais encore à l'époque), avait écrit:

«(...) Ces nations, dites avancées, ont tissé leur développement footballistique sur la forte implication de l’État dans le sport Roi en général et au niveau de la sélection nationale en particulier, la stabilité de l’encadrement technique, le niveau du championnat local facilitant l’éclosion des clubs et des joueurs ainsi que l’expérience et la valeur des joueurs expatriés qui évoluent sous les couleurs des équipes huppées en Europe».

Immobilisme collectif

«Des stratégies ignorées ou complètement délaissées à Madagascar étant donné que dans notre pays, les entités, obligées sous d’autres cieux à s’entraider, se plaisent à se regarder en «chiens de faïence». De cet immobilisme collectif, il n’est pas étonnant que le football malgache, en des décennies de pratique, n’arrive point dans le cercle très fermé des 16 meilleures nations du continent. «Club M», «Scorpions», «Barea», seule l’appellation change, la performance reste la même. De la 1ère édition de la Coupe d’Afrique des Nations en 1957 à la 26e, soit en 40 ans d’existence, Madagascar figure sur la liste, d’une poignée de main, des éternels absents. Même le Rwanda, après le triste génocide, avait déjà participé à ce rendez-vous majeur des sélections africaines. Il en est de même pour l’Angola, le Soudan, la Namibie, des pays ravagés par des conflits interne ou externe.

La honte colle sur la peau de la Grande île qui, contrairement à ces nations citées ci-dessus, et tant d’autres, n’a pas connu durant cette longue période, la moindre guerre civile.

Une certaine frange de la population propose l’organisation à Madagascar d’une phase finale de la CAN pour permettre aux «Barea» d’aujourd’hui ou aux «Piso» de demain d’y prendre part. Mais de ce côté, les dirigeants politiques préfèrent mille fois se fourvoyer à l’accueil d’un sommet de l’Union africaine que d’un sommet de la balle ronde africaine. Car dans le premier, il n’y a que de palabres, sans obligation de résultats!»

No comment...


A l'entrée du stade d'Alexandrie. A gauche, tous les cars ayant transporté les 470 supporters malagasy. Il y en a eu une dizaine

François Rabier, un énième entraineur étranger de l'équipe nationale malagasy (il y a eu des entraineurs nationaux comme Maurice Mosa, Auguste Raux ou encore Franck Rajaonarisamba), dont la mission a pris fin en 2011, se souvient: «Quand j’ai été nommé sélectionneur en 2010, j’ai compris que le manque de moyens et de volonté constituerait un frein à la progression de l’équipe. Organiser des stages et des matchs amicaux était compliqué. La fédération, alors présidée par M. Ahmad, ne bougeait pas beaucoup». En 2016, un certain Nicolas Dupuis prend les choses en main et se veut pragmatique: «J’ai fait un premier constat et j’en ai fait part à M. Ahmad, qui était toujours président de la fédération: sans matchs amicaux réguliers, sans stages, on ne peut pas avancer. Il a compris qu’il fallait mettre des moyens pour que les dates FIFA soient utilisées». Un autre ère pour le football malagasy au niveau international avait débuté par un match amical contre le Kosovo, le 24 mars 2016.

Dans le stade d'Alexandrie. La gente féminine malagasy sur trois générations

Je ne vais pas raconter la suite dans les détails. Mais le terme «ascension» est plus adéquat. Quels auront été les ingrédients qui ont fait d'un sport déjà roi au niveau planétaire, un phénomène socio-culturelle bien avant l'accession des Barea de Madagascar dans le 1/8è de finale de la Coupe d'Afrique des Nations 2019 ou CAN 2019? Tout simplement l'entrée dans l'arène du président Andry Rajoelina qui a fait du football national une affaire d’État. Les cons de service parleront de «politisation» du football malagasy. Laissons-les dans leurs bêtises éternelles en leur disant seulement: allez voir... ailleurs en Afrique. Au Sénégal par exemple, où l’État, pour le Mondial 2018, a octroyé à son équipe nationale de 10 millions d'euros. Mais à Madagascar, jusqu'à récemment, sous le régime HVM/Rajaonarimampianina, «les dirigeants politiques préfèraient mille fois se fourvoyer à l’accueil d’un sommet de l’Union africaine que d’un sommet de la balle ronde africaine. Car dans le premier, il n’y a que des palabres, sans obligation de résultats!».

