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Madagascar 1972, 1991, 2009: les mots de la fin de trois présidents élus

Tsiranana en 1972: «Tsak tsak zato arivo»; Ratsiraka en 1991: «Tsy hiala aho!»; Zafy en 1996: exception car il s'est résigné et n'a proféré aucune bêtise; Ravalomanana en 2009: «Tsapaho aloha ny herinareo...».

Alors comme çà, après 4 ans jour pour jour, la démission de Marc Ravalomanana, le l7 mars 2009, est toujours considérée comme un coup d'état par quelques rédacteurs ignares? Il importe alors de recadrer les vérités historiques car, ce ne sont pas des imbéciles finis qui ne seront plus là -comme moi- en 2109 qui vont fausser encore longtemps l'Histoire politique de Madagascar. Que voulez-vous, ces rédacteurs n'ont vécu que cette période de transition et ils pérennisent sciemment ou inconsciemment le culte de la personnalité et de l'argent mal acquis. Mais ils ont la même capacité de nuisance envers leur propre pays. Ne parlons pas des «vazaha» et des «vazaha taratasy» qui croient connaître l'identité culturelle malgache, avec des «analyses» de... «vazaha». De la pure théorie d'héritiers de Gallieni.

En 1972, j'avais 18 ans. Les étudiants en médecine avaient commencé à faire la grève parce que le statut des étudiants étrangers -surtout français- était tout simplement injuste, pour ne pas dire plus (bourses, équivalences, postes à pourvoir...). A cela s'est ajouté la grève de la faim des partisans de Monja Jaona, début avril 1971 dans le Sud, qui avait été considérée comme une «jacquerie» par les conseillers français du président Tsiranana. Celui-ci venait d'être élu en janvier, par 98% et plus des voix exprimées. Passons... Voici le résumé de la chute de quatre présidents jetés hors du pouvoir par un peuple souverain.

1972

Fin avril 1972 donc, les étudiants de l'Ecole de médecine de Befelatànana ont commencé à manifester. Le pouvoir PSD (Parti social démocrate) faisant la sourde oreille, le mouvement s'est alors étendu vers les collèges et lycées de la Capitale. La nuit du 12 mai, des éléments des FRS (Forces républicaines de sécurité calquées sur les CRS français), ont fait fi de la franchise universitaire et ont embarqué tous ceux qui se trouvaient réunis au campus d'Ankatso pour les emmener à Arivonimamo puis au bagne de Nosy-Lava.

Le lendemain 13 mai 1972, nous sommes descendus avenue de l'indépendance, devant l'Hôtel de ville pour réclamer la libération de nos parents et de nos amis étudiants: «Avoay ny namanay!». Réponse vers midi: les FRS ont tiré sur nous. Bilan, des dizaines de morts et des blessés, l'hôtel de ville incendié. Mais au final, le président Tsiranana a fini par se retirer définitivement du pouvoir. Car nos parents de l'époque (tous travailleurs dont tous les fonctionnaires) avaient rejoint notre mouvement. Pourquoi tuer nos enfants? Heureusement que les gendarmes, postés à proximité de l'actuel hôtel Le Glacier, ne sont pas intervenus, sinon ç'aurait été la guerre civile.

Ainsi, par un entêtement à ne pas vouloir dialoguer et à trouver des solutions à un problème à caractère social, le chef d'état à donné l'ordre de tirer sur la foule. Avec des mots malheureux, entendus à l'unique radio de l'époque: «Ataoko tsak tsak zato arivo!». «Je vous éliminerai par centaines [à la mitraillette, tsak tsak étant la reproduction du staccato de cette arme meurtrière]. Mais il n'a pas pu terminer son mandat, ayant oublié jusqu'à l'adage: «Aleo alan'Andriana toa izay alam-bahoaka». faites vous traduire.

1991

Didier Ratsiraka est au pouvoir depuis 1975. La république démocratique (décidément ce mot n'a plus aucun sens) de Madagascar était, en pratique, un régime de capitalisme d'état où seuls les membres de l'AREMA (Parti de la révolution malgache) vivaient convenablement, sinon plus. Les autres, la majorité, survivaient ou mouraient sagement sans rien dire... A l'approche de l'écroulement du bloc de l'Est, concrétisé par la chute du mur de Berlin, en 1989, le multi-partisme et plus de libertés avaient été demandés à l'amiral rouge. Comme son prédécesseur, Didier Ratsiraka a fait la sourde oreille. Dès lors, avec la répression qui s'en est suivi, c'est son départ qui avait été réclamé. Mais au moment crucial, il avait osé déclarer: «Na hiodina in-7, na in-77, na in-777: tsy hiala aho!». «Vous aurez beau tourner 7 fois, 77 fois, 777 fois, je ne partirai pas!». C'était à son retour d'une sortie à l'extérieur. Cela faisait référence au mur de Jéricho, le thème choisi dans la Bible par les chefs de l'opposition regroupés au sein des Forces Vives («Hery Velona»). Pour la journée du 10 août 1991, il a été décidé une Grande marche de la liberté («Diaben'ny Fahafahana») partant de l'hôtel de ville, devenue Place du 13-Mai (en référence au 13 mai 1972), pour aller vers le palais d'état d'Iavoloha, sur la RN7.

