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Madagascar. Fanirisoa Ernaivo, magistrate, Présidente du SMM, sur TV5 Monde

TV5 MONDE, le 25 Juin 2017. A Madagascar, les magistrats réclament plus d’indépendance pour la justice.

La Présidente du syndicat des magistrats malgaches (SMM), Fanirisoa (et non Fanirisao) Ernaivo était l’invitée de la revue francophone sur le sur le plateau de "64 minutes le monde en français" sur TV5 Monde. Présentation: Xavier Lambrechts


« Chez nous, la corruption sévit de haut en bas, çà fait partie vraiment du système. C’est pour çà que nous, magistrats, nous avons décidé, au sein du SMM, de lutter contre la corruption en revendiquant, déjà, l’indépendance de la justice qui est théoriquement quasiment sous l’emprise de l’Exécutif… ».

LA JUSTICE N’EST PAS LIBRE A MADAGASCAR?

« Pas du tout. La justice n’est pas libre, surtout pour les grandes affaires de corruption ».

Y-A-T-IL DES ENQUÊTES PARFOIS? MAIS QUI N’ABOUTISSENT PAS?

« Bien sûr, il y a des enquêtes, des arrestations mais, actuellement, Il y a un cas qui n’arrivent pas à aboutir ».


ALORS CE CAS, C’EST LE CAS DE LA CONSEILLÈRE SPÉCIALE DU PRÉSIDENT LA RÉPUBLIQUE

« En effet, il y a le cas d’une dame qui se présentait comme Conseillère du Président de la république, appelée Claudine Razaimamonjy. Mais, finalement, la présidence a dit qu’elle n’était pas sa conseillère spéciale… ».

ELLE ÉTAIT POURSUIVIE, EN FAIT, POUR DÉTOURNEMENT ET FAVORITISME DANS L’ATTRIBUTION DE MARCHES PUBLICS?


« Plusieurs infractions lui sont reprochées, y compris ce que vous avez dit là. Mais elle était inculpée parmi tant d’autres personnes, une huitaine de personnes qui n’ont pas été traduites devant la justice, qui sont en fuite. Et il y a d’autres complices encore qui devraient être arrêtés. Mais le fait est que c’est l’État de droit même qui est en cause à Madagascar, car certaines personnes sont dérobées à la loi, et c’est cette absence de l’État de droit que nous pointons du doigt au sein du Syndicat des Magistrats ».


QU’EST-CE QUE VOUS POUVEZ FAIRE? COMMENT EST-CE QUE CONCEVEZ-VOUS VOTRE RÔLE POUR AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE A MADAGASCAR?

« Nous pensons que réclamer beaucoup plus d’indépendance pour la justice qui devrait être une institution même de l’État; le pouvoir judiciaire devrait être une institution au même titre que le pouvoir législatif et l’exécutif, et serait un moyen de lutter contre la corruption et rétablir l’État de droit à Madagascar, si cela aurait existé bien sûr…».

J’AI VU QUE LES MAGISTRATS AVAIENT FAIT LA GRÈVE, AU DÉBUT DU MOIS DE JUIN, 8 ET 9 JUIN JE CROIS, A MADAGASCAR. EST-CE QUE CETTE GRÈVE A DÉBOUCHÉ SUR DES RÉSULTATS?


« Pas du tout. En effet, nous avons organisé deux jours de grève, le 8 et le 9 juin derniers. Mais, depuis, aucun impact sur l’évolution de la situation à Madagascar. Au contraire. Mais je pense qu’on a eu un petit gain de cause lorsque la dame, qui était à l’hôpital, a été transférée dans une prison (Ndlr : Maison centrale d’Antanimora). Or, elle a été transférée, à nouveau, dans une autre prison (Prison de Manjakandriana, RN2) où nous pensons qu’elle ne se trouve pas, mais qu’elle est plutôt dans une villa. Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’un cas qui présente un exemple de la difficulté de notre travail, de notre manque d’indépendance qui est lié à des pressions qui sont exercées verbalement sur nous… ».


DES PRESSIONS, DES MENACES PARFOIS AUSSI?

« Oui, des menaces. On utilise vraiment la justice pour créer une certaine impunité ».

QU’EST-CE QUE VOUS RÉCLAMEZ POUR FAIRE CHANGER LES CHOSES? IL FAUDRAIT CHANGER LES LOIS A MADAGASCAR?

« A commencer, il y a certaines lois qui devraient être changées, notamment celles du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui disent que le Président de la république est le Président du CSM et le Ministre de la Justice le Vice-président. Il y a aussi des membres de droit qui devraient ne plus figurer dans ce Conseil et, bien sûr, la Constitution devrait prévoir aussi que le pouvoir judiciaire existe à Madagascar. Car ce n’est pas encore prévu par la Constitution ».

DERNIER MOT : VOUS AVEZ PARLER DE LA CORRUPTION AU NIVEAU DE LA SOCIÉTÉ. IL FAUT RECONNAITRE AUSSI, PARFOIS, LES MAGISTRATS SONT EUX-MÊMES CORROMPUS


« Je dirais que nous sommes aussi victimes du système, bien que nous soyons les acteurs, les dernières balises de cette société corrompue. Donc, il faudrait nettoyer chez nous. Mais pour nous nettoyer, déjà, on aimerait pouvoir exercer notre fonction indépendamment et aussi donner cette responsabilité, cette redevabilité par rapport à cette indépendance ».


MERCI D’ÊTRE VENUE SUR CE PLATEAU DE TV5 MONDE POUR PARLER DE L’ÉTAT DE LA JUSTICE A MADAGASCAR. MERCI FANIRISOA ERNAIVO

Propos recueillis et transcrits par Jeannot Ramambazafy

Mis à jour ( Lundi, 26 Juin 2017 08:39 )  
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