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Madagascar : ils n’iront plus au bois… par Rémi Carayol

À Madagascar, le président Andry Rajoelina de la Haute Autorité de la transition s’attaque enfin au très lucratif trafic de bois de rose.


Vingt et une personnes placées sous mandat de dépôt, parmi lesquelles des douaniers de premier ordre et des gendarmes ; un parlementaire incarcéré… À Madagascar, on ne badine plus avec le trafic de bois de rose. Après la saisie, le 8 juillet, dans un port du nord-est du pays, d’une nouvelle cargaison en partance pour la Chine, la justice s’est mise en marche à la demande expresse d’Andry Rajoelina. Dans un discours au ton martial, deux jours plus tard, le président de la Haute Autorité de la transition (HAT) a déclaré la guerre au commerce de ce bois rare et cher particulièrement apprécié des Chinois, mais interdit à la coupe : « Quelle que soit la personne qui exporte illicitement du bois de rose, elle doit être punie. »

Depuis, ses collaborateurs sont au four et au moulin. Rajoelina a exigé de son ministre de la Communication qu’il suive au jour le jour les investigations et a vivement suggéré au ministre de l’Environnement d’envoyer des hélicoptères dans les régions pillées : les parcs nationaux de Marojejy et Masoala, situés dans l’est de la Grande Île. Il a également demandé aux responsables des forces armées de surveiller leurs troupes, accusées de fermer les yeux, moyennant bakchich, lorsque les camions remplis de rondins passent sur leur chemin. Quant au ministre de la Justice, charge lui a été donnée de mettre sur pied une juridiction spéciale. « Elle jugera uniquement les affaires de bois de rose », explique le ministre de la Communication, Harry Laurent Rahajason. Les fautifs ne bénéficieront ni d’un sursis ni de circonstances atténuantes, a prévenu Rajoelina…

Des conséquences dramatiques

Les conséquences du pillage des forêts de l’Est malgache, inscrites par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial en péril, sont dramatiques, assurent les ONG. Elles mettent en danger la biodiversité d’un pays réputé en la matière (80 % des espèces de l’île sont endémiques). L’extraction des troncs ne menace pas seulement les arbres précieux : les bûcherons chassent des lémuriens pour se nourrir et peuplent des milieux autrefois intacts. Au plan économique, le trafic menace l’écotourisme malgache, qui rapportait au pays 270 millions d’euros par an. Depuis deux ans et demi, les touristes ont disparu des parcs de Marojejy et Masoala.

Les rentrées d’argent, qui profitaient aux villages voisins, se sont taries, et ceux qui en vivaient (guides et artisans) sont au chômage technique. Ils peuvent toujours se rabattre sur la coupe, mais dans un rapport publié en mars 2010 (« Bois de rose de Madagascar : entre démocratie et protection de la nature »), Hery Randriamalala et Zhou Liu dénoncent un « commerce inéquitable » : quand un coupeur touche 1 euro, la partie chinoise en gagne 357 fois plus.

Cette fermeté réjouit les organisations écologistes, mais la méfiance reste de mise. En juin 2010 déjà, le président avait promis des mesures drastiques pour juguler ce commerce illicite. Quelques semaines auparavant, son gouvernement avait interdit la moindre coupe. « Mais cela n’a rien changé. Les trafiquants sont juste devenus plus discrets », note un garde forestier du parc de Marojejy. Depuis plus de deux ans, cet homme dit vivre dans la crainte de représailles : « La mafia a pris le pouvoir ici. »

Raharinaivo Andrianantoandro lui-même est circonspect. En pleine session, le président du Congrès de la transition et ancien bras droit de Marc Ravalomanana a dénoncé l’attentisme des autorités : « Il y a d’abord eu du laxisme et de la négligence. Puis, on a pris des mesures disproportionnées. Pourquoi n’a-t-on pas appliqué la loi ? »