Mais à peine arrivée au niveau des rizières, encore loin du palais, la foule a commencé par être la cible d'Antandroy (Malgache du Sud désertique), recrutés pour leur habilité à tirer à la fronde. Mais ils n'ont pu contenir la foule qui avançait toujours. C'est alors qu'apparu un hélicoptère qui déversa des grenades sur la foule. Sans compter les tirs des gardes présidentiels. Une vidéo existe où on entend clairement Didier Ratsiraka, dénommé alors Masoandro, ordonner de tirer et de poursuivre les gens en fuite. Bilan: des dizaines de morts, des centaine de blessés et de disparus jusqu'à nos jours. Mais au final, Ratsiraka a fini par accepter la Convention de l'hôtel Panorama. Il n'était plus président que de nom, faisant place à une Haute Autorité de la Transition, en attendant l'élection présidentielle anticipée où il a été battu par Zafy Albert.

Ainsi, encore une fois, parce que le chef d'état a fait la sourde oreille et qu'il a minimisé le mouvement des politiciens appuyé par la population -de très longs mois de grève ayant bloqué la machine administrative-, parce qu'il a du sang sur les mains, Didier Ratsiraka n'a pas terminé son mandat non plus et a fini exilé en région parisienne, en attendant les beaux jours du retour. Il a, lui aussi, complètement oublié l'adage: «Aleo alan'Andriana toa izay alam-bahoaka».

1996 la parenthèse Zafy Albert

Exception confirmant la règle, ce président élu n'a pas dit de bêtises après son empêchement définitif par les représentants du peuple malgache de l'Assemblée nationale de Tsimbazaza. Cet empêchement a été proclamé le 6 septembre 1996 par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC). Un point à retenir: il n'y a jamais eu de cérémonie de passation de pouvoir entre tous les présidents malgaches élus, 53 ans après le retour de l'Indépendance. Bizarre...

2009

Après une élection controversée, en décembre 2001, et dont je ne parlerai pas ici, Marc Ravalomanana est réélu en décembre 2006, pour 5 ans. Hélas, une fois réélu, il a complètement changé de langage et de comportement. Son pouvoir a plus servi l'entreprise Tiko, devenu un empire, que les intérêts de la population qui, pourtant, croyait toujours en lui («Mino fotsiny ihany», tiré de saint Marc). Mais sa façon de parler, devenu de plus en plus je m'en-foutiste, pour ne pas dire dédaigneuse -depuis qu'il avait reçu les titres de docteur honoris causa-, son accaparement de tout ce qui pouvait servir les intérêts et «l'épanouissement» de l'empire Tiko, a fini par exaspérer l'ensemble des Malgaches qui n'attendait qu'un leader pour se lever et faire face. Notons que sous le régime TIM (parti Tiako i Madagasikara), l'opposition avait été muselée comme du temps de Tsiranana, comme du temps de Ratsiraka, malgré un semblant de libéralisme trompeur et au détriment de la Nation malgache même. C'était le règne du capitalisme où seul l'argent faisait les hommes. Mais comme du temps du PSD et de l'AREMA, seuls les membres du TIM tiraient des avantages devenus faramineux. Les autres, la majorité vivait d'espoir qui fait vraiment vivre les imbéciles.

C'est alors qu'Andry Rajoelina, Maire de la ville d'Antananarivo, s'est levé, ayant été une des nombreuses victimes du régime Tiko-TIM. Et la population a suivi le mouvement, malgré des répressions pas racontables ici. L'achat d'un jet à 60 millions de dollars, aménagé pour 25 personnes, avec l'argent des contribuables a été la goutte qui a fait déborder le vase, ajouté à cette histoire de terrains vendus à Daewoo, découverte en premier par des medias étrangers. Mais encore une fois, sûr de lui, et comme ses deux prédécesseurs, Ravalomanana a sous-estimé et le mouvement et Andry Rajoelina, ce «DJ un peu trop jeune» [Ravalo devrait avoir honte alors, car un seul petit DJ a réussi à le faire déguerpir du pouvoir]. Et comme ses deux prédécesseurs, il a, lui aussi, eut des paroles malheureuses qui se sont retournées contre lui: «Tsapao aloha ny herinareo vao mitsapa ny aty». «Mesurez vos propres forces avant de vous mesurer à moi». C'était à Andohatapenaka où il a accaparé les terrains où se trouve l'actuel temple du rugby. Cela, avec l'argent de la Région Analamanga. Pourquoi faire? Une usine de provende pour cochons.

