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Madagascar CNIDH. Les actes de violation des droits de l’Homme commis à Antsakabary

Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme

(CNIDH)

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«Rapport condensé des actes de violation des Droits de l’Homme relevés à Antsakabary»

COMMUNIQUE DE PRESSE


VIDÉOS DU POINT DE PRESSE DE LA CNIDH ICI

La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) a diligenté une investigation dans la commune rurale d’Antsakabary, district de Befandriana-Nord du 02 au 07 mars 2017. Celle-ci a été menée selon les dispositions de loi 2014-007, stipulant que la Commission est chargée de promouvoir et protéger les Droits de l’Homme sans exception; fournir à titre consultatif à l’Exécutif, au Législatif, à la Cour Suprême et à tout autre organe compétent des avis, recommandations, propositions et rapports concernant toute question relative à la promotion et à la protection des Droits de l’Homme; élaborer des rapports sur la situation nationale des Droits de l’Homme ainsi que sur des questions plus spécifiques.

  • L’article 27 de cette même loi stipule par ailleurs que la Commission peut procéder à des enquêtes ou investigations de recoupement, d’où cette descente à Antsakabary du 02 au 07 mars 2017.

La méthodologie a été construite autour de l’article 24, selon lequel la procédure est contradictoire et confidentielle, pour des recoupements pointus et afin de protéger les interlocuteurs pouvant être sujets à des représailles.

Les violations des Droits de l’Homme révélées par l’investigation de la CNIDH ont été commises autour du meurtre de deux (02) policiers du commissariat du district de Befandriana-Nord et des actes perpétrés lorsqu’un peloton d’une quarantaine de policiers a été envoyé dans la commune d’Antsakabary.

Le sous-brigadier Dieu Donné RAZAFISON et l’agent de police de premier échelon Samson RAZAFINDRAMEVAJERY ont été tués avec barbarie. L’examen des dépouilles révèlent de nombreuses perforations sur la boîte crânienne. Des blocs de pierre ont été par la suite jetés sur leurs têtes et leurs armes. Des entailles profondes faites avec plusieurs armes blanches ont été constatées lors des autopsies. Des témoignages indiquent qu’ils ont été tailladés au coutelas, même déjà morts.

Le sous-brigadier de police Dieu Donné RAZAFISON était père de deux enfants. Le premier est âgé de huit (08) ans, tandis que le dernier a à peine huit (08) mois.

L’agent de police de premier échelon Samson RAZAFINDRAMEVAJERY avait quant à lui un enfant de quatre (04) ans. Ces deux policiers ont été brutalement arrachés à leurs familles dans des circonstances des plus tragiques. L’avenir de leurs enfants, qui ne font que commencer dans le primaire et le préscolaire, est de ce fait compromis. Cinq (05) suspects sont actuellement placés sous mandat de dépôt pour ce double meurtre. Toutefois, plus d’une dizaine de présumés auteurs de ce double crime sont encore en fuite et font l’objet de recherches.

Pour ce qui est des actes commis dans les villages d’Antsakabary, les enquêtes de la CNIDH révèlent l’implication du peloton policier, conduit par un officier de police, adjoint du commandant des Forces d’Intervention de la Police (FIP) à Mahajanga. Les témoignages de sinistrés, de personnes victimes de maltraitance, des autorités locales, ainsi que les chefs traditionnels accablent les policiers expéditionnaires. Les cas suivants ont été relevés.


Homicide involontaire

Dans le village d’Ambinanindrano, dans l’après-midi du 22 février, Safeno, une femme non voyante âgée de 76 ans a été brûlée vive dans son foyer. Emmenées par les policiers qui se sont déployés dans le village, ses voisins n’ont pas pu la sauver de la maison en feu. Son corps a été inhumé le 28 février. Des témoins des faits n’indiquent toutefois pas qu’elle a été sciemment brûlée dans son foyer.

Incendies criminels

Au total, 487 toits ont été ravagés par le feu selon les statistiques recueillies auprès du chef d’arrondissement d’Antsakabary, dont 80 à Ambalamanga Ankisigny, 230 à Ambinanindrano, 80 à Antanagnambo, 75 à Ambodifinesy et 22 à Ambohitraivo.

Des dizaines de tonnes de paddy, des vivres; des marchandises de commerce; des fiches individuelles de bovidés; des matériels et d’une église à l’instar de bibles; des papiers fonciers ainsi que les économies de certains villageois sont calcinés.

Tortures et maltraitances physiques

Des actes de tortures incriminant les policiers dépêchés dans les villages ont été dénoncés. L’appareil génital de l’individu qui dit avoir été avoir dépouillé d’une somme s’élevant à 100.000 ariary a été induit de piment d’après les enquêtes. Des villageois arrêtés ont été ligotés par des policiers armés, forcés à se mettre à plat ventre dans la boue et à se déplacer en s’agenouillant. Des dizaines d’individus affirment avoir été écrasés à coups de brodequins dans le dos, giflés, aspergés de lacrymogène et battus à coups de crosse de fusils. Arrêtées dans l’après-midi du mercredi 22 février, près des 400 personnes ont été gardées dans une salle à Tavenina pour y passer la nuit sans nourriture.