Fortunes colossales

« L’exploitation illégale du bois de rose a toujours été un problème », explique Nanie Ratsifandrihamanana, directrice de la conservation au sein de l’antenne malgache de l’Ong internationale WWF (Fonds mondial pour la nature). Mais jamais la course aux rondins n’avait atteint un degré tel que celui observé depuis deux ans et demi. En janvier 2009, les trafiquants se sont engouffrés dans le boulevard ouvert par Marc Ravalomanana. Alors aux abois, le président avait autorisé treize exportateurs à vendre des rondins « à titre exceptionnel ». Les mois suivants, crise politique aidant, des milliers de villageois ont investi la forêt – et des dizaines d’intermédiaires malgaches et chinois, les villes côtières. Des fortunes colossales se sont constituées en un rien de temps. « Les exploitants ont même mis en place des milices armées pour défendre leurs zones de pillages », rapporte WWF.

Longtemps, la HAT a semblé, au mieux, ne pas s’en préoccuper, au pire, en profiter. En octobre 2009, des ONG dénoncent un arrêté autorisant l’exportation exceptionnelle de ce bois contre le paiement d’une taxe de 72 millions d’ariary (25.000 euros). Elles accusent le régime, alors coupé des aides internationales, de se servir de cet argent pour combler le manque de ressources de l’État. Une task force a bien été mise en place en septembre 2009, mais, inefficace, elle a été démantelée un an plus tard. « Des intérêts énormes sont en jeu. Tout le monde en a profité : du simple douanier au ministre. Ce n’est pas si facile d’y mettre un terme », explique un ancien ministre de Rajoelina. Depuis trente mois, des milliers de rondins auraient été exportés. Les autorités en ont saisi près de 9.000, rien qu’en 2010, dans les ports malgaches, aux Comores et à Maurice. Mais combien sont passés à travers les mailles du filet ? Plusieurs sources parlent de 35.000 tonnes exportées pour la seule année 2009.

Des conséquences dramatiques

Les conséquences du pillage des forêts de l’Est malgache, inscrites par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial en péril, sont dramatiques, assurent les ONG. Elles mettent en danger la biodiversité d’un pays réputé en la matière (80 % des espèces de l’île sont endémiques). L’extraction des troncs ne menace pas seulement les arbres précieux : les bûcherons chassent des lémuriens pour se nourrir et peuplent des milieux autrefois intacts. Au plan économique, le trafic menace l’écotourisme malgache, qui rapportait au pays 270 millions d’euros par an. Depuis deux ans et demi, les touristes ont disparu des parcs de Marojejy et Masoala.

Les rentrées d’argent, qui profitaient aux villages voisins, se sont taries, et ceux qui en vivaient (guides et artisans) sont au chômage technique. Ils peuvent toujours se rabattre sur la coupe, mais dans un rapport publié en mars 2010 (« Bois de rose de Madagascar : entre démocratie et protection de la nature »), Hery Randriamalala et Zhou Liu dénoncent un « commerce inéquitable » : quand un coupeur touche 1 euro, la partie chinoise en gagne 357 fois plus.

Mauvaise publicité

Selon le ministre Rahajason, le trafic actuel est la conséquence des errements du régime Ravalomanana. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour y mettre fin ? « Nous n’avons pas attendu, rétorque-t-il. Ce trafic est interdit depuis avril 2010. Mais il a continué. C’est pour cela que l’on durcit le ton. » C’est aussi parce que les pressions internationales se multiplient.

Depuis des mois, les ONG alertent les capitales étrangères. En juin dernier, cette réputation aurait pu coûter cher au pays : au moment de se prononcer sur un don de la Banque mondiale de 36 millions d’euros pour sauver la biodiversité malgache, les États-Unis ont failli opposer leur veto. Dans une note envoyée à l’institution internationale, le Trésor américain accusait la HAT de « laisser faire » et de « profiter directement » du trafic. Une bien mauvaise publicité pour un régime en quête de légitimité.


Rémi Carayol

Jeune Afrique-16 août 2011

Rémi Carayol est journaliste à Jeune Afrique depuis novembre 2009. Il couvre principalement l’actualité de l’Afrique sub-saharienne et de l’océan Indien.

Mis à jour ( Mercredi, 17 Août 2011 04:19 )  
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