Le 7 février 2009, sur la Place du 13 mai, après que Monja Roindefo ait été désigné Premier ministre de la Haute Autorité de la Transition, il a demandé aux centaines de milliers de Malgaches réunis là, qu'il lui fallait un bureau à présent. Il avait parlé alors du Palais d'Etat d'Ambohitsorohitra. C'est d'une seule voix que l'ensemble de la population a crié: «Izao dia izao!» (Maintenant, tout de suite!). J'étais là avec d'autres journalistes nationaux et étrangers qui ont aussi entendu. Il y a également des vidéos sur cela. Et comme le 10 août 1991, la foule s'est ébranlé pour aller vers Antaninarenina. Et là aussi, comme en 1972 et en 1991, les gardes présidentiels ont tiré sur la foule sans défense. Sans sommation. J'étais là aussi et un collègue a été tué d'une balle en plein cou au moment où je me trouvais au niveau de l'actuel hôtel Louvre. Bilan: des dizaines de morts, des dizaines de blessé et de disparus jusqu'à ce jour. Ravalomanana, lui, s'était réfugié dans l'autre palais, celui d'Iavoloha, d'où il tentait vainement de redresser la situation en amadouant les forces armées avec de l'argent par milliards de fmg.

Mais lorsqu'on a du sang sur les mains, on n'a plus la conscience tranquille. Malgré ses efforts de minimiser le carnage, sa chute était proche. Mais, jusqu'au 17 mars, il a encore eu le culot de mentir à ses partisans, ayant fait un véritable bouclier humain à l'entrée principale du palais : «Tsy hiala eto mihitsy isika na misy maty aza!».

17 mars 2009 au matin

Après avoir reçu des ambassadeurs au Palais d'Iavoloha (France, U.S.A, Afrique du Sud surtout), Marc Ravalomanana intervient à la RNM et à la TVM. Il a dissous son gouvernement et à transmis ses pouvoirs à un directoire militaire qui n'existe nulle part dans la Constitution. Puis il s'évapore dans la nature, laissant en plan tous ses partisans qui, ivres de rage, ont pillé la fameuse «Vitrine de Madagascar». On retrouvera, par la suite, ce qu'il reste des chameaux offerts par un chef d'état africain. Ils sont au zoo de Tsimbazaza actuellement.

17 mars 2009 en début de soirée

A l'Episcopat d'Antanimena, Mgr Odon Arsène Razanakolona a réuni les ambassadeurs, les militaires supposés composer ce directoire militaire et le Président de la HAT. Mais les éléments du CASPSAT, qui s'étaient déjà levés contre la répression aveugle des éléments de l'EMMONAT alors dirigés par des «conseillers» étrangers, ont refusé qu'un directoire militaire dirige la transition. Le ton est monté d'un cran, les ambassadeurs ont été priés de quitter les lieux énergiquement, ainsi que le pasteur Lala Rasendrahasina de l'église Fjkm. Mais au final, les membres de ce directoire militaire, inventé de toutes pièces, a préféré transmettre les pouvoirs au leader de la révolution Orange, en l'occurence Andry Rajoelina.

Voilà les vérités que retiendra l'Histoire, dans 10, 50, 100 ans. Quelles différences entre 1972, 1991 et 2009 ? Aucune. Mêmes phrases malheureuses sinon idiotes qui se sont retournées contre leurs auteurs, même chute rapide. Donc, pour vous, médiaboliques, chaque fois c'était un coup d'état alors? Bon courage dans ce cas, mais on ne peut mentir tout le temps à tout le monde. Espérons que vous vivrez longtemps avec ce fardeau de mensonges et de désinformation sur la conscience. «Satria aleo henjehina omby masiaka toa izay henjehin'ny eritreritra». Personnellement, j'ai eu la chance (ou la malchance, c'est selon) de vivre sur deux siècles. Je n'ai aucun intérêt à mentir, ni aux autres ni à moi-même. J'ai vécu sous trois républiques, avec quatre présidents élus différents, sous cinq transitions différentes. Mais ces présidents élus n'ont jamais retenu les leçons de l'Histoire et tous -sans exception- ont quitté le pouvoir, chassés par le peuple. J'ai servi, je sers et je servirai toujours la Nation -composée de la majorité des Malgaches- et non un dirigeant ou une entité politique. Surtout pas pour de l'argent. C'est la seule raison et le secret de ma longévité: ne jamais m'inféoder à une personne -quelle qu'elle soit- qui détient un pouvoir qui ne sera jamais qu'emprunté. Si elle œuvre pour l'intérêt du grand nombre, je l'appuie; si elle dérive de ses engagements en ayant prêté serment, je sévis. Et vous ? Je suis journaliste et je mourrai journaliste et non ex ceci ou cela.

Très prochainement mon ouvrage sur les élections présidentielles et législatives à Madagascar, de 1956 à 2006. En version bilingue, ce qui prend un peu de temps. Merci pour votre patience.

Jeannot Ramambazafy – 17 mars 2013

Mis à jour ( Dimanche, 17 Mars 2013 18:17 )  
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