Ainsi, Andry Tgv, devenu président de la république, est passé à la vitesse... Tgv. Une fois la participation aux 1/8ème de la finale acquise, il a mis en branle une dynamique de mobilisation de tout un peuple, même celles et ceux qui n'étaient vraiment pas fans de foot. À l'issue de la victoire des Barea contre le Nigeria par 2 buts à 0, tous les habitants des villes de Madagascar se sont précipités dans la rue, drapeau national en main pour saluer cette victoire qui est la leur. Du jamais-vu de mémoire de journaliste depuis 40 ans! Marina mafy e!

A l'Arena Garden du Hilton d'Alexandrie pour écouter les "Zaza Kanto"

Fort de cet engouement collectif, le Président Rajoelina, au nom de l’État malagasy, a alors affrété un Airbus A380, moyennant un tarif dérisoire par rapport aux vrais coûts du déplacement Madagascar-Egypte Aller-retour. La noirceur de l'état d'esprit des cons de service, leur sont retombée dessus: toutes les 470 places ont été payées et 200 patriotes en sus ont même du rester. Tous ces Malagasy -dont j'ai fait partie avec le confrère Francis Aurélien Rakotovololona alias F.A.R.- ont représenté les 22 régions de Madagascar. A la poubelle l'histoire de côtiers et hauts plateaux créée pour mieux diviser par le général Joseph Gallieni. Nous étions venus pour représenter les plus de 25 millions de Malagasy, à l'heure actuelle; nous étions venus pour former ensemble le 12è joueur depuis les gradins du stade d'Alexandrie; nous y avons été en nombre supérieur aux supporteurs de la RD Congo, le dimanche 7 juillet 2019 à graver d'une pierre blanche. Après les facéties des dieux du stade qui ont prolongé le match nul (2-2, moment où l'ancien député Jaona Élite a succombé d'un arrêt cardiaque) jusqu'aux tirs au but (4-2), soit un suspens incroyable qui a duré 150 minutes, les héros de Madagascar ont gagné le ticket pour le 1/4 de final qui aura lieu demain, jeudi 11 juillet 2019 au Caire, contre la Tunisie.

Une égyptienne dans les rues d'Alexandrie... No comment

Pendant que nous reprenions le trajet Alexandrie-Le Caire, l'ambiance dans tout Madagascar a été incroyable («incredible»!) sinon indescriptible ici. Nous avons été au courant malgré l'absence totale de connexion à Internet durant toute cette belle aventure en commun qu'aura été la désormais légendaire «Bataille d'Alexandrie des Barea malagasy contre les Léopards congolais». Sachez seulement qu'à ce moment, tous là-bas dans la Grande île, comme nous sur la route du Caire, nous étions et sommes fiers d'être Malagasy. Et notre cri à l'unisson a été: Alefa Barea! Merci Président! D'ailleurs, même le peuple égyptien -dont l'équipe nationale a été éliminée de cette CAN 2019- ont fait leur cet «Alefa Barea» magique.


Quoi qu'il arrive demain au Caire, les Barea de Madagascar et le Président de la république, Andry Rajoelina, et sa famille, sont entrés dans la légende. Mais nous tous, ce dimanche 7 juillet 2019, nous avons eu l'étoffe des héros conforme aux trois définitions en début d'article.

En effet, grâce aux Barea de Madagascar, nous avons prouvé que nous pouvons incarner un idéal de force d'âme et d'élévation morale; nous avons pu démontrer que nous pouvons faire preuve d'une grande abnégation; enfin, si les Barea de Madagascar ont démontré au monde entier qu'ils sont des combattants remarquables par leur bravoure, nous Malagasy, nous avons prouvé un sens certain du sacrifice. Merci, merci, merci, chers enfants de la Patrie.

Jeannot Ramambazafy, envoyé spécial en Égypte

Article également publié dans "La Gazette de la Grande île" du mercredi 10 Juillet 2019

Mis à jour ( Samedi, 13 Juillet 2019 06:10 )  
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