Tous les ans que Dieu a fait, fait et fera -avec ou sans nous ô mortels contemporains!-, des cyclones s’abattront sur la Grande île de l’océan Indien entre les mois de décembre à début avril de chaque année. Il n’y a pas de malédiction comme veulent le faire croire certains imbéciles ignares qui ne savent vraiment pas vivre (littéralement en malagasy : « tsy mahay miaina »). Bah, ils mourront idiots en laissant leur imbécilité en héritage pour leurs descendants. Passons.
De nos jours, grâce aux satellites et à divers instruments de mesures informatiques, les services de météorologie (météo) de chaque région du monde permettent de savoir en avance à peu près tout de l’évolution d’une perturbation météorologique, que ce soit une tempête, un ouragan ou un cyclone. A Madagascar, par rapport aux autres services météos, ce n’est que très récemment que le pays a été équipé d’outils de surveillance modernes.
Et le fait d’avoir parlé du cyclone Batsirai en conseil des ministres (le 02 février 2022), avec les prévisions pour les jours à venir -avec surtout les mesures prises et les conseils donnés- semble tout nouveau pour la majorité de la population malagasy. Avant de revenir sur Batsirai, je vous invite à un voyage dans le temps, au sujet des cyclones ayant traversé Madagascar.
Dans les années 1900, il est clair que les satellites et l’Internet n’existait pas du tout. Néanmoins, sachez qu’en 1889, un observatoire a été créé par le Père Elie Colin. 7 ans avant l’annexion puis la colonisation de la Grande île en 1896. Oui. Leçon de choses avant tout, SVT (Science de la vie et de la terre) comme disent les jeunes d’aujourd’hui. On évolue ou on rétrograde et qui n’avance pas recule, n’est-ce pas les anti-téléphériques obscurantistes égoïstes ?...
Le mot « cyclone » vient du grec « Kuklos » qui veut dire « cercle rond ». Dans certains pays, on utilise le mot « typhon », qui vient encore d’un mot grec : « Tuphôn » signifiant « tourbillon ». Pour parfaire vos connaissances, sachez que le mot « ouragan », utilisé encore en Amérique du Nord et du Sud, en anglais « Hurricane », vient du taïno (langue amérindienne des Antilles) « Huracan » qui veut dire tornade. de l'espagnol « Tornado », dérivé du verbe « tornar » ou tourner.
Cela donne le… tournis, n’est-ce pas ?
De nos jours, Internet nous permet de voir des images provenant des satellites météorologiques. Ce sont des photos ou des séquences prises à très haute altitude sur lesquelles on peut constater de visu qu’un cyclone ressemble à une tâche blanche (nuages élevés) plus ou moins ronde, circulaire, avec en périphérie des nuages alignés en forme de spirales attirées vers le centre de cette zone. Et ces nuages semblent donc tourbillonner (tourner à grande vitesse).
Enfin, selon la définition de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), en 1992, un cyclone tropical est une « perturbation d'échelle synoptique non accompagnée d'un système frontal, prenant naissance au-dessus des eaux tropicales ou subtropicales et présentant une activité convective organisée ainsi qu'une circulation cyclonique, plus intense en surface qu'en altitude ». Lorsqu’on observe durant plusieurs heures les images successives en animation, on a l’impression de voir une toupie tournant sur elle-même. Le centre apparait parfois, comme une tête d'épingle plus sombre, parce que dépourvue de nuages : c’est l'œil du cyclone. Mais cette toupie ne se contente pas de tourner, elle se déplace également. Et il existe un paradoxe. En effet, si le déplacement de l'ensemble du cyclone ne s'effectue qu'à 20 ou 30 km/h, la vitesse des vents peut parfois dépasser 150 ou 200 km/h autour du centre de rotation (œil du cyclone).
Vous avez tout compris désormais. Revenons à Madagascar. Ici, les cyclones sont étroitement liés dans le temps et voici les constats du Père Charles Poisson, successeur du Père Colin à l’Observatoire d’Ambohidempona (des Jésuites, kes anciens de saint Michel vont sauter de joie…) : « La fréquence des cyclones à Madagascar est surtout grande pendant les mois de janvier et de février et, de fait, 55% des ouragans ont lieu dans les six semaines comprises entre le 15 janvier et le 1er mars ; 70% entre le 15 janvier et le 15 mars. L’apparition de ces météores coïncident, le plus souvent, avec la fin de l’hivernage, ai moment où la zone des calmes s’éloigne de l’équateur ; la fréquence des ouragans semblent coïncider également avec les maxima des tâches solaires ». Explications en vocabulaire de l’époque…
En ces temps-là , où les météores n’avaient pas encore de nom, l’histoire retient que deux cyclones ont été les plus dévastateurs à Madagascar. Le premier, le 31 janvier 1926, qui a ravagé Vatomandry, et le second, le 03 mars 1927 qui a dévasté la ville de Tamatave.