Une soixantaine de personnes, victimes de sérieuses blessures aux genoux se sont entre autres présentées dans des centres de soins. Cinq (05) autres, victimes de suffocation au lacrymogène, ont été par ailleurs hospitalisées d’après les statistiques.

Pillages

Des témoignages révèlent que des portes de maisons ont été fracturées à Ambalamanga et que des policiers s’y sont introduits pour faire des fouilles avant que leurs demeurent ne soient incendiées. Dans le village et à Ambinanindrano, des sinistrés affirment avoir vu des policiers quitter les lieux avec des animaux de basse-cour et des coutelas qu’ils utilisent dans les champs.

Atteinte à la pudeur et aux bonnes mœurs

Une jeune femme âgée d’une vingtaine d’année a profité de la descente de la CNIDH pour porter plainte contre les policiers missionnaires. « On m’a obligée de soulever mes vêtements devant les villageois et montrer mes seins. On m’a touchée sur le ventre », a relaté la plaignante. Des témoins confortent sa dénonciation.

Humiliation

Outre les comportements répréhensibles dénoncés par la jeune femme, le maire d’Antsakabary ainsi que le deuxième adjoint ont été menottés en public et maltraités pendant une marche de trois heures sur une distance d’une vingtaine de kilomètres, jusqu’au village de Maroadabo selon les enquêtes de la CNIDH. Un policier s’est permis de planter le canon de son fusil dans le ventre de l’élu.


Traitements dégradants

Les victimes ainsi que des témoins ont porté au grand jour des traitements dégradants. Un membre du comité local de sécurité d’Ambohitraivo a été forcé de mettre le feu à sa maison. A Tavenina, des villageois arrêtés ont affirmé avoir été contraints de se recroqueviller sur la boue et sommés d’en avaler, outre les nombreux insultes et propos indécents.

Extorsion d’aveux

Des leaders d’opinion à l’instar du maire d’Antsakabary, son deuxième adjoint, ainsi que des agents de la police communale ont écrit et signé sous la contrainte, selon les enquêtes, des lettres disculpant la police des incendies criminels perpétrés, et rejetant la responsabilité à une prétendue aliénée mentale. La teneur du texte a été dictée par l’adjoint du commandant des FIP à Mahajanga selon les dénonciations. Les lettres en question leurs ont été par la suite prises. Les autorités policières interrogées maintiennent la version selon laquelle c’est une personne soufrant de troubles mentaux qui a mis le feu aux villages, en attendant l’aboutissement des enquêtes menée par un comité mixte, saisie de l’affaire.


Tentative d’entrave à la liberté de la presse

Des journalistes ont été accusés de désinformation et rappelés à l’ordre pour propagation des fausses nouvelles. La police a mené une communication qui avait tendance à blanchir les éléments incriminés dans les faits relatés par la presse, mais la tentative n’a pas été pour autant suffisant pour museler les média sur l’affaire Antsakabary.

Déformation de plaintes

L’affaire à l’origine de cet enchaînement de faits malheureux portait au départ sur un acte de vandalisme. Un individu résidant à Antsakabary a été poursuivi par son voisin pour avoir tué un canard ayant mis a mal sa culture. L’acte de vandalisme a été conduit devant les notables puis la gendarmerie. Lorsque le plaignant insatisfait des arrangements et de la procédure judiciaire ayant été entamées a fait le déplacement jusqu’à Antsakabary pour saisir le chef district, qui a, à son tour, émis un soit transmis à la police, le suspect a été poursuivi pour vol de canard mais non plus pour vandalisme.

Selon les dispositions de l’article 2 de la loi 2014-007, la CNIDH a mandat d’interpeller l’Exécutif et ses démembrements sur les situations de violation des Droits de l’Homme dans tout le pays …. et émettre un avis sur les positions et réactions des autorités concernées. La Commission insiste de ce fait sur l’application de la loi à l’endroit de toute personne jugée coupable des violations des droits de l’homme ayant été commises.

En attendant le verdict, la CNIDH appelle à la prise de mesures administratives contre les agents de l’État ainsi que les autorités impliqués dans cette affaire, selon le degré de responsabilité.


L’article 28 de la loi 2014-007 prévoit que la commission la Commission peut procéder à la conciliation pour apporter une solution aux cas de violation relevés et octroyer une juste et équitable réparation aux victimes. Face à la situation qui prévaut dans les villages sinistrés, la CNIDH recommande la réparation de toute urgence des dégâts, de par l’intensification et la poursuite des actions ayant déjà initiées par l’État.

Des habitants, des élus, des personnalités parmi les autorités locales, des éléments des forces de l’ordre ainsi que les chefs traditionnels soulèvent pour leur part la nécessité d’une conciliation.


Fait à Antananarivo, le 17 Mars 2017

VIDÉO DU REPORTAGE DE FETRA RAKOTONDRASOA ICI

Mis à jour ( Lundi, 20 Mars 2017 07:55 )  
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