Le Père Poisson a pu classer les cyclones tropicaux en quatre types. Il serait fastidieux de retaper tout le texte. Aussi ci-après le texte extrait des « Annales de géographie » de 1929, en pages 295 et 296 par Jean Célérier (1887-1962) et André Cholley (1886-1968).
En ce qui concerne les appellations des cyclones, ouragans et tempêtes, c’est depuis 1979 que les cyclones tropicaux sont baptisés avec des prénoms alternativement masculins et féminins en anglais, espagnol et français.
Un principe de cycles a également été établi, basé sur six ans et six listes : les années paires débutent par un prénom masculin, les impaires par un prénom féminin. Une liste des noms est proposée par les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) des Membres de l'OMM d'une région donnée, puis approuvée par les organismes régionaux compétents en matière de cyclones tropicaux lors de leurs sessions annuelles ou biennales.
Sous feu le Président Didier Ratsiraka, le bilan laissé par le cyclone Geralda (du 26 janvier au 08 février 1994) est le suivant : 40.000 maisons détruites, 356.000 personnes sinistrées et/ou sans-abris. À l'échelon national, Geralda a tué 231 personnes et causé plus de 10 millions de dollars (USD 1994) de dommages.
Sous feu le Président Albert Zafy, le passage du cyclone Bonita , dans la nuit du 10 au 11 janvier 1996, a occasionné au total : 25 décès à Madagascar (avec plus de 5.000 sans-abris à Fénérive-Est et Foulpointe) et 17 décès au Mozambique. Il y eut également des milliers d’hectares de rizières inondés dans la région Alaotra (Ambatondrazaka).
Sous le Président Marc Ravalomanana, qui ne se souvient pas du cyclone Gafilo, du 29 janvier au 11 mars 2004 ? Au moins 363 personnes ont perdu la vie et il y a eu près de 200.000 sans abris Le montant des dégâts s'est élevé élève à 250 millions USD. Les récoltes ont subi d'importants dommages d'autant plus qu'elles avaient déjà été atteintes par le passage du cyclone Elita, du 26 janvier 2004 au 05 février 2004.
Sous la période de transition dirigée par le Président andry Rajoelina, le cyclone Giovanna (07 au 24 février 2012) a occasionné la mort d'au moins 33 personnes et 250.000 personnes sinistrées. Selon un rapport officiel : « 60 % des maisons ayant notamment été endommagées ou détruites. Deux villages sur de petites îles près de Madagascar auraient été « rayés de la carte ». Selon les rapports, 75 à 90 % des structures de ces zones ont été détruites. Les forts vents du cyclone ont déraciné des arbres et des pylônes électriques, causant des coupures de courant. Des véhicules de service d'urgence ont été mobilisés à Antananarivo afin de nettoyer les débris.
«10 jours plus tard, le 25 février 2012, Madagascar été frappé par un orage tropical du nom d’Irina qui a provoqué d’importantes inondations dans les secteurs déjà touchés par le cyclone Giovanna. Dans certaines zones, les récoltes ont été endommagées à hauteur de 80%. De nombreuses infrastructures ainsi que des voies de communication (routes, ponts…) ont été détruites. CARE a dû redoubler ses efforts pour répondre à ces deux catastrophes. Près de 2 mois après, les actions menées par CARE bénéficient à plus de 32 000 personnes dans les districts de Brickaville et Vatomandry, les zones les plus sévèrement touchées » (Récit de CARE à l’époque).
Sous le Président Hery Rajaonarimampianina, Il est écrit que le cyclone Enawo (du 02 au 12 mars 2017) a été le plus puissant cyclone tropical à toucher Madagascar depuis Gafilo en 2004. D'abord tempête tropicale modérée le 3 mars, Enawo a dérivé initialement et s'est intensifié lentement. Il s'est renforcé le 5 mars, devenant un cyclone tropical, puis davantage le 06 mars, pour devenir un grand dévastateur le 07 mars. « Formé dans l'océan Indien, le cyclone Enawo a frappé le 07 mars 2017 les côtes de Madagascar, dans la région d'Antalaha, accompagné de pluies diluviennes et de vents soufflant en rafales jusqu'à 290 km/h ». (Télécoms sans frontières). Selon wikipedia : « Le 9 mars, le nombre de victimes s'élevait à au moins cinq morts et sept blessés. Toutefois, une mise à jour du lendemain voit le bilan s'alourdir sévèrement, faisant état de 38 morts, ainsi que de 53 000 sinistrés. Au 12 mars, le bilan s'aggrave encore : on dénombre au moins 50 morts et plus de 176 000 sinistrés. En date du 13 mars, on compte près de 300 000 sinistrés ».
Sous l’actuel Président de la République, Andry Rajoelina, Madagascar va être confronté au cyclone Batsirai d’origine zimbabwéenne. Mais auparavant, Ana (23-25 janvier 2022), d’origine mozambicaine, a laissé des dégâts assi bien à Madagascar qu’au Mozambique et au Malawi. Pour la Grande île, voici son bilan officiel encore provisoire, au 02 février 2022 à 18h : 55 personnes décédées ; 131.555 sinistrés répartis dans 12 régions. 15.152 personnes déplacées sur 68 sites d’hébergement pour la région Analamanga (Sources : BNGRC).
Une semaine après Ana, une première dans les annales de la météorologie de la Grande île a vu le jour. En effet, les autorités ont pris les devants en lançant une véritable campagne IEC (Information-Education-Communication). Démarche jamais effectuée auparavant où Météo Madagascar n’était pas fiable si bien que l’on se contentait de Météo France ou Météo La Réunion qui mettaient l’ancienne colonie au second plan…
A présent, plus personne ne pourra dire, je ne savais pas (« Tsy nahalala aho »), sauf les créatures de mauvaise foi, donc de mauvais aloi également. Quelle est la situation tirée du rapport du conseil des ministres du 02 février 2022. Style télégraphique avec un grand remerciement à Alaoy Herizo D. qui se reconnaîtra…
A 6h 30 ce matin du jeudi 03 février 2022, le cyclone tropical intense Batsirai, se trouvait à 600 km en mer, à l’Est de Brickaville. Si sa vitesse de déplacement est de 14 km/h, son sillage draine des vents de 210km/h avec des pointes de rafales de 270 km/h. Son diamètre ? 750 km « seulement »… Obliquant vers l’Ouest/Sud-ouest, il entrera au niveau de Masomeloka, au nord de Mahanoro, le matin du samedi 06 février 2022.
Mais dès le vendredi 04 février, le ciel se chargera de plus en plus et une pluie s’intensifiera à mesure que la journée avancera. Les coups de vent se feront plus forts à partir de 15 h avec des rafales de 50 km/h combinées à une averse qui pourra être orageuse. La pluie et le vent seront présents durant toute la nuit du vendredi à samedi. Lors de son entrée en terre malagasy, les rafales de vent qu’il drainera atteindront les 170 km/h. Il ne nous reste qu’à prier et attendre le bilan du passage de Batsirai dans cette région du Nord-Est.
Enawo, en 2017 à Antananarivo. La situation a empiré en cette année 2022...
En ce qui concerne particulièrement Antananarivo, la Capitale de la Grande île, à propos du cyclone Batsirai, le vent atteindra les 60 km/h, avec des pointes en rafales de 90 km/h, accompagné de très grosses larmes du ciel, à partir de 6 h jusqu'à 21 h. Il ne sera pas prudent du tout de sortir de chez soi -sauf extrême urgence- car il y aura de vrais risques de chutes d'arbres et/ou de poteaux électriques, d’envolée de tôles de toiture coupantes. Pour ce qui est de la visibilité, en moto ou en auto, elle sera très mauvaise à cause du vent et de la pluie. Pendant ce temps, Batsirai poursuivra son bonhomme de chemin dévastateur orientant sa trajectoire sur l'axe Est-/Sud-ouest en passant à proximité d'Antsirabe, Malaimbandy et Morondava où il sortira vers 3h du matin, le dimanche 06 février 2022, pour entrer dans le Canal du Mozambique. A partir de ce jour, le vent s'affaiblira progressivement pour devenir nul en milieu de journée. Cependant, les fortes pluies persisteront jusqu'au petit matin du lundi 07 février 22022.
Que vous restera-il à faire en attendant cette sortie de Batsirai ? Ici, l’ami Alaoy Herizo D. est très réaliste : « Suivez les actus et les indications des autorités sachant que, malgré les précisions des previsions, un cyclone garde toujours sa part d’imprévisibilité. Prenez soins de vous les Ami(e)s ». Merci ami ! Et merci lecteurs assidus d’être parvenus jusqu’ici !
Dossier de Jeannot Ramambazafy
Antananarivo, jeudi 03 février 2020